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Logique OTANesque

Auteur : Russia Today-RT (Russie) | Editeur : Walt | Mercredi, 13 Janv. 2016 - 21h31

Arguant que leur expansion en cours n’est « dirigée contre personne », les 28 membres du bloc militaire occidental ont encore nié « catégoriquement » poser une quelconque menace pour la Russie.

Ces commentaires ne sont que les derniers dans la guerre des mots entre OTAN et Russie, mais c’est un autre exemple du degré d’absurdité du langage contradictoire de l’alliance.

Prospective à partir de 1949

Revenons d’abord un moment en arrière. Environ trois mois et demi après la création de l’OTAN, en 1949, Robert A. Taft – le fils du président William Howard Taft –, alors sénateur US, fit un discours expliquant pourquoi il ne votait pas pour la création de l’alliance.

En armant les nations contre l’Union Soviétique, déclara Taft, l’OTAN serait tout simplement une « alliance militaire offensive et défensive contre la Russie ». Il ajouta : « Je crois que notre politique étrangère doit rechercher principalement la sécurité et la paix, et je crois que ce genre d’alliance a plus de chances d’amener la guerre que la paix. »

Taft suggéra même que provoquer les Russes de cette manière puisse conduire à l’éclatement d’une troisième guerre mondiale, une qui aurait le potentiel de « détruire la civilisation sur terre ».

Sur cette question, Taft avait quelque chose dont est privé Washington aujourd’hui : l’avantage de la prévoyance. Sans nécessairement être tout à fait d’accord avec la Russie, il a réussi à se mettre à sa place et a compris qu’il serait illogique d’écarter d’emblée les préoccupations de Moscou. Il craignait que si les Russes commencent à se sentir encerclés par des « armes soi-disant défensives », cela peut préparer le terrain à la guerre.

Des critiques « infondées » ?

Avançons rapidement de soixante-six ans, jusqu’au monde sans Union Soviétique, mais avec divers autres problèmes bien réels et pressants. De nos jours, les chefs de l’OTAN sont catégoriques : Bien que l’Union Soviétique ait pu être sa raison initiale d’exister, sa puissance militaire n’est désormais dirigée contre personne en particulier. Toute insinuation selon laquelle l’OTAN ou ses politiques pourraient être vues comme une menace est « sans fondement » et personne ne doit s’inquiéter ; c’est une alliance purement « défensive ».

Mais voici ce qui ne tient pas debout.

Comment pouvons-nous prendre au sérieux les dires selon lesquels l’élargissement de l’OTAN en Europe n’a rien à voir avec la Russie, alors que l’année dernière plusieurs chefs d’États et responsables de haut vol au sein de l’UE et des USA – dont Barack Obama –, ont dit que la Russie est l’une des plus graves menaces pour l’humanité ? Comment l’OTAN peut-elle accuser la Russie d’être une grave menace, et prétendre l’instant d’après que son expansion n’a absolument rien à voir avec la Russie ?

Rappelons qu’Obama a accusé la Russie d’être l’une des premières menaces pour la sécurité en 2015 – aux côtés d’ISIS et du virus Ebola. Ashton Carter, le Secrétaire à la Défense US, a qualifié la Russie de « menace très, très importante » et une flopée d’autres généraux du Pentagone se sont alignés en déployant toute leur éloquence sur le fait que la Russie est non seulement une menace, mais, en ce moment, une menace « existentielle ». Ensuite, l’an dernier, de l’autre côté de l’océan Atlantique, vous aviez Philip Hammond, le Secrétaire aux Affaires étrangères britannique, traitant la Russie de potentiellement « plus grande menace » pour la sécurité du Royaume-Uni. Il est difficile d’imaginer dans quel univers la Russie déciderait d’attaquer la Grande-Bretagne, mais claironner la « menace de la Russie » semblait être à la mode l’année dernière.

Quand le Pentagone commence à désigner des épouvantails potentiels, il peut, bien sûr, facilement écrire sur l’ardoise l’habituel laïus « donnez-nous un plus gros budget » – en dépit du fait que le Pentagone dépense environ 10 fois plus que ne le fait la Russie sur la défense. Si vous êtes à court d’idées, le spectre de la guerre avec une Russie menaçante infléchissant la domination mondiale est sans doute toujours un bon moyen de conjurer les réductions. Mais quand le président lui-même commence à désigner la Russie comme une menace de quasi même niveau que les groupes terroristes sanglants et barbares, c’est vraiment l’expression officielle d’une opinion.

C’est aussi pourquoi il n’est guère sensé de croire les porte-parole de l’OTAN quand, pour que tout le monde le sache, ils rabâchent que l’expansion n’a absolument rien à voir avec la Russie. De même, nous ne devrions pas croire ce que raconte Washington quand il dit que les systèmes de défense antimissiles en Europe n’ont aussi – bien entendu – absolument rien à voir avec la Russie.

