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La Hongrie de Viktor Orban, ou le choix du patrimoine Magyar (3/3)

Auteur : Éric Timmermans via Novopress | Editeur : Stanislas | Lundi, 06 Mai 2013 - 17h48

Budapest : l’improbable retour à l’ « ère Horthy »

Orban est-il Horthy ? Le Jobbik est-il le parti des Croix-Fléchées ? A la lecture des faits historiques susmentionnés, on comprend mieux le but poursuivi par nombre d’opposants, notamment européens, au gouvernement de Viktor Orban, à savoir établir, non sans une certaine démagogie, un lien entre la situation de la Hongrie actuelle et celle de la seconde guerre mondiale. Ainsi donc l’« autocrate » Orban révisant la Constitution, muselant les médias, offrant la citoyenneté hongroise aux Magyars des pays voisins, ne serait autre que l’émule de l’oligarque Miklos Horthy, chantre de la Grande Hongrie.

Et le parti nationaliste Jobbik, serait, lui, l’héritier des Croix-Fléchées. Tout dérapage antisémite, tout écart de langage, toute mesure impopulaire, chaque coin sombre du passé est exploité depuis trois ans par une certaine presse européenne pour donner de la Hongrie l’image d’un pays dirigé par des extrémistes, indignes héritiers des collaborateurs hongrois de l’Allemagne nazie. Au-delà de certains dérapages et excès indéniables, n’est-on pas en droit de s’interroger : les attaques contre Viktor Orban ne sont-elles pas disproportionnées ? « Réforme constitutionnelle nationaliste et autoritaire », « régime liberticide », « la Hongrie d’Orban, c’est la Roumanie de Ceaucescu », titrait « Le Monde » dans son édition du 13 janvier 2012. « Démocratie en péril », « un pied dans la poutinisation », « Budapest est-il hors-la-loi ? » annonçait « La Libre Belgique » respectivement dans ses éditions du 2 et du 11 janvier 2012. » Et que dire de ce cinglant « Orban fait revivre le fascisme »  ? « Attaques disproportionnées », les mots sont faibles.

Le Jobbik-Mouvement pour une meilleure Hongrie

Certes, il est vrai que la Fidesz de Victor Orban se voit aujourd’hui débordée sur sa droite par le parti nationaliste Jobbik-Mouvement pour une meilleure Hongrie, de Gabor Vona. Ce mouvement s’est mué en parti politique en 2003. Le Jobbik est opposé tant au libéralisme qu’au communisme et rejette clairement la globalisation. Il prône la préservation de l’identité nationale, le retour des valeurs chrétiennes (on le voit ainsi s’opposer à l’avortement et prôner la réunification de l’enseignement morale et de l’éducation religieuse), le respect de la famille et de l’autorité de l’État. Il revendique également un certain provincialisme et milite pour la protection de l’environnement et de l’agriculture nationale. Eurosceptique et opposé à l’adhésion de la Hongrie à l’UE, le Jobbik refuse de participer aux élections européennes de 2004. Mais en avril 2006, pour les élections législatives, il participe à une alliance de partis nationalistes (la « Troisième Voie »), avec le MIEP. Ils obtiennent ensemble 2,2 % des voix. En août 2007, le Jobbik prend l’initiative de constituer une Garde hongroise (Garda), une organisation de type plus ou moins paramilitaire qui s’attire immédiatement les foudres du gouvernement socialiste et des partis de gauche. La Garda, forte de quelques milliers de membres, fut notamment accusée d’attiser les tensions entre les Magyars et les Tziganes, et de recruter de jeunes magyars en profitant de la crise économique et d’un taux de chômage élevé. Le 15 mars 2009, jour de la fête nationale hongroise, on vit ainsi défiler sur la place des Héros, à Budapest, des membres de la Garda, en uniforme des Croix Fléchées. Finalement, suite à un procès, la milice fut officiellement interdite, mas continuerait à exister sous la forme d’une association à but culturel.

