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Léo Strauss, maître à penser des néo-conservateurs criminels

Auteur : RI | Editeur : Walt | Mercredi, 25 Nov. 2015 - 20h46

Il y a consensus pour blâmer les instigateurs et les exécutants des guerres, révolutions, assassinats, bombardements, renversement des gouvernements et autres actes criminels qui ont ensanglanté des régions étendues de la planète, tout particulièrement depuis 2001, date charnière, qui a donné suite aux évènements du 11 Septembre de la même année.

Chacun y va de sa harangue, et désigne qui ceux-ci, qui ceux-là. À raison évidemment. L’empire du chaos est bien sûr omniprésent au cœur des désignés. Mais remontons un peu plus loin, au programme source, jusqu’à celui qui a concocté l’idéologie qui a déclenché en cascades tous ces crimes planétaires auxquels la Russie et Poutine s’efforcent de mettre fin aujourd’hui. La géostratégie mondiale menée par les pays puissants est fortement inspirée par les idéologies qui la sous-tend. Les politiques intérieures des états le sont également. Qui pourrait nier que l’idéologie socialiste et néo-libérale n’a pas d’impact sur la politique intérieure de la France ?

Certaines idéologies sont connues mondialement, avec leurs idéologues. On pense évidemment à Karl Marx par exemple, à l’idéologie fasciste, sioniste ou socialiste aussi. Mais d’autres idéologues, à peine connus du grand public et même des dissidents les plus affûtés, ont influencé directement des groupes puissants qui ont incité à semer guerres et destructions au cours des 15 à 20 dernières années. Léo Strauss a nourri directement les délires des néo-conservateurs américains qui ont, depuis leur fameux Project for a New American Century (PNAC de 1995), sous-tendu les politiques criminelles des Présidents américains, de George Bush à Obama, même si celui-ci s’en détourne encore trop timidement au cours de son deuxième mandat.

Il n’est pas surfait de craindre que ce qui se joue actuellement, en Syrie notamment, avec la Russie et Poutine, sera prolongé d’une guerre, ou bien non. Cette issue, qui pourrait s’avérer fatale même pour beaucoup d’entre nous, dépendra de la réponse américaine, et du résultat des luttes intestines au sein de son gouvernement et de son administration entre Américains patriotes et néo-conservateurs liberticides et hégémoniques, en grande partie, il faut bien le dire, inspirés par le sionisme fanatique aussi présent en Amérique qu’il l’est dans l’entité qui se fait appeler Israël.

Léo Strauss, né en 1899 d’une famille de juifs orthodoxes des environs de Marbourg, en Allemagne, vécut aux Etats-Unis de 1938 jusqu’à sa mort, en 1973. Professeur de philosophie politique à l’université de Chicago de 1953 à 1973, Strauss a créé toute une génération d’idéologues et de politiciens qui, aujourd’hui, sont infiltrés dans le gouvernement américain et dans le milieu néo-conservateur, et qui ont eu une influence énorme sur le Président Bush et qui sont encore là avec Obama. Léo Strauss était idéologue. On sait que les idéologies sont souvent le substrat des stratégies politiques dangereuses. Le fascisme était l’idéologie de l’Allemagne nazie, le marxisme celle du stalinisme. Les nazis ont tué des dizaines de millions de gens. Le straussisme était l’idéologie des faucons de Bush et celle des faucons néolibéraux d’Obama. Bush, ignare à son arrivée à la Maison Blanche (il l’est resté jusqu’au bout), avait endossé cette idéologie de A à Z. Les dégâts considérables dans les pays Arabo-Musulmans qu’on connaît et qu’on déplore aujourd’hui sont directement à associer à l’influence néfaste de Léo Strauss.

J’emprunte à « solidarité et progrès » ainsi qu’à plusieurs journaux américains certaines révélations sur le mouvement straussien qui est organisé en réseaux aux États-Unis : le principal idéologue qui se réclame de Léo Strauss dans l’administration Bush est le vice-ministre de la Défense, Paul Wolfowitz, qui a étudié auprès d’Allan Bloom à l’université de Chicago. Depuis les années 70, il compte parmi ses collaborateurs Richard Perle, Steven Bryen et Elliot Abrams. On peut en citer un autre, l’ancien directeur de la CIA, James Woolsey, membre du « Defense Policy Board », et adjoint du Général Garner qui a dirigé le gouvernement irakien. Dans le domaine des médias, on peut citer John Podhoretz, rédacteur du New York Post et ancien éditeur du Weekly Standard, ainsi qu’Irving Kristol, éditeur de Public Interest, l’organe des néo-conservateurs, et collaborateur de l’American Entreprise Institute (A.E.I), lieu privilégié de Bush pour ses discours de propagande. Son fils William Kristol est un des idéologues du parti républicain. Citons encore Werner Dannhauser, un protégé personnel de Strauss qui a quitté le monde universitaire pour assurer la rédaction de Commentary, après le départ à la retraite de Norman Podhoretz, ainsi que deux autres membres de la rédaction du Weekly Standard, David Brook et Robert Kagan, le fils d’un professeur straussien de Yale, Donald Kagan.

