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Les Casques Blancs, l’Iran et l’Histoire universelle !

Auteur : Richard Labévière | Editeur : Walt | Mercredi, 23 Août 2017 - 00h15

Malheureusement, pour cultiver l’ignorance, l’arrogance et le politiquement correct, il n’y a pas que France-Culture ! Dans sa livraison du 17 août, Le Monde nous assène, lui aussi une nouvelle couche de désinformation : « En Syrie, les Casques blancs pris pour cible ». Signé par le correspondant du quotidien qui couvre la guerre civilo-globale de Syrie depuis les beaux quartiers de Beyrouth, le papier qualifie les Casques blancs de « secouristes », comme si son auteur n’avait jamais lu, ni entendu parlé que ces grands humanistes sont – en fait – des auxiliaires de Jabhat al-Nosra, c’est-à-dire de al Qaïda en Syrie…

Du reste, le correspondant éclairé s’étonne que ces terroristes-supplétifs aient été pris pour cible dans la province d’Idlib, au nord-ouest de la Syrie, une région – et nous le citons – « sous la coupe de Hayat Tahir al-Cham, une coalition rebelle dominée par les djihadistes de l’ex-branche syrienne d’Al–Qaïda ». Malheureusement, cette localisation n’attire aucune question du « journaliste » qui, s’il allait sur le terrain de temps en temps, devrait savoir qu’aucune ONG ne peut opérer dans cette zone sans entretenir des liens de complicité active avec les groupes terroristes. Cette collusion logistique et idéologique entre les Casques Blancs et les terroristes salafo-jihadistes a pourtant été maintes fois relevée et démontrée par les meilleurs enquêteurs.

Chacun sait désormais que ces fameux Casques blancs sont les auxiliaires de la propagande des groupes armés de la rébellion syrienne. A de multiples reprises, ils ont été pris la main dans le sac de la communication jihadiste, reconstituant de fausses interventions et de faux sauvetages (parfois en studio comme durant la Bataille d’Alep en octobre 2016) pour le compte d’une grande officine britannique de communication.

Dans prochetmoyen-orient.ch du 17 avril 2017, le philosophe berlinois Stefan Winter – spécialiste internationalement reconnu de la presse et de la communication -, écrivait : « les Syrian White Helmets ( SWH) ont été créés par James LeMesurier, un expert anglais de sécurité et de renseignement, en mars 2013, à la suite d’une rencontre avec des représentants du Syrian National Council (SNC) et de la Qatari Red Crescent Society. Les Qataris procuraient un financement de lancement à hauteur de 300 000 dollars, des financements provenant par ailleurs du Japon, de Grande Bretagne et des États-Unis. Le SNC a placé deux activistes – Raed Saleh et Farouq Habib – aux côtés de LeMesurier pour diriger des SWH. LeMesurier a entraîné les premières équipes de sauvetage. Ensuite, les SWH ont été financés par la US Agency for International Development (23 Mio $ / 2014-15), par le British Foreign Office (Conflict Security and Stability Fund, 24 Mio $ / 2014-15, 32 Mio $ / 2016, 24 Mio $ / 2016-17), par l’UE (4,5 Mio $ / 2015), les Pays-Bas (4,5 Mio $ / 2016), l’Allemagne (7,6 Mio $ / 2016), le Danemark (n.a. / 2016), le Japon (n.a. / 2015), le Directorate-General for European Civil Protection and Humanitarian (n.a. / 2015-16) et le Jo Cox Fund (2,4 Mio $ / 2016). En 2016, The Syria Campaign a organisé une opération de relations publiques qui était censée aider les SWH à obtenir le prix Nobel de la paix. Les sauveteurs n’ont pas atteint cet objectif mais ont reçu le prestigieux Right Livelihood Award considéré comme le prix Nobel alternatif. Puis, The Syria Campaign a lancé une nouvelle action de relations publiques, censée aider les Casques Blancs à obtenir le prix Nobel de la paix de 2017. Le cinéaste Orlando von Einsiedel a tourné un documentaire sur les Casques Blancs, la première projection a eu lieu le 18 septembre 2016 sur Netflix. Le film présente les sauveteurs, sous le slogan to save one life is to save humanity, comme des défenseurs désintéressés de l’humanité. Il est vrai que chacun et chacune qui aide les blessés et récupère les morts mérite notre reconnaissance. Mais plusieurs critiques ont affirmé que derrière l’image des Casques Blancs, se profile aussi celle des jihadistes de Jabhat al-Nosra. Quand le directeur des Casques Blancs, Raed Saleh, est arrivé à Washington en avril 2016 pour la remise du Humanitarian Award (prix d’un groupe de 180 ONGs), le Department of Homeland Security lui a refusé l’entrée des États-Unis. Le porte-parole adjoint du Département d’Etat, Mark C. Toner, a déclaré: I’m broadening my language here for specific reasons, but any individual in any group suspected of ties or relations with extremist groups or that we had believed to be a security threat to the United States, we would act accordingly ».

En octobre prochain, le correspondant du Monde à Beyrouth pourra faire plus ample connaissance avec ces grands secouristes en lisant le livre de la diplomate russe Maria Khodynskaïa-Golenichtcheva – Alep : guerre et diplomatie – à paraître aux éditions Pierre-Guillaume de Roux. Elle s’est rendue – elle – fréquemment sur le terrain. Certes elle explique et défend les choix de la diplomatie russe, mais au moins sachant de quoi elle parle, donnant de nombreuses informations inédites, recoupées et vérifiables par tout journaliste un peu curieux !