En juin 2009, le Jobbik se présente aux élections européennes et obtient trois des 22 sièges pour la Hongrie au Parlement européen (14,77 % des suffrages). En avril 2010, le Jobbik recueille 16,67 % des voix, soit 47 sièges au Parlement hongrois, alors que les socialistes du gouvernement sortant n’en obtiennent que 59. Le radicalisme du Jobbik et de la Garda fournit, bien évidemment, de l’eau au moulin de ceux qui veulent établir une corrélation, fut-ce de manière simpliste et démagogique, entre la Hongrie de 2013 et celle de 1943. De quoi aussi mettre en difficulté Viktor Orban qui se voit obligé de courir après les voix de la droite nationaliste, en usant de symboles (ex. : Horthy, l’acquisition de la nationalité hongroise par les Magyars de l’étranger) qui ne manqueront pas d’être aussitôt dénoncés et condamnés par ses opposants politiques et ses détracteurs européens. Que dire encore de certains dérapages jugés antisémites : tel élu du Jobbik qui demande de dresser une liste des dirigeants juifs (« propos mal interprétés », dira-t-il ensuite), tel autre qui demande la démission d’une de ses collègues car elle possède la double nationalité hongroise et israélienne ou tel autre encore qui, découvrant ses origines juives, ajouta qu’il lui faudrait « un certain temps » pour « digérer la nouvelle ». De manière plus générale, les dérapages antisémites d’aucuns ont vraisemblablement encouragé les détracteurs européens d’Orban à monter en épingle l’affaire de l’arrestation à Budapest d’un criminel nazi âgé de 97 ans et dénommé Laszlo Csatary, et ce afin de donner du premier ministre l’image aberrante d’un « protecteur de nazis ». Sans doute ceux-là n’auraient-ils voulu retenir des propos de Serge Klarsfeld que les propos suivants : « Je ne suis pas sûr qu’il y aura des suites judiciaires avec ce gouvernement conservateur ». Mais M. Klarsfeld a également déclaré « qu’il n’avait jamais entendu parler » de ce criminel aujourd’hui âgé de 97 ans. Si Laszlo Csatary est considéré aujourd’hui comme le criminel « le plus recherché » c’est parce que, selon M. Klarsfeld, « il n’en reste aujourd’hui que peu en fuite », qui sont « tous âgés de plus de 90 ans ». « Il y a 30 ans, il aurait été le 3500e sur la liste », a estimé M. Klarsfeld, lundi, sur Europe 1. » De quoi largement dégonfler l’affaire.

