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Etat d’urgence: il y a bien un dieu pour les imbéciles

Auteur : Ze Rhubarbe Blog | Editeur : Walt | Samedi, 21 Nov. 2015 - 22h04

Assemblée Nationale, mercredi et jeudi cette semaine. À la buvette, on a vu un collaborateur parlementaire du groupe PS touiller son café d’un air désespéré. « Nos élus sont devenus fous ».

Quand l’examen du texte a commencé, mercredi soir en commission, le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve a donné le ton, régalien et martial. « Nous prenons toutes les dispositions pour traquer les terroristes où qu’ils se terrent. » Puis il s’est fait rassurant : « L’état d’urgence n’est pas le contraire de l’État de droit : il est son bouclier ».

« Nous avons besoin de notre bataille de Stalingrad ! » lance le député socialiste Malek Boutih, exalté.

Le député d’extrême droite Gilbert Collard se félicite que« la notion de comportement » suspect soit désormais inscrite dans la loi. « C’est un glissement sémantique important, une rupture avec les principes fondamentaux de notre droit moderne », prévient Marie-Françoise Bechtel, proche de Jean-Pierre Chevènement, qui est aussi conseillère d’État. L’argument est balayé. Lorsque de rares députés PS proposent des assouplissements, Manuel Valls leur rétorque que « la situation exceptionnelle oblige à prendre des mesures immédiates ». Il a cette phrase, lancée à des parlementaires censés écrire le droit : « Pas de juridisme, avançons ! C’est là où nous sommes attendus ! » Les radicaux de gauche du PRG obtiennent le contrôle des sites djihadistes par le ministre de l’intérieur : un durcissement de la loi antiterrorisme, votée il y a un an à peine…

Le débat a été suivi d’un vote aux allures de plébiscite : 551 voix, 6 votes contre – les socialistes Pouria Amirshahi, Barbara Romagnan, Gérard Sebaoun et les écologistes Noël Mamère, Sergio Coronado,Isabelle Attard. Plus une abstention, la socialiste Fanélie Carrey-Conte.

Honneur à eux.

Le gouvernement français était encore mourant, le vendredi 13 au matin, face à des régionales annoncées comme catastrophiques, une COP21 destinée à suivre le chemin de ses prédécesseurs dans le registre du grand théâtre inutile, une politique étrangère embourbée dans ses contradictions et déconnectée des réalités, et un exécutif devenu expert en vol à basse altitude entre les histogrammes des sondages d’opinion.

S’il était encore nécessaire de faire la preuve de l’existence d’un dieu pour les imbéciles, ce vendredi 13 l’a fournie. Une semaine après ce vendredi funeste, le gouvernement français a réussi l’union nationale des vrais et faucons. Il a réussi a implémenter ce qui fait bander Hollande, Valls et Cazeneuve depuis janvier: un état d’urgence, un vrai, avec des robocops omnipotents, des fouines traquant les « comportements suspects », la mise au placard des juges, des fonctionnaires décomplexés enfin à même d’imposer une impitoyable dictature administrative sur un peuple qui risque de se réveiller, un de ces jours, avec une sacrée gueule de bois.

Une petite semaine après les attentats ce gouvernement a réussi à couper l’herbe sous le pied de la droite et de l’extrême-droite, un mois avant les régionales, en vendant son âme ou ce qu’il en restait au diable de l’Etat Sécuritaire. Il a réussi à mettre sous cloche la débâcle annoncée de la COP21 en interdisant les grandes manifestations du 29 novembre et du 12 décembre.

Car enfin, si la dictature administrative est tellement mieux que la démocratie, que ce soit pour faire passer certaines réformes via le 49-3 ou dans le contexte actuel, pourquoi ne pas rester définitivement sous dictature administrative plutôt que s’emmerder avec des élections? Beaucoup en rêvent. Les gens aujourd’hui au pouvoir, tout comme ceux et celles qui se verraient bien calife à la place du calife (et oui, c’est ça la mondialisation), fantasment dessus toutes les nuits.

Derrière Daech et le terrorisme islamiste il y a une longue histoire de manipulation, de corruption et de violence dont l’Occident est le principal acteur. Le terrorisme est cultivé avant tout pour justifier l’Etat sécuritaire et la protection des intérêts des pouvoirs en place, l’Etat Profond. Daech, tout comme Al-Qaida, sont des créations de nos propres services secrets, d’où une certaine ambivalence quand il s’agit de les attaquer de front. La stratégie du choc n’existe pas que chez les autres.

Les attentats ont permis au gouvernement de s’extraire de sa position ridicule du « ni-ni » en Syrie. Pour Bachar el-Assad, finalement, on verra plus tard. Le gouvernement s’est également offert une bonne dose de testostérone en intensifiant les frappes aériennes (dont les civils font le gros des frais, mais on ne fait pas omelette sans casser d’œufs hein, c’est la guerre!). Coup de bol que le Charles de Gaulle était en partance pour la Méditerranée, où il sera accueilli par la flotte russe déjà présente.

Coup de bol aussi, miracle même, que le SAMU et les hôpitaux parisiens aient fait un exercice de grande ampleur, le matin même du 13 novembre, dans une simulation d’attaque terroriste multi-sites. Ce qui a certainement permis de sauver des vies, les bugs ayant pu être identifiés à l’avance et l’ensemble du personnel déjà sur le pied de guerre.

Oui, il y a  un dieu pour les imbéciles, les hypocrites et les apprenti-dictateurs. Le même, sans doute, qui alimente la haine islamiste.

Vincent Verschoore


- Source : Ze Rhubarbe Blog

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