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Les petits saints occidentaux ont tué plus d’innocents de 1941 à 1945 que le Boucher Staline

Auteur : Marko Marjanovi? | Editeur : Walt | Samedi, 30 Juin 2018 - 18h39

4 millions de morts contre 2 millions pour Staline. La seule raison pour laquelle nous les considérons moins immoraux, est que les nazis étaient bien pires.

Selon la meilleure étude disponible sur le sujet, l’Allemagne a perdu 5,3 millions de militaires au cours de la Seconde Guerre Mondiale. Dans ce nombre, 340 000 sont morts en Europe occidentale, 15 000 en Italie, 16 000 en Afrique et jusqu’à 225 000 en mer et dans les airs au-dessus de l’Allemagne. Par ailleurs, les Allemands ont perdu 1 230 000 morts lors des dernières batailles en Allemagne en 1945, dont Overmans estime qu’environ un tiers, soit 410 000, ont été tués par les Alliés. Au total, les Allemands ont perdu un peu moins de 1,2 million de soldats tués par les Alliés occidentaux, principalement les Anglo-Américains.[1]

D’autre part, au cours de la guerre, entre 360 000 et 460 000 civils allemands sont morts dans la campagne de bombardement stratégique anglo-américaine contre les villes allemandes. Pour trois soldats allemands, les Anglo-Américains ont également tué un civil allemand (parfois un travailleur forcé étranger ou un prisonnier de guerre allié). Ce bilan des bombardements anglo-américains dans l’Europe de la Seconde Guerre Mondiale est loin d’être complet. On estime que 60 000 civils ont été tués lors des raids sur la France et autant en Italie. 20 000 autres ont été tués lors des raids alliés aux Pays-Bas.

Théoriquement, la campagne contre les villes allemandes était « stratégique », mais les raids sur les territoires occupés par les Allemands étaient uniquement « tactiques ». Selon les architectes de la Combined Bomber Offensive, la mort de civils en Allemagne était une conséquence positive de ces raids. Cela affaiblissaient le moral des Allemands et aidaient la cause alliée. D’autre part, les pertes civiles causées dans les pays occupés par les Allemands n’étaient que mineures par rapport à ce que les frappes étaient censées accomplir. En pratique, cela ne faisait aucune différence. Au total, les bombes anglo-américaines ont coûté la vie à quelque 550 000 civils dans toute l’Europe sous domination allemande.

Au Japon, l’US Air Force a tué 100 000 personnes, rien que sur Tokyo, lors du raid des 9 et 10 mars 1945, puis 120 000 personnes lors du bombardement atomique d’Hiroshima et 60 000 à 80 000 autres lors du bombardement atomique de Nagasaki. Au total, la campagne de bombardement stratégique contre le Japon a probablement tué entre 400 000 et 500 000 personnes. Au total, les bombardements américains et britanniques sur le Japon et l’Europe occupée par les Allemands ont tué environ un million de non-combattants. Comment peut-on affirmer qu’une force qui, en l’espace d’un peu plus d’un an (entre la mi-1944 et la mi-1945), a brûlé à mort ou enseveli sous les décombres 1 million de civils, enfants et femmes inclus, est une force du bien ?

Au cours de la Seconde Guerre Mondiale, les Anglais et les Américains ont en fait infligé plus de morts civiles ennemies que Staline. Environ 1 million d’Allemands et de Japonais ont péri sous les bombes anglo-américaines. Par ailleurs, les Soviétiques ont principalement causé la mort de civils allemands lors de l’expulsion de millions d’Allemands de certaines parties de l’Allemagne de l’Est annexées à la Pologne communiste et à l’URSS. Près de 500 000 de ces expulsés sont morts dans des circonstances diverses.[2]

En outre,  au cours du conflit entre l’Union Soviétique et l’Allemagne,  environ 1,5 million de citoyens soviétiques ont péri à la suite de la répression de l’État soviétique. Sur ce nombre, environ 1 million dans le goulag, 0,3 million dans les déportations ethniques des « peuples ennemis » et 0,2 million condamnés à mort par les tribunaux civils, la police secrète et les tribunaux militaires.