Orban et la Fidesz entre le marteau et l’enclume

On le voit, le premier ministre hongrois Viktor Orban se trouve pris entre l’enclume de la poussée nationaliste et le marteau de l’eurocratie bruxelloise. Certains observateurs estiment même que le Jobbik pourrait être instrumentalisé par Moscou pour éloigner la Hongrie de l’Union européenne. De fait, le Jobbik insiste pour renforcer les liens entre la Hongrie et la Russie, les Russes étant présentés par le mouvement nationaliste, comme les seuls susceptibles d’acheter et de bien payer les produits hongrois. Le Jobbik apporte aussi son soutien au gazoduc sud pour l’approvisionnement de l’Europe. Cette attitude a conduit les analystes de Political Capital à estimer que le Jobbik « pourrait bien être un cheval de Troie russe en train de gagner sa place dans la vie politique d’un ancien pays satellite. Les fonds qui permettent à ce parti de développer un maillage local sans pareil n’auraient pourtant selon ses membres d’autre origine que « la colère des gens et l’argent de petits entrepreneurs. » La marge de manœuvre de Viktor Orban se révèle donc pour le moins restreinte à l’approche des élections législatives et européennes de 2014. D’autant que la montée en puissance du Jobbik semble bien se confirmer, une ascension dans laquelle les pressions disproportionnées exercées par l’UE sur la Hongrie, depuis l’élection de Viktor Orban et de la Fidesz, en 2010, portent de toute évidence une écrasante responsabilité. N’oublions pas qu’en ouvrant une brèche dans le rideau de fer, en 1989, la Hongrie fut le pays qui donna le coup d’envoi au processus d’effondrement du bloc communiste, et Viktor Orban était alors en première ligne de l’action politique démocratique, réformatrice et anticommuniste. A cette époque, le peuple hongrois à la recherche de nouveaux repères, se tourna plein de confiance vers l’Union européenne, à laquelle il adhéra d’ailleurs avec enthousiasme, en 2004. Et Viktor Orban a travaillé hardiment à ce processus d’intégration de la Hongrie dans l’UE. Mais un jour, tous les investissements consentis s’évanouirent et l’image de l’UE s’en trouva évidemment largement écornée. Par la suite, les critiques incessantes de Bruxelles portées à l’encontre de Budapest, n’ont fait que radicaliser le patriotisme hongrois, radicalisation dont le Jobbik recueille aujourd’hui les fruits : « car les critiques de Bruxelles, couplées à la crise économique, on fait au moins un vainqueur en Hongrie : l’extrême-droite. Le Jobbik, un parti antisémite et antiroms, prône carrément la sortie de l’UE ! Après l’entrée fracassante du Jobbik au Parlement de Budapest en 2010, après près de 17 % des voix, Viktor Orban avait promis de s’en débarrasser avec « deux claques ». Mais aujourd’hui, son parti Fidesz est en baisse, tandis que certains sondages accordent plus de 22 % à l’extrême-droite, ce qui en ferait la deuxième formation du Parlement, devant les socialistes… » Et Gabor Vona de conclure sans complexe : « Nous ne sommes pas des démocrates ! Contrairement à ces froussards qui dansent au son de la flûte de l’UE. »

Preuve que, comme le précise Magali Balent de la Fondation Robert-Schuman, spécialisée sur les questions européennes, l’UE « doit s’interroger sur la responsabilité qu’elle porte dans la percée de l’extrême-droite. [Elle] ne pourra faire l’impasse d’un débat sur son identité et ses limites géographiques, afin de prouver sa singularité et ainsi contredire ceux qui l’accusent d’être aux ordres d’un projet d’uniformisation des cultures et des identités à l’échelle mondiale. » Mais ne s’agit-il pas de cette réflexion sur l’identité de l’Europe qu’appellent de leurs vœux depuis des décennies, et bien au-delà du cadre hongrois, les voix sans cesse réprimées, sans cesse étouffées, parce que, justement et paradoxalement, elles osent encore et toujours réclamer ce débat ? Est-ce à dire que, comme dans la fable, l’UE jurera un jour, mais un peu tard, qu’on ne l’y reprendrait plus ? Car, disons-le, pour l’organisation d’une telle réflexion, le stade de l’urgence est depuis bien longtemps dépassé.

Hongrie-Union européenne : trois ans de bras de fer (2010-2013)

Fort de sa majorité des deux tiers, le gouvernement de Viktor Orban s’est engagé à procéder aux réformes constitutionnelles promises aux électeurs durant la campagne. Pour former son gouvernement, Viktor Orban a repris les principales pointures du gouvernement Orban I (1998-2002). Son objectif, redresser une économie mise à mal par huit années de désastreuse gestion socialiste et par le contrecoup de la crise financière de 2008. Suite à celle-ci, la Hongrie n’avait pu être sauvée que grâce à un prêt de 20 milliards d’euros accordés in extremis par le FMI, la Banque mondiale et l’Union européenne. De fait, la dette publique de la Hongrie est la plus élevée de toute l’Europe centrale, soit 80 % du PIB.