Mais, chose intéressante, quand les rôles sont inversés et quand pour la première fois Vladimir Poutine désigne les USA et l’OTAN comme des menaces à la sécurité nationale, c’est apparemment scandaleux. Il est « fondamentalement faux » pour les Russes de considérer les USA comme une menace, dit le capitaine Jeff Davis, porte-parole du Pentagone. Il n’y a tout simplement « aucune raison » de qualifier les USA de menace pour la sécurité de la Russie. L’homme, ce type dingue, Poutine, ne sait tout simplement pas ce qui se passe.

Donc récapitulons : la Russie est une menace pour les USA, mais les USA ne sont pas une menace pour la Russie et il serait même terriblement stupide de suggérer pareille chose.

L’improbabilité de la guerre n’annule pas la menace

Bien qu’il soit très peu probable que nous verrons une guerre totale entre Russie et OTAN – étant donné que ni l’un ni l’autre n’ont de réel intérêt à s’attaquer –, l’expansion de l’OTAN présente toujours un véritable problème pour la Russie. Après tout, le monde peut prendre des tournants imprévisibles. Assurer durablement la sécurité et la stabilité de la Russie est la première priorité de tout président russe.

C’est une analogie qui a été faite un million de fois, mais imaginez vraiment un instant comment réagiraient les USA si une alliance militaire dirigée par la Russie avait marché jusqu’à ses frontières du Canada ou du Mexique, ou les deux. Est-ce qu’une foule d’affirmations de Moscou assurant qu’il n’y a « aucune menace » pour les USA passeraient à Washington ? Bien sûr que non.

Pensez à cela ainsi : l’OTAN pique une colère quand des avions militaires russes volent au-dessus de la mer Baltique près de ses propres frontières. Il est « provocateur » que la Russie organise des manœuvres militaires sur son propre territoire, et des sous-marins russes imaginaires ont plus d’une fois déclenché la panique totale.

Pour vraiment vous familiariser avec l’illogisme qui imprègne la pensée à la Maison Blanche et au Pentagone sur la question OTAN/Russie, figurez-vous que Chuck Hagel, ancien Secrétaire à la Défense US, s’est réellement plaint que la Russie soit « aux portes de l’OTAN », et il paraissait complètement dérouté quant à la façon dont elle était arrivée-là. Interrogé par Matt Lee, journaliste de l’AP, à propos de ce commentaire loufoque, John Kirby, secrétaire de presse du Pentagone à l’époque, n’a pu en dire grand chose, parce qu’il a « tout juste obtenu un diplôme d’histoire » [sous-entendant humblement par là, avec la logique OTANesque, que son unique et maigre savoir en histoire ne lui permettait pas de répondre à une question de géographie, NdT].

Mais cela nous amène à un chapitre plus large, moins drôle. Depuis 1991 et la chute de l’URSS, l’attitude de Washington envers la Russie est celle d’un vainqueur ; nous avons gagné, vous avez perdu et désormais vous n’avez plus le droit à ce que vos intérêts soient pris en compte. La Russie, aux yeux de ceux qui sont à la Maison Blanche, n’a tout simplement pas le droit d’avoir de politique étrangère. Toute tentative de Moscou pour s’affirmer, à n’importe quel moment, pour une raison quelconque, est tout simplement une « agression » et Poutine un « adversaire » indiscipliné – tout simplement parce que tout effort visant à modifier l’ordre unipolaire actuel rencontrera une formidable résistance.

Le vrai problème avec les commentaires du porte-parole de l’OTAN cette semaine, ce n’est pas tant que quelqu’un lui reproche de se préparer à lancer une attaque sournoise contre la Russie – c’est que ce n’est pas toujours à un seul parti de décider ce qui est ou n’est pas une menace. L’OTAN peut certes croire que la Russie ne doit pas la considérer comme une menace, mais si la Russie estime que c’en est une ou qu’elle pourrait prévisiblement le devenir, alors cela doit être pris en compte.

Voici une idée pour 2016 : Avec une crise des réfugiés dont la fin n’est pas en vue et la menace permanente de retour de flamme terroriste dans les villes européennes qui s’associent pour ébranler toute l’assise du projet UE, les membres de l’OTAN feraient mieux de perdre beaucoup moins de temps à penser à la Russie et de passer un peu plus de temps à se préoccuper d’eux-mêmes – car la triste ironie est que l’OTAN peut désormais être autant une menace pour elle-même que pour les autres.

Danielle Ryan

Traduction Petrus Lombard


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