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Jeudi, 28 Mars 2024

Qui a signé la condamnation à mort de la France en 1940 ?

Auteur : Nikolay STARIKOV | Editeur : Walt | Dimanche, 15 Avr. 2018 - 00h08

Ce qu’il y a d’insupportable dans la défaite de 1940, c’est le fait de savoir que la France, poussée dans la guerre par les manœuvres de l’Angleterre, trahie au dernier moment par cette même Angleterre, continue à fêter son faux allié comme son sauveur. Peut-on être plus masochiste ?

***

Lorsqu’on analyse les causes de la chute incroyablement rapide de la France en 1940, il serait anormal de ne pas mentionner le merveilleux plan mis au point par le général allemand Erich Von Manstein. Mais les Britanniques ont tout aussi largement contribué à la défaite de la France.

Les anglais n’ont en aucun cas songé à sauver la France et, à la surprise des commandants français, qui dirigeaient la lutte commune, ils ont cessé d’exécuter des ordres français. Dans son livre, Churchill lui-même cite sans vergogne le télégramme qu’il reçut du ministre français Paul Reynaud le 24 mai 1940: « … l’armée britannique avait effectué, de sa propre initiative, une retraite de vingt-cinq miles en direction des ports à un moment où nos troupes, remontant du Sud, gagnaient du terrain vers le Nord où ils devaient rencontrer leurs alliés. »[1]

La langue diplomatique cache un point très simple. Le choc de l’assaut des blindés allemands a créé un trou géant dans la défense des alliés, et les Nazis se sont précipités dans la brèche qui en a résulté. Cependant, la défaite aurait pu être transformée en victoire. Le plan conçu par le  général français Maxime Weygand, qui a été adopté le 21 mai 1940, a été on ne peut plus remarquable par son originalité. La décision a été prise de lancer une contre-attaque bidirectionnelle par le Nord et par le Sud afin de vaincre les divisions allemandes qui y étaient coincées et, une fois celles-ci anéanties, fusionner les différentes unités des troupes alliées, qui étaient positionnées à une distance de 50 à 90 km les unes des autres. Si cette contre-attaque avait réussi, la chute imminente de la France n’aurait jamais eu lieu, parce qu’Hitler aurait été privé de ses blindés qui lui servaient de bélier.

Mais quand les soldats Français ont commencé la contre-attaque, c’est-à-dire, ont commencé à avancer, les britanniques se sont mis, au contraire, à reculer ! « Dans la soirée du 25, Lord Gort a pris une décision vitale. Ses ordres étaient toujours de mettre en œuvre le plan de Weygand par une attaque vers le sud en direction de Cambrai, où les 5ème et 50ème Divisions, conjointement avec les Français, devaient être utilisées… Gort abandonnait maintenant le plan de Weygand. »[2]

Winston Churchill a donné l’ordre d’abandonner la France à son sort.

Ni plus, ni moins – il avait tout simplement abandonné le plan ! Au moment le plus crucial de la bataille, le général Britannique Gort a commis une faute qui aurait dû, normalement, être traduite devant une Cour d’armée martiale. Pourquoi le général britannique a-t-il rompu son serment au moment le plus crucial ? Eh bien, c’est justement là le problème, il n’avait rien rompu du tout. Ses commandants français lui avaient ordonné d’attaquer, mais son ordre de battre en retraite, est venu de Londres! Le Général Gort a exécuté l’ordre de ses supérieurs britanniques immédiats et n’a pas simplement décidé d’abandonner son poste sans autorisation. « Le refus de Gort de s’engager dans la bataille avait la pleine approbation de Churchill. Toutefois, dans les jours qui ont suivi, le premier ministre britannique [3] a continué à prétendre qu’il avait accepté que le corps expéditionnaire britannique prenne part à la « contre-offensive de Weygand. » Lâcher un allié aux moments les plus critiques de la bataille, mais tout en sauvant les apparences, voilà ce qui a été la politique du Cabinet britannique. » [4]

Nous allons donc comparer les dates afin de dissiper tous les doutes persistants. Le 22 mai 1940, le premier ministre Churchill est arrivé en France ; le 24 mai, les troupes britanniques ont commencé leur retraite à Dunkerque. Est-il possible de croire qu’au cours des deux jours le général Gort n’ait jamais communiqué avec le chef de son gouvernement, ne l’ait jamais informé et qu’il aurait tout simplement décidé, de son propre chef, de signer la condamnation à mort de la France ?

