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Les choses se corsent dans le grand jeu de l’après-Daech en Irak et en Syrie

Auteur : M K Bhadrakumar | Editeur : Walt | Jeudi, 27 Juill. 2017 - 22h21

L’avenir post-Etat Islamique de l’Irak et de la Syrie a fait l’objet d’une discussion animée au sein des Think Tanks américains, l’hypothèse étant que les États-Unis sont en train d’organiser leur retour militaire en Irak et sont sur le point de s’établir durablement en Syrie. Mais les vents politiques soufflent dans une direction contraire.

La «visite de travail» du vice-président irakien Nouri Maliki à Moscou cette semaine signale la reprise du rôle historique de la Russie en tant que partenaire clé de l’Irak. Les propos de Maliki à Moscou sont très révélateurs:

  • « Il est bien connu que la Russie a des relations historiquement fortes avec l’Irak, nous souhaitons donc que la Russie ait une présence substantielle dans notre pays, tant sur le plan politique que militaire. De cette façon, un équilibre serait établi et profiterait à la région, à ses peuples et à ses états « .
  • Bagdad croit « dans le rôle de la Russie dans la résolution de la plupart des principaux enjeux internationaux, ainsi que dans l’amélioration de la stabilité et l’équilibre dans notre région et dans le monde entier ».
  • Une présence russe en Irak apportera l’indispensable équilibre qui ne pourra être « sapé politiquement au profit d’une partie extérieure ».
  • « Aujourd’hui, nous avons besoin d’une plus grande participation de la Russie dans les affaires irakiennes, en particulier dans le domaine de l’énergie. Maintenant, lorsque nous en aurons fini avec l’Etat islamique, l’Irak aura besoin d’investissements dans l’énergie et le commerce « .
  • Moscou et Bagdad « devraient renforcer … la coopération dans la lutte contre le terrorisme dans la région. Nous croyons que nos deux pays sont les cibles des terroristes et de ceux qui sont derrière eux. « 

Les propos de Maliki ont trouvé une résonance positive du côté russe. En recevant Maliki, le président Vladimir Poutine a mis l’accent sur la coopération militaro-technique et un rôle «proactif» dans ce domaine. Poutine a placé la relation russo-irakienne dans le cadre plus large de « la situation dans la région en général ». Cette dernière remarque pend en compte l’axe régional Irak-Syrie-Iran comme un rempart contre le terrorisme.

L’unité de l’Irak et de la Syrie est un problème essentiel pour la Russie. Maliki a déclaré à Poutine que le régime politique segmentaire de l’Irak où le pouvoir politique «continue d’être divisé selon des principes religieux ou ethniques entre les sunnites, les chiites, les arabes, les Kurdes, les chrétiens et les musulmans» devient un terreau pour le terrorisme et que, par conséquent, Bagdad a préparé un «projet spécial» pour remédier à ce problème systémique. Le porte-parole du Kremlin cite Maliki :

  • « L’idée est de restaurer la démocratie réelle, dans laquelle le pouvoir est basé sur la victoire d’une majorité politique plutôt que sur l’attribution de quotas à divers mouvements ».

En somme, Bagdad espère passer à un système politique fondé sur le principe représentatif de « un homme une voix », comme en Syrie ou en Iran. De toute évidence, l’objectif est de bloquer les tentatives de puissances étrangères de manipuler les minorités contre la majorité de la communauté chiite. Ce sera sans aucun doute une réforme majeure non seulement en termes politico-économiques, mais aussi du point de vue géopolitique. Fondamentalement, Bagdad a l’intention de résister à toute tentative américano-israélienne de créer un Kurdistan indépendant.

La «visite de travail» de Maliki en Russie coïncide avec la signature d’un accord de défense entre l’Irak et l’Iran. Maliki avait signé un accord sur les armes avec la Russie en 2012, estimé à 4,2 milliards de dollars (qui ne pouvait être mis en œuvre en raison de la pression de l’administration Obama). En somme, nous assistons à un effort commun de l’Iran et de la Russie pour repousser les États-Unis.

Fondamentalement, le calcul du pouvoir irakien repart sur de nouvelles bases. Les dizaines de milliers de milices chiites irakiennes formées et équipées par l’Iran, qui ont joué un rôle décisif dans la lutte contre Daech, seront probablement intégrées aux forces de sécurité irakiennes. Ces milices aguerries par les combats, connues sous le nom de Forces de mobilisation populaire (Hashed al-Shaabi en arabe) se sont installées dans les zones désertiques détenues par Daech à l’ouest de Mossoul, se sont regroupées autour de la ville de Tal Afar et ont pris un passage frontalier entre l’Irak et la Syrie.

Ils contrôlent les routes traversant le cœur de la zone sunnite dans l’ouest de l’Irak, qui servent de lignes d’approvisionnement militaires et civiles vitales reliant l’Iran à la Syrie. Selon les chiffres officiels irakiens, les forces de mobilisation populaire comptent actuellement environ 122 000 combattants. De toute évidence, l’équilibre militaire dans la région se déplace radicalement contre les États-Unis (et Israël). Le leader du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a averti récemment que des centaines de milliers de combattants chiites dans la région résisteront conjointement à toute future invasion israélienne.

En termes géopolitiques, la Russie et l’Iran ont un intérêt commun pour l’unité et la stabilité de l’ère post-Daech en Irak et en Syrie. Sans surprise, la Chine n’est pas loin derrière, non plus.

Ainsi, l’Envoyé spécial de la Chine en Syrie Xie Xiaoyan est actuellement en tournée régionale. Alors qu’à Téhéran mardi, il a souligné que la position de la Chine vis-à-vis du jeu final syrien est similaire à celle de la Russie et de l’Iran, Xie a annoncé  » que la Chine est prête à se charger de la responsabilité de reconstruire la Syrie et nous sommes prêts à y parvenir » ( ici et ici ).

Par ailleurs, mardi, la Banque chinoise Exim a signé un accord à Téhéran pour un paquet financier de 1,5 milliard de dollars US pour la mise à niveau du tronc de ligne de chemin de fer iranien reliant Téhéran à Mashaad (près de la frontière du Turkménistan). Nul doute que la visite de Xie à Téhéran est un signal que la Chine a jeté son dévolu sur l’Iran comme porte d’entrée vers l’Irak et la Syrie.

Depuis mars 2016, un «train de la route de la soie» Chine-Iran fonctionne une fois par mois depuis Yiwu, dans la province orientale du Zhejiang, vers Téhéran. Sa fréquence devrait augmenter une fois que le commerce aura pris son envol. Le «train de la route de la soie» réduit le temps de trajet de 45 jours par voie maritime à moins de 14 jours. De toute évidence, la Chine est en train de se positionner pour jouer un rôle majeur dans la reconstruction de l’Irak et de la Syrie et sera sur la même longueur d’onde que la Russie et l’Iran.

Traduction : Avic – Réseau International


- Source : Rediff.com (Inde)

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