Dans le domaine du département de la justice, des straussiens inconditionnels sont le juge de la Cour suprême, Clarence Thomas, et l’ex ministre de la Justice, John Ashcroft. Pour ce qui est du gouvernement Bush à l’époque, on y trouve Lewis Libby, directeur de cabinet de l’ex vice-président Richard Cheney et ancien élève de Wolfowitz à l’université de Yale. Après le 11 septembre 2001, insatisfait des renseignements fournis par la CIA et l’intelligence militaire, Abram Shulsky fut nommé à la tête d’une unité de renseignements au sein de la bureaucratie civile du Pentagone, créée pour produire, au besoin inventer, tous les montages dont les faucons avaient besoin pour justifier la guerre contre l’Irak. Straussien convaincu, Shulsky anime encore aujourd’hui des débats sur la pensée du « maître ». Parmi les « penseurs » et stratèges, on compte l’auteur du Choc des civilisations, Samuel Huntington, ainsi que Francis Fukuyama et Allan Bloom, qui lui est décédé.

Alors qu’ils avaient été tenus totalement à l’écart du gouvernement américain pendant la présidence de Bill Clinton, les straussiens ne sont cependant pas restés inactifs. Outre l’élaboration de doctrines militaires, dont celles qui ont cours actuellement, ils ont notamment rédigé un document pour le gouvernement israélien (Clean Break), prévoyant la fin des accords d’Oslo. Plusieurs disciples de Strauss et de Bloom avaient d’ailleurs émigré en Israël où ils militaient contre la paix. L’Institute for Advanced Strategic and Political Studies (IASPS) a été créé à Washington et à Jérusalem en 1984, afin de promouvoir le libre-échange et explicitement, dès 1996, la pensée de Strauss.

Début 1997, William Kristol et Robert Kagan, deux « intellectuels dans la tradition de Strauss », ont lancé à Washington, en collaboration avec l’American Entreprise Institute, une organisation intitulée « Project for the New American Century », dont le but déclaré est de promouvoir la présence militaire américaine partout dans le monde, pour y tenir littéralement le rôle de « gendarme du globe », à commencer par l’Irak. Le 3 juin 1997, cette organisation a publié un acte de fondation, appelant à une nouvelle politique étrangère basée sur l’« hégémonie globale bienveillante » des Etats-Unis. Parmi les signataires de cette lettre : Elliot Abrams, William Bennett, Jeb Bush (frère du Président de l’époque), Dick Cheney, Francis Fukuyama, Lewis Libby, Norman Podhoretz, Donald Rumsfeld et Paul Wolfowitz.

Project for the New American Century

Maintenant que l’on connaît le nom des straussiens les plus influents de l’ex gouvernement Bush, et qu’il est aisé d’imaginer l’influence écrasante qu’ils ont eu et veulent encore avoir sur la politique américaine et le cours des évènements mondiaux, il nous reste à décrire les grandes lignes de l’idéologie de Léo Strauss.

