Plan de Déstabilisation en Crimée
Texte paru le 19 février 2015 dans le journal Svobodnaia Pressa. Le rédacteur interroge le directeur du FSB (successeur du KGB) pour la Crimée, un journaliste et politicien criméen, ainsi que le directeur d’un centre d’analyse politique et économique.
Toutefois, explique le journaliste et politologue criméen, Serguei Koulik, les plans du Département d’État des États-Unis se heurtent à l’absence de base sociale dans laquelle faire croître une tendance pro-ukrainienne en Crimée.
Le plan consistant à créer une classe créative pro-ukrainienne en Crimée paraît peu vraisemblable. Les dernières enquêtes du Centre Levada montrent que le soutien aux autorités russes est très élevé dans la presqu’île. Il ne peut être question d’un soutien de Kiev par les Criméens, même de la part de ceux qui ont quitté l’Ukraine ces dernières années pour s’installer en Crimée. Nous sommes parfaitement informés de la situation réelle à Kiev, et accueillons de nombreux réfugiés du Sud-est. Le blocus instauré par Kiev , et particulièrement la limitation de la fourniture d’eau ne contribuent pas à sa popularité, au contraire, de tels agissements détournent toute sympathie.
Il est possible qu’à Kiev on compte sur les Tatars de Crimée. Mais la tendance pro-ukrainienne est très faible dans ce groupe. Dans ma Crimée du Nord, un taux de chômage élevé et le manque de logement sévissaient parmi les Tatars criméens. Aujourd’hui, on leur alloue des logements. A Simferopol, plus de 70 familles ont reçu les clés de leur nouveau logement. A Djankoe, une dizaine, encore. Les gens commencent à recevoir un soutien concret. Les Tatars de Crimée, dépourvus d’emplois, ont été obligés de cultiver leur lopin de terre et de vendre leurs surplus agricoles le long de la route de Moscou. Mais aujourd’hui à cause du blocus, les agriculteurs encourent de fortes pertes. Ils ne peuvent en outre plus irriguer leurs terres à cause de la fermeture des canaux d’arrivée d’eau. De nombreux Tatars de Crimée, qui se disaient patriotes ukrainiens, se sont mis à réfléchir et à se demander s’ils avaient besoin de l’Ukraine. La Russie fournit de l’aide et à conféré à ce groupe le statut de peuple opprimé.
En Crimée l’appellation «classe créative» sonne bizarrement. Avant, personne ne se serait désigné ainsi. Les attaques terroristes, c’est une autre histoire, une menace beaucoup plus réelle. Ils peuvent faire appel aux activistes pro-ukrainiens pour fomenter des dissensions interethniques. Mais il faut tenir compte du fait qu’aujourd’hui, la plus grande partie des activistes pro-ukrainiens s’en est allée en Ukraine, malgré qu’ici, ils n’étaient pas persécutés. Nombreux sont ceux qui collaboraient avec les fondations américaines, et qui ont volontairement quitté la Crimée. Demeure encore le danger de sabotage des activités de l’administration. Voici peu, le dirigeant de la Crimée, Serguei Aksionov s’est rendu dans un hôpital et a demandé au médecin-chef pour qui il travaillait. Parfois, on a l’impression qu’il existe un sabotage rampant.
On dit que beaucoup de gens se plaignent de la hausse des prix depuis le retour de la Crimée dans le giron de la Russie.
Personne ne nous avait promis des salaires et des pensions plantureux. Nous savions tout à fait que le niveau des salaires était plus élevé en Russie qu’en Ukraine, mais que les prix y étaient aussi plus hauts. Maintenant la Crimée est devenue une des régions les plus chères de la Fédération de Russie. Mais il ne s’agit pas d’une conséquence de notre réunion à la Russie. Cela provient de ce que l’Ukraine a installé un blocus de la presqu’île, et les communications avec le continent sont compliquées, et les frais de transport, liés à l’utilisation de la traversée des marchandises au moyen du bac, augmentent les coûts de production.
