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De quoi l’ANI est-il le nom ?

Auteur : Simon A. via le Cercle des Volontaires. | Editeur : Stanislas | Mardi, 30 Avr. 2013 - 12h09

Le Président François Hollande a posé au coeur de son programme politique le "dialogue social" et la "concertation avec les partenaires sociaux". Qu'on ne s'y trompe pas, il ne s'agit pas de prendre en considération les revendications des jeunes et des travailleurs portées par les organisations syndicales. Mais à l'heure où la Troïka (UE - FMI - BCE) cherche à imposer aux peuples d'Europe - au nom du remboursement de la dette et de la réduction des déficits publics - la casse du droit du travail, les coupes budgétaires et la fin des services publics, les gouvernements comptent sur l'intégration des organisations ouvrières à ces mesures d'austérité pour neutraliser en amont la résistance populaire. L'Etat français n'est pas le seul en Europe à essayer de lier les syndicats à sa gouvernance. Lors de la conférence ouvrière européenne de Tarragone (Espagne), Luis Gonzales, syndicaliste espagnol, rapportait :

"La discussion dans nos organisations sur le dialogue social n’est pas une discussion théorique, mais quelque chose d’éminemment pratique. Je m’en explique. Le 14 novembre, nous, les travailleurs de ce pays, avons fait la grève générale à l’appel de l’UGT et des CCOO. Dans l’après-midi de ce même jour, par millions, nous occupions les rues par des manifestations massives. Dans ces manifestations, nous attendions que les dirigeants des syndicats nous appellent à poursuivre la mobilisation. Mais ce soir là, ils n’ont pas dit comment continuer le combat. Ils ont proposé une campagne de pétitions pour un référendum sur la politique du gouvernement. Une proposition bien en retrait, déjà, car, par millions dans la rue ce jour-là, nous disions clairement non à la politique du gouvernement. Mais même cette proposition de campagne n’a pas été menée jusqu’au bout. [...] A l’inverse : après le 14 novembre, ce qu’il y a eu, c’est une trêve accordée au gouvernement. Le gouvernement a mis à profit cette trêve. Le 28 décembre, il a suspendu les mesures sur la retraite anticipée incluses dans la réforme des pensions signée par UGT et CCOO, et hier, il les a modifiées, rendant encore plus difficile l’accès à ce droit (et, dans la pratique, dans la majorité des cas, en l’éliminant)."

Le 11 janvier 2013, les organisations patronales et le gouvernement invitent les principales confédérations syndicales à réaliser ce "compromis historique" et à signer l'Accord National Interprofessionnel, aboutissement de la "concertation avec les partenaires sociaux". Échec pour le gouvernement, puisque sur les 5 syndicats convoqué, la CGT et FO, deux des trois plus grandes organisations syndicales (la CGT étant la plus importante), refusent de signer l'accord et engagent une campagne contre. Malgré ce revers et dans son habituel mépris des revendications des jeunes et des travailleurs - mépris qui n'a rien à envié à celui des précédents gouvernements de droite -, le gouvernement doit maintenant transposer cette accord en loi.

Le 9 avril 2013, après six jours de rapides débats, le texte de la loi sur la flexibilité du travail, loi dite "de sécurisation de l'emploi", est adopté par l'Assemblée Nationale à 250 voix pour, 26 contre et 278 abstentions (dont 35 élus socialistes). Depuis le 17 avril, le texte est en discussion au Sénat, dont la conférence des présidents vient d'annoncer le report du vote du texte au 14 mai. Nouvel échec pour le gouvernement qui voulait voir la loi entrer en vigueur début mai et qui, pour ça, a tenté un passage en force en recourant au vote bloqué pour accélérer les débats et favoriser l'adoption du projet de loi. Pour les manifestations du 1er mai, la CFDT, signataire de l'accord, à refuser de défiler aux côtés de la CGT et FO qui ont engagé une campagne contre le vote de la loi.