Au fil d’autres pages, Le Monde du même jour et des jours suivants a continué à nous servir la mauvaise soupe au piment nucléaire nord-coréen, sans replacer cette crise dans son logiciel géopolitique. Les bons connaisseurs de l’Asie savent que la Chine a fixé des lignes rouges à son allié coréen, tout en l’encourageant à fixer- jusqu’à un certain point – les forces maritimes américaines dans cette région. Cet abcès de fixation empêche celles-ci de patrouiller davantage en mer de Chine orientale où Pékin peut ainsi poursuivre ses élargissements sauvages de ZEE (zone économique exclusive) plus tranquillement… Les mêmes savaient aussi parfaitement que le soufflé finirait par retomber, tandis que Washington continuerait à multiplier les sanctions contre Moscou et Téhéran.

Ici, l’affaire est autrement plus préoccupante, comme nous l’écrivions dans prochetmoyen-orient.ch du 7 août dernier, en titrant : Washington et Tel-Aviv préparent la guerre contre l’Iran ». Cette puissance régionale est encerclée de troupes et dispositifs militaires américains déployés en Arabie saoudite, dans le détroit d’Ormuz, en Irak, en Afghanistan et dans le reste de l’Asie centrale. Plus grave, les services américains sont en train de fabriquer (comme ils l’ont fait en 2003 pour justifier l’invasion de l’Irak) des « preuves » visant à accuser un Iran qui violerait l’accord sur son programme nucléaire, finalisé par l’administration Obama à Vienne en juillet 2015.

Plus alarmant encore – et pour justifier de nouvelles sanctions -, Washington cherche à inclure unilatéralement le programme de missiles balistiques iranien dans le cadre de cet accord nucléaire ! L’Iran – victime d’une longue guerre meurtrière (1980-1988), menée par Saddam Hussein avec l’appui des pays occidentaux l’ayant équipé d’armes chimiques – développe légitimement des programmes d’armement conventionnel pour assurer la défense et la sécurité de son territoire national comme n’importe quel pays au monde. En élargissant ainsi le cadre de l’accord nucléaire aux armes balistiques en général, les Américains réitèrent la méthode utilisée encore au printemps 2011 avec la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations unies pour tenter de « légaliser » l’attaque et le démantèlement de la Libye.

Tous les pays du monde ont le droit d’assurer leur défense, mais certains ont plus de droits que d’autres… Relayée par la grande presse internationale, cette criminalisation de l’Iran et la nouvelle préparation d’une guerre contre ce pays ont été largement occultées par les dernières facéties de Donald Trump à l’encontre de l’extrême-droite américaine. Evidemment, l’imprévisible président américain (lire ci-contre l’article de Guillaume Berlat), n’est pas très net avec les héritiers du Klux Klux Klan et autres partisans des races élues, mais est-il bien raisonnable de vouloir dézinguer toutes statues, plaques commémoratives, noms de rues et autres traces de mémoires et d’histoires qui ne conviennent pas à la morale du moment ?

Ainsi pour rassurer les Huguenots, devrait-on raser Versailles et déboulonner toutes les statues de Louis XIV parce qu’il a prononcé la révocation de l’Edit de Nantes et mené une terrible guerre contre les Camisards ? On peut ainsi remonter l’Histoire universelle jusqu’à la saint Glinglin. On pourrait tout autant fermer la grotte de Lascaux parce que les Australopithèques n’ont pas toujours été très respectueux de la biodiversité…

Plus sérieusement, il était absolument essentiel de préserver les sites des Camps de la mort pour que chacun se souvienne des atrocités nazies. Il fallait aussi conserver les vestiges d’Oradour-sur-Glane et les autres lieux de mémoire comme témoignage de ces tragédies.

Les belles âmes qui mettent aujourd’hui par terre les statues des Confédérés savent-ils seulement que leur pays – grande démocratie-témoin – n’a toujours pas reconnu le génocide arménien ? Songeons aussi à la série des génocides commis contre les premiers habitants de l’Amérique au nom de la glorieuse Conquête de l’Ouest ! Sans parler de tous les massacres commis par les forces spéciales américaines dans le cadre du Plan Condor. A partir de Panama et de la Colombie, les ingérences américaines en Amérique Latine se poursuivent plus que jamais. Nous aurons l’occasion d’y revenir très prochainement.

La mémoire et la morale, c’est comme le train : ça peut en cacher un autre… L’histoire immédiate, au Proche-Orient et ailleurs, est quotidiennement bafouée par Le Monde, qui fut un grand quotidien jusqu’à l’arrivée du triumvirat affairiste de la bien-pensance – Colombani, Minc et Plenel. Aux yeux des décideurs politiques actuels des Etats-Unis, d’Israël et de l’Arabie saoudite notamment, l’histoire des sept mille ans de culture et de civilisation de l’Iran semble n’avoir jamais existé. Le souvenir des colonisations meurtrières des Amériques du Nord et du Sud, semblent aussi avoir disparu du grand rouleau de l’Histoire universelle. Celle-ci n’en poursuit pas moins son déploiement, son travail et sa raison.

Comme l’écrit Hegel dans sa conclusion de La Phénoménologie de l’esprit : « La seule idée qu’apporte la philosophie est la simple idée de la raison, l’idée que la raison gouverne le monde et que, par conséquent, l’histoire universelle s’est elle aussi déroulée rationnellement ». Cette pensée, comme celles des sciences historiques, continuent à nourrir réflexions, recherches et découvertes contradictoires et soumises à l’esprit critique.

La rédaction de prochetmoyen-orient.ch se déplace aujourd’hui en Amazonie, mais continue sa publication hebdomadaire régulière, en fonction bien-sûr des aléas de La Pensée sauvage et des connexions numériques, aquatiques et végétales. Bonne fin d’été, bonne lecture néanmoins et, à la semaine prochaine.


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