Au cours de cette même période, l’Empire britannique a contribué sans ménagement à la mort d’environ 3 millions de ses sujets coloniaux dans la  famine du Bengale en 1943, qui était pourtant banale et évitable. En 1942, les conditions météorologiques et la prise de la Birmanie voisine par les Japonais prévoyaient une crise alimentaire au Bengale. Mais la présence des Japonais et un violent cyclone n’étaient pas en eux-mêmes des causes suffisantes pour la famine catastrophique qui s’ensuivrait.

Le désastre a commencé lorsque les Britanniques, sentant une crise, sont intervenus pour assurer le ravitaillement alimentaire de l’administration coloniale, des troupes et des industries dans les villes, c’est-à-dire les secteurs de la société qu’ils considéraient comme vitaux pour l’effort de guerre. Ils ont d’abord essayé de contrôler les prix et de forcer les réquisitions, mais ils les ont rapidement abandonné ces deux solutions et ont préféré créer des sociétés marchandes locales avec de grosses quantités de monnaie fiduciaire fraîchement imprimée et les ont autorisées à acheter autant de nourriture que possible pour les stocks britanniques. La politique britannique a rempli les greniers de l’État (où une partie de la nourriture a fini par pourrir), mais a fait grimper les prix et a aspiré la nourriture dans les campagnes. Les paysans sans terre du Bengale ne pouvaient pas rivaliser avec le pouvoir d’achat des Britanniques (qui pouvaient émettre des nouvelles devises) et ne pouvaient même pas se procurer suffisamment de nourriture pour nourrir leur famille.[3]

Même lorsque l’ampleur de la catastrophe est devenue clairement visible, les Britanniques ont continué d’exporter de la nourriture de toute l’Inde et n’ont jamais envisagé un effort de soutien, bien qu’il y ait suffisamment de nourriture dans l’Empire pour continuer à constituer des stocks en Grande-Bretagne et à l’est de la Méditerranée.

Au cours de la Seconde Guerre Mondiale, les Britanniques et les Américains, d’une part, et les Soviétiques, d’autre part, ont mené des politiques injustes et collectivistes qui ont pris la vie de millions de non-combattants. Qui plus est, les deux parties, les Soviétiques et les Anglo-Américains, ont causé un nombre de morts d’innocents du même ordre de grandeur. Quoique les Soviétiques (2 millions) aient été quelque peu à la traîne par rapport aux Alliés occidentaux (4 millions).

Naturellement, ni les uns ni les autres ne peuvent rivaliser avec l’Allemagne nazie. Au cours de la Seconde Guerre Mondiale, les Allemands ont tué 5,7 millions (NDT: ?) de personnes pendant l’Holocauste, près d’un million pendant le siège de Leningrad, plus d’un demi-million en représailles anti-partisanes en Union Soviétique et peut-être 7 millions d’autres décès dus à la malnutrition et aux maladies en URSS. Trois millions de prisonniers de guerre soviétiques supplémentaires sont morts sous la garde des Allemands, ces derniers ayant intentionnellement laissé la plupart mourir de faim. De lourdes pertes ont été infligées en Yougoslavie occupée, en Pologne et en Grèce.[4]

Le plus choquant, c’est que le Troisième Reich avait l’intention de faire bien pire que ce qu’il a accompli. S’ils avaient réussi à conquérir rapidement la partie européenne de l’URSS, les nazis avaient prévu d’affamer des dizaines de millions de ses habitants au cours de la première année de l’occupation. La victoire allemande dans la Seconde Guerre Mondiale aurait entraîné la mort d’un nombre incomparablement plus élevé de personnes que sa défaite face aux Soviétiques et aux Anglo-Américains.

Il est naturel de pousser un soupir de soulagement du fait que l’Allemagne nazie ne soit pas sortie victorieuse de la Seconde Guerre Mondiale. Cela ne signifie pas pour autant qu’il y ait quelque chose de particulièrement exaltant ou digne de louanges à propos de ceux qui sont sortis vainqueurs du massacre planétaire des années 1940. Eux aussi étaient parfaitement disposés à mener des politiques collectivistes méprisant totalement la vie humaine et provoquant la mort de centaines de milliers de « civils ennemis », de leurs propres citoyens et de leurs sujets coloniaux dans des bombardements terroristes, des camps de travail forcé et des famines évitables et provoquées par l’homme.