Chantage à l'emploi, mobilité forcée, licenciements facilités : la précarité à tous les étages

De quoi s'agit-il ? La loi de sécurisation de l'emploi, transposition de l'ANI, n'est ni plus ni moins qu'une terrible offensive contre tout ce qui, dans le Code du Travail, protégeait les salariés. Il eut été plus juste de parler de loi de sécurisation de l'employeur, ou plus honnête de conserver le nom donné par le gouvernement Fillon à ces mêmes dispositions, dites à l'époque de compétitivité-emploi. En effet, le projet socialiste n'a rien à envier à celui de Sarkozy !

  Chantage à l'emploi. L'ANI permet aux employeurs, en cas de "difficultés prévisibles où déjà présentes", de baisser les salaires plus hauts que le SMIC. L'article 18 prévoit la mise en place d'accords salariés-employeurs permettant à ce dernier d'imposer des réductions de salaires et de licencier les salariés qui refuseraient une telle modification du contrat de travail, sans être obliger de remplir les conditions de licenciement prévues jusqu'à aujourd'hui par le Code du travail et les contrats. Une telle mesure permet aux employeurs de lier les syndicats a l'exploitation des travailleurs si de tels accords sont signés.

  Mobilité forcée. L'article 15 prévoit que, dans le cadre de ces accords, l'employeur puisse imposer un changement de lieu de travail au salarié. Ce qui change, c'est que l'employeur peut licencier le salarié qui refuserait un tel changement pour "motif personnel", le dispensant de remplir les obligations d'un licenciement économique comme c'est le cas actuellement. De plus, alors que dans le contrat de travail, l'employeur est obligé de définir une zone de mobilité éventuelle, l'ANI le dispense de cette obligation. Du jour au lendemain, votre employeur pourra vous proposer le choix entre une mobilité à l'autre bout du pays ou du monde, suivant l'entreprise où vous travaillez, ou un licenciement pour "motif personnel". Qui a dit "sécurisation de l'emploi" ?

  Licenciements facilités. L'ANI vient supprimer deux sections du Code du travail relatives aux protections des salariés en cas de licenciement économique. L'article 20 de l'ANI allège les patrons de l'obligation de respecter un Plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) établit par le Code du travail. Concrètement, il pourra décider unilatéralement des conditions de licenciements à soumettre à l'inspection du travail qui disposera d'un délai de 21 jours pour répondre. Ce délai dépassé valant une acceptation. Ce qui avant était encadré par la loi dépendra désormais des accords signés entreprise par entreprise. De plus, l'ANI pose comme critère pour fixer l'ordre des licenciements la "compétence", dont le jugement est purement subjectif, en lieu et place des critères protecteurs et objectifs (ancienneté, situation familiale du salarié, caractéristiques sociales pouvant rendre difficile une réinsertion, etc.). C'est une entaille terrible faite au Code du travail et une grosse perte de protection pour les salariés.

 Le début de la fin pour le CDI. En plus de toutes ces attaques contre les droits des salariés et contre le contrat de travail à durée indéterminée, l'ANI prévoit la mise en place d'un CDI-Intérimaire dans trois secteurs professionnels, et une éventuelle généralisation de ce dispositif pour 2014. Il s'agit d'un CDI alternant des périodes travaillées et non travaillées, sans prime de précarité (CDI oblige) et sans indemnisation de chômage sur les périodes non travaillées. L'ANI, signé par quelques syndicats, le MEDEF et le gouvernement en janvier, adoptée par l'Assemblée Nationale en avril et actuellement en discussion au Sénat, est une implacable machine à casser les droits des salariés et à précariser les contrats de travail.

Nous avons exposer le coeur de l'ANI et de sa transposition juridique, la loi dîtes de "sécurisation de l'emploi". Le projet loi comporte 28 article (7 titres). On notera quelques concessions accordées par la grâce de Madame Parisot, comme la généralisation des complémentaires santé. Cependant, l'employeur peut choisir la complémentaire qu'il souhaite et le panier de soin prévu plus limité que celui de la CMU. Pas folle la guêpe.