Mais le ton et les manières de Viktor Orban déplaisent à une UE plus habituée à des discours feutrés et qui s’inquiète de réformes constitutionnelles que le gouvernement Orban II affirme vouloir entreprendre durant sa législature. Nous avons déjà abondamment parlé de la question des Magyars de l’étranger et de la décision prise par Budapest de leur accorder la nationalité hongroise, décision qui a été perçue par Bruxelles comme la manifestation d’une certaine nostalgie envers la Grande Hongrie de jadis. Mais ce n’est là qu’un des nombreux points de discorde entre la Hongrie et l’UE. En janvier 2011, la Hongrie, succédant à la Belgique, prit la présidence de l’Union européenne, ce qui n’empêcha guère Budapest d’opérer une série de réformes particulièrement mal perçues par Bruxelles, en commençant par la révision de sa loi sur les médias. Cette présidence n’eut rien de chaotique, contrairement à ce que certains observateurs avaient annoncé par avance, et elle se solda même par la quasi-conclusion des négociations d’adhésion de la Croatie à l’UE Elle fut néanmoins marquée par le conflit opposant Budapest et Bruxelles au sujet de la liberté de la presse en Hongrie, l’un des nombreux contentieux opposant la Hongrie à l’UE.

Les contentieux entre Budapest et Bruxelles

- La Loi sur les médias. C’est la nouvelle loi sur les médias, promulguée par le président hongrois Pal Schmitt en décembre 2010 qui, la première, provoqua l’ire de Bruxelles à l’encontre de Budapest, accusé de vouloir placer la presse hongroise sous la tutelle d’un organe aux mains du parti de Viktor Orban. Ladite loi prévoit effectivement des sanctions en cas d’informations non « équilibrées » et instaure une autorité de régulation, soit l’organe précité, où seuls siègeraient des membres ou proches de la Fidesz. Cette nouvelle autorité aurait le pouvoir d’infliger des amendes sévères aux organes de presse dont les productions « ne sont pas équilibrées politiquement » ou « entravent la dignité humaine », d’inspecter les documents ou le matériel des médias et de contraindre les journalistes à révéler leurs sources sur les questions relevant de la sécurité nationale.  Bruxelles a émis des « doutes » sur la conformité du texte avec les règles européennes et ouvert une enquête, Berlin et Paris demandant, d’emblée, une révision de la législation. Bien que Budapest ait accepté l’idée de revoir la loi si les critiques européennes s’avéraient fondées (pour ne pas jeter une ombre sur la présidence européenne de la Hongrie en 2011, diront les mauvaises langues), puis qu’il ait accepté d’amender le texte pour répondre aux critiques de la Commission européenne, le débat sur les médias n’a cessé de s’envenimer entre la Hongrie et l’UE, de même qu’entre le gouvernement hongrois et l’opposition. Mais tout le monde, du moins hors des rangs de la gauche, ne partage pas, à Bruxelles, cette vision négative et simpliste de Viktor Orban et de son gouvernement, ainsi M. Joseph Daul, leader du Parti populaire européen (PPE, groupe où siège la Fidesz) a déclaré : « Viktor Orban, je vous considère comme un très grand Européen », alors que d’autres intervenants affirmaient suivre « avec préoccupation l’hypocrite chasse aux sorcières relative aux lois sur les médias », tout en attestant que la « Fidesz a prouvé à maintes reprises sa fidélité aux valeurs européennes. »

- Indépendance de la justice et Banque centrale. Mais la loi sur les médias est loin d’être le seul sujet de discorde entre Budapest et Bruxelles. Ainsi, le 17 janvier 2012, l’UE lançait-elle une triple procédure d’infraction contre la Hongrie, sommant Budapest de modifier sa nouvelle loi fondamentale, sa Constitution, pour ce qui concerne les nominations à la Banque centrale –l’UE exige l’autonomie de la banque centrale pour entrer dans la zone euro et souligne qu’en entrant dans l’UE, la Hongrie avait promis d’adopter l’euro- , l’âge de départs à la retraite des juges et procureurs et les nominations à l’agence de protection des données. Faisant preuve d’une bonne volonté qu’étrangement on ne cesse, côté européen, de lui dénier, la Hongrie s’est dite prête à discuter de toutes les critiques soulevées par la Commission européenne, l’Office du premier ministre Viktor Orban rappelant dans un communiqué que « la Hongrie est un État de droit, le gouvernement est attaché aux valeurs européennes universelles. »