Le seul élément qui puisse objectivement un peu atténuer les terribles massacres Soviétiques et Anglo-Américains, c’est que l’Allemagne sous les nazis a réussi, quelque part, à être encore pire. C’est-à-dire qu’ils paraissaient bons en comparaison, mais en soi, leur bilan était tout aussi épouvantable.

C’est la grande tragédie du plus grand conflit armé qui ait jamais frappé l’humanité : après tant de sacrifices et de pertes humaines, la victoire n’appartenait pas à la moralité, à l’humanité et à la liberté, mais à des puissances étatiques redoutables avec la mort de millions d’êtres humains innocents sur la conscience. D’une part, il y avait l’URSS de Staline, dont il n’y a pas grand-chose à dire ici. De l’autre côté, il y avait l’Empire britannique et les États-Unis qui, au cours de la Seconde Guerre Mondiale, ont facilement rivalisé et même dépassé Staline en termes de meurtre d’innocents et de massacre.

Traduit par Pascal, revu par Martha pour Réseau International

Photo d'illustration: Il n’y avait malheureusement rien de particulièrement moral chez les alliés. L’Axe germano-japonais n’a fait que les mettre en valeur en comparaison.

Notes:

[1] Selon Rüdiger Overmans, Deutsche Militärische Verluste im Zweiten Weltkrieg  (München: R. Oldenbourg Verlag, 1999).

[2] Les Allemands de souche ont également été expulsés de Tchécoslovaquie et de Yougoslavie, mais cela n’avait pas grand-chose à voir avec Moscou. Une estimation plus ancienne de 2,2 millions de décès dus aux expulsions des Allemands existe également, mais depuis de nouvelles recherches menées par les chercheurs allemands Ingo Haar et Rüdiger Overmans, ce chiffre n’est plus viable. Il a été démontré que le chiffre de 2,2 millions représente en fait la perte démographique totale des germanophones et des citoyens allemands des régions touchées. Le chiffre de 2,2 millions, par exemple, supposait qu’il y avait 270 000 morts parmi les Allemands expulsés de Tchécoslovaquie. En fait, une commission germano-tchèque d’historiens a découvert qu’il y avait eu en fait 15 000 à 30 000 morts de ce genre. L’écart entre les deux se compose de catégories telles que les Allemands de la Région des Sudettes qui sont morts dans les forces armées allemandes (160 000), les Allemands de la région des Sudètes victimes de la répression nazie contre les francs-maçons, les Témoins de Jéhovah et les homosexuels, les Allemands de la région des Sudètes assassinés dans les programmes d’euthanasie nazis et ainsi de suite. Ingo Haar estime que le nombre total de décès résultant des expulsions se situe entre 500 000 et 600 000.

[3] Quelque 8,5 millions de familles du Bengale possédaient trop peu de terres pour pouvoir se nourrir de ce qu’elles produisaient. Ils ont surmonté leur sort en achetant de la nourriture avec ce qu’ils gagnaient en travaillant pour de riches propriétaires terriens. Pour une excellente description de la famine et de son contexte, voir Madhusree Mukerjee, Guerre secrète de Churchill: l’Empire britannique et le ravage de l’Inde pendant la Seconde Guerre mondiale (New York : Basic Books, 2010). Voici ma critique et le résumé du livre.

[4] Le nombre de prisonniers de guerre qui ont péri en détention soviétique est controversé. Les recherches menées par l’intellectuel russe Krivosheev suggèrent qu’il y a eu 360 000 morts avérées parmi les prisonniers de guerre allemands et 90 000 autres décès non avérés pour un total de 450 000. G.F. Krivosheev, Pertes Soviétiques et Pertes au Combat au vingtième siècle (Pennsylvania : Stackpole Books, 1997) 276. Overmans croit cependant qu’il y a eu beaucoup plus de morts non répertoriées, pour un total allant jusqu’à un million de morts de prisonniers de guerre allemands en détention soviétique. De plus, il y a eu des dizaines de milliers de morts parmi les prisonniers de guerre japonais, italiens, roumains et hongrois aux mains des Soviétiques.


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