La perfidie de cette décision par le Conseil des ministres à Londres ne peut pas être déguisée avec des arguments tels que la nécessité stratégique. Ce qui est surprenant, c’est que, contrairement à leurs homologues anglais, les généraux français croyaient que le plan de Weygand était tout à fait faisable. Cependant, une fois qu’une partie de l’armée alliée a commencé à avancer « en arrière », le plan d’ensemble s’est effondré. Avec elle s’est effondré le dernier espoir de stabiliser le front. Mais pourquoi les Britanniques se sont-ils déshonorés ainsi durant ces heures sombres ?

Nous arrivons là à une autre énigme de cette guerre. Pour le résoudre, nous devons nous rappeler la direction qu’ont prise les divisions britanniques quand elles ont commencé leur retraite. C’est naturellement vers Dunkerque, qui, à cette époque, était le seul port d’où les britanniques pouvaient être évacués pour rentrer chez eux.

Mais là, il y avait un hic, en ce sens que les britanniques ne pouvaient pas être évacués. À moins de recevoir l’aide de… Adolf Hitler. La situation militaire était telle qu’au moment de la retraite britannique vers Dunkerque, les chars allemands étaient déjà positionnés le long des routes d’accès. Les chars ont convergé sur Dunkerque deux jours avant que les Britanniques n’aient commencé leur marche-les Allemands étaient à seulement 16 km de la ville, alors que les Britanniques en étaient encore éloignés de 60 km. Il aurait été facile pour les Allemands d’entrer dans la ville sans défense et d’occuper le dernier port d’où une évacuation massive des troupes britanniques pourrait avoir lieu. Mais Hitler donna son fameux « Ordre d’Arrêt « qui interdisait toute autre avance.  » Nous avons été muets de stupeur, » a rappelé Heinz Guderian. Et pour cause ! Au moment où il ne restait plus qu’une seule petite ville à occuper afin de sceller le sort des armées ennemies, le chef de l’Allemagne l’interdit expressément. Les choses ont été telles que le général Halder a soulevé des objections contre la décision du Führer, essayant de lui expliquer pourquoi il était nécessaire de prendre le dernier port sur la côte. Mais le Führer resta inflexible: « La vive discussion s’était terminée avec un ordre définitif d’Hitler, auquel il avait ajouté qu’il s’assurerait de son exécution par l’envoi au front d’officiers de liaison personnels. »[5]

L’évacuation des troupes britanniques de Dunkerque a été rendue possible par… Adolf Hitler

Partout et à chaque occasion les britanniques abandonnèrent leurs alliés à leur sort. Ils ont toujours abandonné le terrain lorsqu’ils étaient menacés par une défaite. Il en a été ainsi à Walcheren en 1809, à Gallipoli en 1915, et cela s’est passé à nouveau, entre mai et juin 1940, en Norvège. Il ne fallait pas être grand devin pour prédire ce que la Grande-Bretagne allait faire cette fois-là. Il n’y n’avait pas besoin, non plus, de se perdre en conjectures pour savoir qu’ils essaieraient de filer à partir de Dunkerque, puisqu’il n’existait tout simplement pas d’autre choix ! Hitler a donné son « ordre d’arrêt » le matin du 24 mai et, d’après les mémoires de Churchill, les Britanniques ont commencé leur retrait également le 24, mais n’ont pas réussi à battre en retraite à Dunkerque jusqu’au soir du 25 mai, et les Allemands ont donc dû les « attendre » pendant près de deux jours. Tout examen de ces faits ne peut que conduire à la conclusion qu’en fait les « fiers bretons » ne se battaient pas jusqu’à la mort contre la lie de la terre, mais étaient plutôt en négociations secrètes continues avec celle-ci.