- Citons pêle-mêle d’autres contentieux sur lesquels nous ne s’appesantirons évidemment pas : loi sur les religions, qui réduit d’environ 300 à 14 les communautés bénéficiant des subventions publiques ; loi réduisant les débats au Parlement (le gouvernement hongrois pourra édicter des lois sans les soumettre à un débat parlementaire) ; loi sur les crimes communistes visant rétroactivement les dirigeants du Parti socialiste (héritier du Parti communiste) ; loi sur la stabilité financière qui impose dorénavant une majorité des deux tiers au Parlement pour modifier le taux unique (16%) de l’impôt sur le revenu ; situation des Roms et des Tziganes ; élargissement de l’espace de libre-circulation Schengen à la Roumanie et à la Bulgarie (à laquelle Budapest est favorable) ; instauration d’une taxe spéciale de crise sur les grandes entreprises pour réduire le déficit public (ce qui a provoqué la protestation des groupes étrangers) ; l’indépendance de l’industrie du film, que le gouvernement Orban II se voit accusé de vouloir « enterrer », « à la manière de Slobodan Milosevic »

- Le FMI et la zone euro. Mais n’est-ce pas, en définitive, la volonté d’autonomie de la Hongrie qui heurte à ce point l’UE ? Le fait que la Hongrie refuse de se plier aux diktats économiques et financiers du FMI et de l’UE ne constitue-t-il pas, en définitive, et au-delà des discours européens moralisateurs, le principal point d’achoppement entre Budapest et Bruxelles ? En 2008-2009, lors de la crise financière mondiale, la Hongrie, alors dirigée par un gouvernement socialiste, comme nous l’avons déjà précisé, se voyait sauvée de la banqueroute grâce à un prêt de 20 milliards de dollars consenti par le FMI, l’UE et la Banque mondiale. Mais lors de la campagne électorale de 2010, Viktor Orban avait dit et répété que « la Hongrie a besoin de croissance, pas du FMI ». Ce qui apparaissait, aux yeux de certains observateurs, comme autant de « foucades électoralistes », se révéla bientôt constituer, au contraire une position ferme de Viktor Orban. Et de fait, le centre d’analyses politiques « Political Capital », a bien été obligé de concéder que Budapest n’avait pas entamé le crédit de 20 milliards de dollars concédé dans le passé. Le chantage à l’aide financière constituait une arme trop tentante pour le FMI et l’UE qui espéraient ainsi obliger Budapest à renoncer à ses réformes institutionnelles. En vain. La pression s’est également accrue sur le forint, l’UE rappelant qu’en entrant dans l’UE, Budapest avait promis de rallier la zone euro (ce qui ne semble pas réalisable avant 2019). A cela Viktor Orban rétorque que la situation de la zone euro a changé avec la crise de la dette et que « la centralisation d’un Empire européen, c’est-à-dire le renforcement supplémentaire (des pouvoirs) de Bruxelles, est contraire à nos intérêts, car elle ronge l’indépendance de l’État hongrois. »

La volonté d’autonomie hongroise provoque l’ire de Bruxelles

En conclusion, constatons que ce qui déplait fondamentalement à Bruxelles, est la volonté d’autonomie hongroise qui, même si elle ne conteste nullement l’appartenance de la Hongrie à l’Europe, comme l’a maintes fois rappelé Viktor Orban, a le défaut, aux yeux de Bruxelles, de ne pas être compatible avec une soumission complète aux diktats de l’Union européenne et du FMI. Cette volonté d’autonomie, pourtant nécessaire au relèvement d’un petit pays d’Europe centrale subissant une grave crise économique et dont certaines régions sont aujourd’hui menacées par la malnutrition, est systématiquement présentée par la presse occidentale comme du nationalisme intransigeant et autoritaire. Et le moins que l’on puisse dire est que l’UE, fidèle à sa devise officieuse « faible avec les forts, forte avec les faibles », n’a pas ménagé ses pressions et ses menaces pour faire rentrer dans le rang un petit pays exsangue de dix millions d’habitants, sans oublier les raccourcis simplistes visant le gouvernement hongrois : accusations de dérives nationalistes, populistes, autoritaires voire dictatoriales, procédures d’infraction accélérées, menaces de sanctions financières (gel des subventions européennes), rapprochements historiques improbables avec un certain passé collaborationniste et communiste de la Hongrie, menace d’activation de l’article 7 du traité de l’UE (suspendre la Hongrie de ses droits de vote, « bombe nucléaire » qu’appelèrent notamment de leurs vœux Daniel Cohn-Bendit, Louis Michel et Guy Verhofstadt, chef du groupe libéral-démocrate au PE), accusations de « poutinisation » de la société hongroise, appels anti-Orban d’ex-dissidents de pays communistes, durant ces trois dernières années, rien n’aura été négligé par l’UE et les médias occidentaux, pour discréditer le gouvernement hongrois et tenté de mettre la Hongrie hors-la-loi.