De même, l'ANI relève légèrement la taxation des CDD les plus courts (moins de trois mois). Mais la taxation reste modeste : maximum +3 points. En contrepartie (re-pas folle la guêpe), les employeurs seront exonérés de cotisations assurance chômage sur les embauche en CDI de jeunes de moins de 26 ans sur une période de... trois ou quatre mois !

En ce qui concerne le droit rechargeable à l'assurance chômage, présentée comme un nouveau droit pour les salariés, le texte de loi le soumet à "la non aggravation du déséquilibre financier du régime d'assurance chômage". En vue de l'augmentation annoncée du nombre de demandeur d'emploi et des coupes budgétaires prévues par le gouvernement, le risque que ce dispositif soit financé par les allocataires eux-mêmes est patent. Paye ton avancée ! Bref, le MEDEF le demandait, Sarkozy le rêvait, François Hollande l'a fait. 

Pour une analyse complète, article par article, du projet de loi, nous vous dirigeons vers ce dossier réalisé par le syndicat Force Ouvrière.

 

Replacer l'ANI dans son contexte : l'application du TSCG et la résistance des travailleurs et des jeunes.

L'analyse précise des dispositions de l'ANI, et sa transposition en loi, ne doit pas nous amener à faire abstraction du contexte dans lequel elles prennent place. Ce contexte, c'est celui de l'application, en France comme dans tous les pays européens, du Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance (TSCG). L'ANI est indissociable de l'offensive menée sur tous les fronts par le le gouvernement, le MEDEF et l'UE.

Ce contexte, c'est celui des coupes dans les allocations familiales, dans les soins médicaux, dans les collectivités locales, dans les retraites, dans l'assurance chômage. L'objectif : redresser les finances publiques sur le dos du peuple, au nom de la dette et des traités européens. C'est les coupes budgétaires dans les services publics, menant inéluctablement à la fermeture des services hospitaliers, des bureaux de poste, des classes dans les écoles.

C'est aussi l'Acte III de la décentralisation, dont découle la réforme Peillon pour l'éducation nationale qui met fin au Baccalauréat national, détériore les conditions d'enseignements en classe et menace les fondements de l'école publique et gratuite. De cette territorialisation découle aussi la réforme Fioraso, sur l'enseignement supérieur et la recherche, bradant la recherche et les universités au marché, aggravant la fermeture de nombreuses fillières, le manque de moyens des services universitaires (logement, restauration...) et marquant la fin du caractère national des diplômes.

Alors que de plus en plus de travailleurs, de jeunes et de familles se retrouvent plongés dans la précarité, la misère, le chômage et pendant que le gouvernement s'emploie à leur serrer la ceinture, c'est 20 milliards d'euros qui sont offerts aux patrons à travers un crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), financé par les coupes budgétaires, le renforcement de la fiscalité environnementale et la réforme des taux de TVA.

Mais ces derniers mois sont aussi marqués par une inquiétude, voire une peur qui, en dépit des efforts du gouvernement pour rassurer le marché, ne s'en va pas. L'objet de la peur : les dizaines de milliers d'hommes et de femmes qui, partout en Europe, se dressent contre la barbarie de la Troïka. Des lieux de travail à la rue, les travailleurs de tous les pays européens ne se laissent pas faire et, dos au gouffre, se mobilisent pour conserver leurs emplois et leurs droits sans lesquels ils plongeraient dans la misère la plus profonde. Et ce afin d'assurer un avenir digne à leurs enfants. Partout, les travailleurs et les jeunes cherchent à réaliser l'unité pour la satisfaction des revendications légitimes. Partout, les luttes traduisent que l'issue ne peut venir que de l'arrêt net et immédiat de la politique menée par le gouvernement Hollande-Ayrault, aux ordres de la Troïka. C'est pour cette raison que le gouvernement cherche à remettre en question l'indépendance et l'unité du mouvement ouvrier. Seule l'organisation indépendante des travailleurs et des jeunes peut ouvrir une issue et débloquer cette situation, afin d'éviter que la barbarie continue de s'abattre sur les peuples.


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