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Le site internet des impôts offre à Google des données de millions de Français

Auteur : GUERRIC PONCET | Editeur : Walt | Mercredi, 18 Avr. 2018 - 12h15

En obligeant à regarder une vidéo informative hébergée sur YouTube, Bercy permet au géant américain d'aspirer un grand nombre d'informations personnelles.

Google ne doit pas en croire ses yeux, et pourtant, l'État français vient de lui offrir un joli cadeau. La direction générale des finances publiques (DGFIP) a décidé d'utiliser YouTube pour héberger une vidéo d'information sur le prélèvement à la source, qu'il est obligatoire de visionner pour accéder au site et déclarer ses revenus. Problème : elle permet à YouTube (Google) de collecter des données personnelles sur les internautes. En quelques jours, la vidéo a été vue plus de 4,3 millions de fois, à la faveur de l'ouverture du service de déclaration en ligne.

La volonté de Bercy d'informer les internautes est louable : les sondages montrent que l'immense majorité des Français n'a pas compris le prélèvement à la source. La vidéo est plutôt bien faite, et explique le fonctionnement selon chaque situation (employé, retraité, etc.). Mais, comme toutes les vidéos YouTube, elle est diffusée par Google avec des mouchards publicitaires, qui aspirent certaines données du navigateur (notamment les cookies). À un moment aussi crucial que la déclaration de revenus, Google peut donc piocher des informations très précieuses pour traquer les internautes et enrichir leur profil publicitaire, avec la bénédiction d'un site gouvernemental.

Jackpot pour Google

 

Bercy impose de voir une vidéo « informative » hébergée sur YouTube, lui permettant d'aspirer un grand nombre d'informations personnelles.© Capture d'écran Youtube

Ainsi, le géant américain est capable de retracer votre parcours sur Internet avant et après votre déclaration d'impôts, de savoir quels sites vous avez visités, quelles recherches vous avez faites (« optimisation fiscale », « compte en Suisse », « Xanax »...) ou encore si vous avez effectué des achats sur des sites marchands. Si vous possédez un compte Google, c'est le jackpot pour le moteur de recherche, qui peut associer ces données avec votre compte, vos emails, votre agenda ou votre historique complet de recherches, y compris sur plusieurs années passées.

Certes, il serait difficile de trouver une autre plateforme vidéo grand public fiable, sans annonces publicitaires et sans mouchards. Mais, comme le relève Next INpact, il aurait été bon d'activer le mode de confidentialité avancée de YouTube, lequel permet de bloquer certains mouchards, ce que la DGFIP n'a pas fait.

Une migration vers Dailymotion ?

Après avoir dû regarder une troisième fois la vidéo informative, pour accéder cette fois-ci à la page « presse » du site impots.gouv.fr, nous avons pu contacter le service de communication de Bercy. « Il existe une chaîne DGFIP depuis longtemps sur YouTube, qui héberge du contenu accessible gratuitement », nous explique la direction générale des finances publiques. « Il s'agit de la plateforme la plus répandue, et elle est capable de supporter un très grand nombre de connexions simultanées », ajoute-t-on. Toutefois, les services techniques sont « en train d'étudier la faisabilité d'un hébergement sur d'autres plateformes, peut-être sur Dailymotion ». Une solution qui ne serait pas forcément meilleure.

« La réforme concerne 37 millions de foyers fiscaux et 3 millions d'entreprises, et les études d'opinion indiquent que les Français sont mal ou sous-informés : nous avons pris le parti de rendre la vidéo obligatoire », ajoute le service de communication. « Il s'agit notamment d'expliquer que l'administration fiscale reste l'interlocuteur unique », précise encore Bercy, qui insiste sur le fait que seules les soixante premières secondes du premier visionnage sont incontournables.

La même vidéo, encore et encore

Effectivement, l'internaute peut passer la vidéo une fois qu'il a dépassé soixante secondes, ou lorsqu'il l'a déjà vue en entier. C'est possible s'il utilise le même ordinateur et ne protège pas sa vie privée dans son navigateur. Mais, s'il suit les recommandations de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) en vidant régulièrement le cache de son navigateur (à chaque session, par exemple) ou en désactivant les cookies, alors il devra visionner la vidéo indéfiniment. D'ailleurs, la vidéo a été vue 4,4 millions de fois, mais seules 1,2 million de personnes ont télédéclaré leurs revenus lundi 16 avril au soir. Certes, la vidéo est obligatoire sur tout le site impots.gouv.fr (y compris les pages d'information), mais cela indique probablement de nombreux visionnages en double.

Et, en plus, le bandeau d'information sur l'utilisation des données et les cookies, obligatoire sur tous les sites européens pour protéger la vie privée, renvoie vers une page qui n'est accessible qu'une fois la vidéo YouTube visionnée...


- Source : Le Point

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