Aucun des historiens occidentaux n’a jamais expliqué la signification de « l’ordre d’arrêt ». Tous écrivent simplement: « Hitler a arrêté ses chars. » Et on donnait ainsi au lecteur l’impression que cet excentrique Führer était simplement préoccupé par ses opérateurs de chars et donc ne leur permettait pas de prendre d’assaut les positions britanniques à Dunkerque. Mais en réalité, la ville était vide ! Pendant deux jours les Allemands se sont simplement assis autour de Dunkerque en attendant l’ordre d’attaquer de la part du Führer. Et lui aussi a attendu, jusqu’à ce que le port et la ville aient été occupées par les divisions britanniques en retraite. Ce n’est que le 26 mai 1940 que Hitler a permis à ses troupes d’avancer de nouveau, mais à ce moment-là, les Britanniques avaient creusé des tranchées et réussi à repousser l’attaque allemande. Et, quand les britanniques ont-ils officiellement commencé leur évacuation ? Si notre prévision est correcte, ils n’ont pas attendu jusqu’à l’arrivée de l’ordre d’Hitler de poursuivre l’offensive. Et bien sûr, c’est le jour d’avant – 25 mai – que Churchill a ordonné le début de l’évacuation…

Profitant de cette opportunité si aimablement offerte, du 27 mai au 4 juin 1940 la Grande-Bretagne mena l’Opération Dynamo, embarquant plus de 338 000 soldats hors du continent, dont 215 000 de l’armée britannique. Les 123 000 autres étaient des Français, des Belges et des soldats d’autres pays alliés.

Dans les toutes premières heures de l’attaque contre la France, l’aviation allemande a bombardé des aérodromes Français, détruisant la plupart des avions qui s’y trouvaient. Après ça, les Allemands étaient les maîtres du ciel. Les Français ont désespérément demandé l’assistance aérienne des alliés, mais elle n’est jamais venue. Charles de Gaulle a écrit amèrement sur ce sujet dans ses mémoires :

«Depuis le rembarquement de l’armée britannique à Dunkerque, la Royal Air Force ne coopérait plus dans la bataille, sinon de manière épisodique… les escadrilles britanniques, étant basées en Grande-Bretagne, étaient trop éloignées pour être utilisées sur un front se retirant continuellement vers le sud. À ma demande pressante pour qu’il transfère au moins une partie de la coopération des forces aériennes de l’armée britannique aux aérodromes du sud de la Loire, M. Churchill a opposé un refus formel. »[6]

C’est l’exemple parfait des tractations en coulisse en politique. Réalisant que la guerre en France était déjà perdue, les Britanniques ont prit contact avec Hitler, communiquant avec lui à l’aide d’un des canaux qui étaient encore ouverts. Leur demande était simple : leur permettre d’évacuer leur armée. Et pourquoi Hitler pouvait accepter leur demande ? Le principal argument en leur faveur était que les Britanniques avait donné carte blanche à Hitler pour s’accaparer la France. Londres a cyniquement utilisé la France comme une monnaie d’échange, de la même manière qu’elle avait concédé, un peu plus tôt, l’Autriche, la Tchécoslovaquie et la Pologne. Deuxièmement, si les forces britanniques en Europe étaient décimées, ce serait une invitation directe aux États-Unis à entrer en guerre contre l’Allemagne, ce qui n’aurait pas été du tout au goût d’Hitler.

Ainsi, la France capitule le 22 juin 1940. Plus de 60 % de l’armée française – 1 547 000 des 2,5 millions de membres de l’armée française – ont été faits prisonniers. Bien que la France ait été totalement mise en déroute, ses pertes ne comportaient que 84 000 morts, ce qui est en soi la preuve qu’aucune résistance sérieuse n’avait été opposée aux allemands. La Wehrmacht s’en est beaucoup mieux tirée, perdant seulement 28 000 soldats. Pour comparaison, au cours de la Première Guerre Mondiale, l’armée du Kaiser a dû enterrer 1,8 millions soldats, mais n’a jamais réussi à battre les Français.

La célèbre « danse d’Hitler » photo prise le jour de la capitulation de la France, juin 1940

L'auteur, M. Starikov, est historien russe et activiste civil. Le texte original a été adapté pour la traduction en anglais par ORIENTAL REVIEW

NOTES :

[1] de Winston Churchill, de leur heure de gloire (Boston : Mariner Books, 1986) 62.

[2] ibid., 74.

[3] Churchill devient premier ministre dans l’après-midi du 10 mai 1940 immédiatement après le début de l’offensive, allemande, qui a commencé le matin.

[4] Daniil Proektor, Blitskrig v Evrope : Voina na Zapade. (Moscou, 2004) 253.

[5] Winston Churchill, leur heure de gloire (Boston : Mariner Books, 1986) 68.

[6] Charles de Gaulle, The Complete guerre mémoires de Charles de Gaulle (New York : Carroll & Graf Publishers, 1998) 58.

Traduction Avic- Réseau International


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