L’UE, pourtant si complaisante à l’égard de certains régimes dictatoriaux – les pétromonarchies du Golfe, par exemple, pour ne pas les citer – a donc décidé d’empêcher par tous les moyens mis à sa disposition, Budapest de revoir sa constitution sur base d’une majorité des deux tiers, comme la loi hongroise le lui autorise. Deux poids, deux mesures donc. L’efficacité de cette « stratégie de la pression constante », visant à empêcher Budapest de mener à bien les réformes institutionnelles souhaitées par le gouvernement hongrois, semble plus que douteuse. Tout en restant ouvert à la discussion avec Bruxelles, le gouvernement Orban II apparaît peu soucieux des menaces et diatribes européennes à son encontre et poursuit dans la voie de la révision constitutionnelle : le 11 mars 2013, le Parlement hongrois votait en faveur de la quatrième modification de la Constitution. Viktor Orban a aussi rappelé qu’ « aucun État ne peut dire à la Hongrie ce qu’elle doit faire » et de s’interroger également sur la légitimité démocratique de la Commission européenne : « Je suis élu, le gouvernement hongrois est élu, le Parlement européen est également élu. Mais qui a élu la Commission européenne ? Où est sa légitimité démocratique ? »

La guérilla permanente menée par Bruxelles contre Budapest depuis trois ans, aurait fortement affaibli le gouvernement hongrois et la Fidesz – créditée, en janvier 2012, de 16 % d’opinions favorables -, serait en perte de vitesse. Mais le 23 janvier 2012, plus de 100.000 personnes n’en défilaient pas moins dans les rues de Budapest pour manifester leur soutien au gouvernement Orban II. Il semble donc bien que les attaques permanentes de l’UE contre la nouvelle Constitution hongroise, jugée par l’Union « contraire aux droits de l’homme » sont loin d’avoir totalement atteint leur objectif. De fait, « Viktor Orban bénéficie toujours d’un a priori positif. Car avec lui, les gens sont sûrs d’être gouvernés par un Hongrois. Tout indique qu’il flatte subliminalement le rêve de la Grande Hongrie. D’où son double discours : un vers l’Europe, conciliant, et un vers ses électeurs qui défend la liberté contre l’Empire. » Finalement, les trois ans de pressions européennes anti-Orban, n’auront eu pour principaux résultats que l’ascension du parti nationaliste et eurosceptique Jobbik, désormais crédité de 22 % des suffrages, et la consolidation du patriotisme magyar face à une Europe et un « Village Global » désormais perçus comme une menace « impérialiste » par une part importante, voire majoritaire, de la population hongroise. De fait, « pour la majorité silencieuse, les valeurs démocratiques, comme la séparation des pouvoirs, sont secondaires par rapport au fait d’être Hongrois. Il y a toujours cette hantise d’être gouverné de l’extérieur, de subir une influence de l’extérieur. » Et gageons que lors des élections législatives et européennes de 2014, les électeurs hongrois, appuyés par leurs frères magyars des pays voisins, ne manqueront pas de s’en souvenir. Rendez-vous est donc pris en mai 2014.


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