Dorénavant, une instance judiciaire rattachée à la Congrégation pour la doctrine de la foi (l’ancien Saint-Office) sera spécialement chargée de traiter ces cas «d’omerta». Un secrétaire nommé directement par le pape aura la responsabilité de cette nouvelle section judiciaire. Dans un communiqué, le Vatican a indiqué que le personnel de ce tribunal «pourra aussi être employé pour les procès pénaux dans des cas d’abus de mineurs et d’adultes vulnérables [handicapés] de la part du clergé».

Fermeté, transparence et purification

Après avoir demandé pardon en juillet aux victimes de violences sexuelles, le pape François a ainsi décidé de poursuivre l’œuvre de fermeté, de transparence et de purification initiée par son prédécesseur, Benoît XVI. Et de lui donner un tour encore plus incisif, voire spectaculaire. En septembre, François a autorisé l’arrestation au Vatican de l’ancien nonce apostolique à Saint-Domingue, l’archevêque polonais Jozef Wesolowski qui aurait payé pour avoir des relations avec des mineurs.

«Entre 2004 et 2013, le Saint-Siège a renvoyé 884 prêtres accusés de pédophilie, souligne Giacomo Galeazzi, vaticaniste au quotidien la Stampa. Et au cours de la dernière décennie, 3 420 dossiers fondés sur des accusations crédibles sont parvenus à la Congrégation pour la doctrine de la foi.» C’est pour accélérer les pratiques que le pape François a décidé de nommer un secrétaire spécialement chargé de ces questions. Les associations de victimes ont exprimé leur satisfaction. Depuis des années, elles réclamaient que les autorités catholiques ayant couvert les abus soient aussi poursuivies. Au cours des derniers mois, François a déjà viré deux prélats, à Kansas City et au Paraguay pour avoir enterré des affaires. L’instauration d’un tribunal institutionnalise la pratique.

Le Vatican a ainsi confirmé la nouvelle politique de tolérance zéro, rompant avec la raison d’Etat de l’Eglise qui permettait encore, il y a quelques années, au cardinal Castrillón Hoyos, alors préfet pour la Congrégation pour le clergé, d’écrire une lettre à un évêque français dans laquelle il indiquait : «Vous avez bien agi. Je me réjouis d’avoir un frère qui, aux yeux de l’histoire et de tous les autres évêques du monde, a préféré la prison plutôt que de dénoncer un prêtre de son diocèse.»

Désormais, les prélats qui continueront à couvrir les abus sexuels risquent d’être réduits à l’état laïc. L’historien de l’Eglise Adriano Prosperi ajoute qu’il «est fort probable que la norme sera interprétée de manière rétroactive».