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Premières leçons de la tragédie grecque

Auteur : Laurent Herblay | Editeur : Walt | Mercredi, 11 Févr. 2015 - 21h42

Bien sûr, il est encore trop tôt pour tirer toutes les conclusions de la crise grecque, commencée il y a cinq ans et que l’élection de Syriza vient de mettre sur de nouveaux rails. Néanmoins, toutes ces années ont déjà démontré beaucoup de choses sur la nature du projet européen tel qu’il est aujourd’hui.

Une Europe bureaucratique, totalitaire, désunie et antisociale

Bien sûr, les adorateurs du dieu Europe auront du mal à le reconnaître, mais la crise grecque illustre de manière extrême tous les travers de cette construction. La récente décision de la BCE, hautement politique, de couper les financements des banques grecques, démontre que dans cette Europe, le pouvoir est souvent détenu par des fonctionnaires irresponsables. Jamais personne n’aura un mot à dire sur cette décision, qui fleure bon la dictature pseudo éclairée. Il est aussi difficile de ne pas y voir les tendances totalitaires de cette construction qui dénie trop souvent au peuple de choisir leur destin, refusant un référendum à la Grèce puis déniant à l’élection de janvier la possibilité de changer la direction du pays, comme le note Romaric Godin dans un très bon papier de la Tribune que je recommande.

Ce que l’on constate également aujourd’hui, c’est que cette Europe divise le continent plus qu’elle l’unit quand on voit l’évolution des relations entre Berlin et Athènes, ou les oukases d’Helsinki en 2012. Loin d’une impression de coopération, cela donne surtout le sentiment d’une loi du plus fort, qui privilégie les Etats les mieux portants mais aussi, bien sûr, les intérêts des multinationales. Pire, dans le même temps, c’est au nom de cette Europe que l’on a demandé de baisser le salaire minimum de 22 à 32% en Grèce ! Cette Europe, c’est malheur aux moins fortunés et aux moins riches ! Quand on rajoute les crises à répétition depuis 2008, cela donne une impression de jeux du cirque. L’Union Européenne, c’est le retour à l’Empire Romain, mais pas dans sa période la plus glorieuse, qui plus est.

Un château de cartes face à la démocratie

C’est sans doute pour cette raison que les dirigeants européens avaient refusé le référendum à la Grèce à l’automne 2011. Cette construction, aux racines foncièrement anti-démocratiques, qui veut constamment lier les mains du suffrage universel, par les traités et règles quand ce n’est par le transfert pur et simple des pouvoirs politiques à des fonctionnaires dogmatiques, qui chapeautent un demi-milliard d’âme, semble vaciller devant le choix de dix millions de citoyens. Car demain, Alexis Tsipras peut envoyer balader cette troïka inhumaine et dictatoriale, soit en se refinançant auprès de la Russie et en laissant une ardoise à ses créditeurs tortionnaires, ou même abandonner l’euro et revenir à la drachme.

Car malgré toutes les camisoles de papier que sont les traités votés depuis 1986, nous vivons dans des démocraties, et à tout moment, les peuples gardent la capacité de dire « non », comme cela vient d’être fait en Grèce. Même les dictatures les plus autoritaires sont friables, alors une forme d’autoritarisme eurolibéral simplement armé de traités peut à tout instant être renversée par une majorité de citoyens. Pour cela, merci aux Grecs et merci à Syriza de nous le rappeler. Alors que nos dirigeants ne cessent de nous dire que nous n’avons pas le choix, Athènes nous démontre aujourd’hui que si, même au bord du gouffre, on a toujours le choix. Et c’est un magnifique message venu du berceau de la démocratie.

On dit que la démocratie est née à Athènes. Plus de deux mille ans plus tard, c’est au même endroit que la nature folle de cette construction devenue inhumaine et totalitaire, apparaît plus clairement, mais aussi que l’on comprend qu’il suffit d’un vote, un seul, pour s’en détacher, même quand on est au plus mal.


- Source : Laurent Herblay

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