La décision des Criméens eux-mêmes, de tirer profit de la période de transition, joue également un rôle. L’été dernier, la députée à la Douma fédérale, Svetlana Maximova nous a rendu visite. Elle s’étonna de ce que même à Moscou, les prix ne sont pas aussi élevés qu’en Crimée. Mais les Criméens ont haussé les prix de leurs services et marchandises, en motivant cela par le fait qu’en Russie, tous les prix étaient élevés. Voilà comment nos spéculateurs ont voulu se faire de l’argent. Avant, dans ma région de Djankoe, on pouvait avoir un appartement de deux pièces pour 500 roubles par mois. Maintenant, on en demande 18000 roubles. Et des gardes-frontières ainsi que des soldats sont arrivés, augmentant la demande de logements.
Comment est l’humeur de l’intelligentsia?
Depuis longtemps, plusieurs années, les Américains financent le travail subversif en Ukraine, explique Alexei Martynov, Directeur de l’Institut International des États Nouveaux (The international institute of the Newly Established States). Il est très important de comprendre à l’aide de quels instruments les États-Unis peuvent réaliser leurs plans en Crimée. A l’époque où se déroula dans la presqu’île le référendum concernant le retour de la Crimée dans son « havre natal » comme disait le Président Poutine, des milliers d’ONG étaient actives en Crimée. Jusque maintenant, je ne pense pas que l’Ukraine ait communiqué son registre d’inscription des organisations sociales. La loi ukrainienne exigeait l’inscription de telles structures à Kiev. Aujourd’hui, nous n’avons pas de registre de ces organisations. Celles-ci continuent à exister, sur la base de la loi ukrainienne. Les Criméens soucieux de la légalité ont procédé au transfert de l’enregistrement de leurs organisations sociales dans le cadre des lois de la Russie, et elles fonctionnent de façon tout à fait légale. Mais un grand nombre d’ONG continue à participer à des programmes occidentaux, à recevoir un financement, et ne se mettent pas en règle vis-à-vis des organes russes. Je considère que ce sont précisément ces structures que les programmes américains commencent à utiliser pour déstabiliser la situation sur le territoire de l’Ukraine. Mais je doute fortement du succès de leurs activités. Le FSB et le Ministère de l’Intérieur ont formé leurs départements en Crimée et travaillent activement à démasquer les activités antigouvernementales de toute personne.
Leurs activités peuvent-elles trouver une base sociale dans la Crimée d’aujourd’hui?
La base sociale des activités des Américains a toujours été un sac de dollars. Ils sont intimement convaincus de ce qu’une fois mis en présence des billets verts américains, tout citoyen fera n’importe quoi pour en obtenir. Cette thèse a été confirmée au jour le jour, au cours de la longue période d’activité des structures américaines en Ukraine. En Ukraine, ils n’ont pas rencontré la résistance qui les attend aujourd’hui en Crimée; ce sera une autre histoire. Ils comptent sur le fait qu’en Crimée vivent aujourd’hui des gens qui auparavant vivaient en Ukraine. Il est vrai qu’au milieu de la forte concentration pro-russe qui s’est manifestée au cours du référendum, il est toujours possible de trouver un faible pourcentage de mécontents ou de gens ouvertement affiliés aux programmes ukrainiens.
De nombreux représentants de la classe créative moscovite sympathisent avec l’Ukraine. Est-il possible qu’ils coordonnent aujourd’hui leurs activités avec ceux qui partagent leurs idées en Crimée?
Tout d’abord, appelons les choses par leur nom. La classe créative, ce sont ceux qui créent quelque chose. Comment peut-on aujourd’hui s’appeler classe créative, et être en même temps gredin et traître? Je pense que les gredins et les traîtres qui, malheureusement vivent maintenant dans notre société, coordonneront leurs activités avec n’importe quelle autre activité pourvu qu’elle soit anti-russe; ils s’abreuvent à la même source que ceux qui participent aux activités subversives en Crimée.
- Source : Russie Sujet Géopolitique