Le philosophe, pour Léo Strauss, c’est l’homme rare, capable de supporter la vérité. Cette vérité, c’est qu’il n’y pas de Dieu, que l’univers n’a que faire de l’homme et de l’espèce humaine et que l’entièreté de l’histoire humaine n’est qu’une minuscule poussière insignifiante sur la croûte de l’univers, dont la naissance coïncide quasiment avec la disparition. Il n’existe ni moralité, ni bien ni mal, et toute discussion sur l’au-delà n’est que commérage. Mais évidemment, l’immense majorité de la population est si incapable de faire face à la vérité qu’elle appartient quasiment à une autre race, ce que Nietzsche appelait « le troupeau » ou encore « les esclaves ». Ils ont besoin d’un Dieu « père fouettard », de la crainte d’une punition après la vie, et de la fiction du bien et du mal. Sans ces illusions, ils deviendraient fous et se révolteraient, ce qui empêcherait toute forme d’ordre social. Puisque la nature humaine est ainsi faite et ne changera jamais, selon Strauss, ce sera toujours comme ça. C’est le surhomme ou « philosophe » qui fournit au troupeau les croyances religieuses, morales et autres, dont il a besoin, mais dont il sait très bien, lui, qu’elles sont erronées. En réalité, les « philosophes » n’utilisent ces manigances que pour plier la société à leurs propres intérêts. Par ailleurs, les philosophes font appel à toutes sortes de gens utiles, y compris les « gentlemen » qui sont formatés dans les connaissances publiques. On les dresse à croire à la religion, à la moralité, au patriotisme et à la chose publique et certains deviennent hauts fonctionnaires. Bien sûr, en plus de ces vertus, ils croient aussi aux philosophes qui leur ont enseigné toutes ces bonnes choses. Ces « gentlemen », qui deviennent des politiques, continueront à écouter à vie les conseils des philosophes. La gouvernance du monde par l’intermédiaire de ces golems implantés dans les gouvernements est ce que Strauss appelle le « Royaume secret » et pour beaucoup de ses élèves, c’est la mission de leur vie.

Ça vous semble du délire ? Ça l’est ! Imaginez vous que l’Amérique, le plus puissant pays au monde, était dirigée par un Président, George W. Bush, qui est tombé totalement et inconditionnellement sous l’influence de l’idéologie straussienne, décrite plus haut. Une trentaine de faucons de l’administration Bush sont pétris de cette idéologie, et la relève a été assurée aujourd’hui auprès d’Obama. Vous n’aurez aucun mal à établir la longue liste d’idéologues néo-conservateurs qui polluent encore au premier degré les politiques et inspirent les prétentions des Etats-Unis.

Les conséquences possibles de cette situation font frémir. Sans foi, ni loi, ni moralité, manipulant les autres, méprisant les masses, d’un racisme consommé, les straussiens américains ont commencé à étendre leur ombre malfaisante sur le monde. Le nôtre, dans lequel on vit, celui qui aura à souffrir de l’idéologie de Léo Strauss, qui n’a rien à envier au fascisme qui a noirci les plus belles pages de l’histoire du XX ème siècle. Mort en 1973, Léo Strauss aura marqué les premières années du XXI ème siècle et pourrait encore exercer son influence mortifère au cours des prochaines années.

Les relations entre les États-Unis et nos gouvernements qui se targuent d’être démocratiques risquent de tourner court, tant que l’idéologie straussienne dictera les politiques américaines, ce qui fut le cas à 100% avec George W. Bush et qui le reste encore trop avec Obama. D’ailleurs qu’en sera t-il avec le prochain Président, homme ou femme, aux Etats-Unis ? Une réponse qui aura un impact essentiel sur le reste du monde car cela dictera la politique extérieure américaine. D’un côté une idéologie barbare et archaïque, de l’autre des principes humanistes, religieux, moraux, sur lesquels sont fondés notre civilisation.

Il faut savoir nommer son ennemi, le désigner. On dit : les Américains mettent le monde à feu et à sang, comme si ce peuple de lui-même agissait de façon démoniaque. Ce ne sont pas les Américains qu’il faut blâmer, ce sont leurs gouvernements, directement influencés depuis les 15 à 20 dernières années par des groupes de pression puissants comme les néo-conservateurs, eux-mêmes nourris par des idéologies mortifères comme celle de Léo Strauss. On notera une fois de plus que la presque totalité de ces néo-conservateurs straussiens sont des binationaux, qui détiennent à la fois des passeports américains et israéliens. Serait-ce une coïncidence ?

Le néo-conservatisme straussien s’appuie sur six caractéristiques principales, qui se recoupent en grande partie :

– la volonté d’employer rapidement la force militaire ;

– un dédain pour les organisations multilatérales ;

– une faible tolérance pour la diplomatie ;

– une focalisation sur la protection d’Israël et donc un interventionnisme orienté et tronqué au Moyen-Orient ;

– une insistance sur la nécessité pour les États-Unis d’agir de manière unilatérale ;

– une tendance à percevoir le monde en termes binaires (bon/mauvais).

Ces caractéristiques, que vous reconnaîtrez de toute évidence, vous font-elles penser aux « Américains » ? C’est plutôt le néo-conservatisme straussien qu’il faut reconnaître et condamner. C’est là, in fine, que le mal absolu s’est logé, là d’où tout est parti, et qui est la source d’un chaos invraisemblable qui submerge la planète.

Algarath


- Source : RI

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