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Retour de la crise grecque : la France risque plus de 40 milliards

Auteur : Marc Vignaud | Editeur : Walt | Vendredi, 09 Janv. 2015 - 14h09

En position de gagner les législatives, Syriza réclame une annulation d’une partie de la dette grecque désormais essentiellement détenue par les Européens.

Le cas grec revient sur le devant de la scène. La perspective d’une victoire aux élections législatives du parti de gauche radicale Syriza relance les spéculations sur le maintien du pays dans la zone euro. Si son leader, Alexis Tsipras, ne souhaite plus revenir à la drachme, il réclame tout de même l’annulation d’une partie de la dette grecque accompagnée d’un relâchement des mesures d’austérité exigées en contrepartie par la troïka (FMI, Banque centrale européenne, Commission). Un deal apparemment inacceptable pour la chancelière allemande Angela Merkel alors que la dette grecque est détenue à 72 % par les pays de la zone euro et le FMI depuis l’annulation de la moitié de la dette privée du pays en 2012. D’autant que le reste de la dette publique, échangeable sur les marchés, a été achetée à hauteur de 40 % par la Banque centrale européenne (BCE) !

Selon des propos rapportés par l’hebdomadaire Der Spiegel, le gouvernement allemand pourrait donc bien assumer une sortie de la Grèce de la zone euro si la population ne parvient plus à supporter la cure de rigueur qui lui a été imposée. Dans les deux cas, annulation de dette ou sortie de la zone euro, ce sont les contribuables européens qui devront régler la facture. Dans le second scénario, un défaut de la Grèce paraît en effet fort probable. Or, depuis le premier plan d’assistance lancé en 2010, les autres États membres ont déjà prêté plus de 194 milliards d’euros à Athènes à des conditions sans cesse plus généreuses : le taux d’intérêt moyen sur la dette détenue par les créanciers publics est désormais inférieur à 2 %, selon l’agence de notation Standard & Poor’s.

Une facture qui pourrait atteindre 42 milliards d’euros pour la France

Deuxième économie de la zone euro, la France est particulièrement exposée à la Grèce. Dans le cadre du premier plan d’aide, elle a déboursé 11,38 milliards des 52,9 milliards prêtés par les Européens sous la forme de prêts bilatéraux, rappelle Éric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG School of Management. Soit plus de 21 % contre près de 29 % pour l’Allemagne (15,1 milliards). De l’argent que les deux pays ont eux-mêmes emprunté sur les marchés, ce qui a aggravé leur taux d’endettement.

À ces 11,38 milliards de facture potentielle, il faut ajouter la part française dans le deuxième plan d’aide à la Grèce destiné à faciliter la restructuration de la dette détenue par les investisseurs privés, à recapitaliser les banques grecques en difficulté et à continuer à financer le pays. Cette contribution passe par des garanties apportées sur les emprunts du Fonds européen de stabilité financière (FESF). Cette institution de sauvetage provisoire de la zone euro a déjà prêté 141,8 milliards à la Grèce sur plus de 30 ans avec une période de 10 ans sans versement d’intérêts. Le montant des engagements hexagonaux se monte à 31 milliards d’euros. L’Allemagne, elle, est exposée à hauteur de 41,3 milliards.

Au total, si la Grèce faisait défaut sur la totalité de sa dette européenne – ce qui reste toutefois assez improbable -, la facture pour la France pourrait ainsi atteindre 42 milliards, soit l’équivalent du coût du pacte de responsabilité de François Hollande d’ici à 2017 !

Des risques indirects

À tout cela, il faudrait encore ajouter les pertes des banques nationales de la zone euro (« eurosystème »). Au 31 décembre 2013, celles-ci possédaient encore 22,7 milliards de dette grecque. « Selon les estimations, ce montant serait encore d’une vingtaine de milliards en 2014″, explique Éric Dor. En raison de sa part dans le capital de la BCE, la Banque de France est ainsi exposée à hauteur de quelque 2,6 milliards, a calculé l’économiste.

La Grèce était enfin endettée vis-à-vis de l’Eurosystème à hauteur de 41,7 milliards d’euros en novembre 2014 dans le cadre du système de paiement interbancaire Target 2. En cas de sortie de la zone euro, la Banque de Grèce resterait endettée de ce montant vis-à-vis de la BCE sans pouvoir le convertir en nouvelle drachme. Il y a alors fort à parier qu’elle ne pourra pas honorer cet engagement. La perte pour la BCE serait donc répartie sur les banques nationales restant dans la zone euro, dont 8,5 milliards pour la Banque de France. À leur tour, les banques nationales devraient alors théoriquement être recapitalisées par leurs États respectifs. À tout le moins, elles seraient contraintes de réduire les dividendes qu’elles leur versent habituellement grâce aux gains réalisés sur les opérations de politique monétaire.

Un secteur bancaire moins exposé

En revanche, les banques françaises privées ont considérablement réduit leur exposition au secteur public grec, tout comme les banques allemandes. Leur engagement s’est effondré depuis 2010 de plus de 14 milliards de dollars, à 120 millions, a calculé Éric Dor.

Ce désengagement est similaire sur le secteur privé grec. Les banques françaises ne sont plus exposées qu’à hauteur de 1,646 milliard, une somme à laquelle il faut tout de même ajouter 471 millions de dollars d’expositions vis-à-vis des banques grecques.

C’est peut-être un des éléments qui explique pourquoi le gouvernement allemand se dit prêt à assumer une sortie de la Grèce de la zone euro, plutôt que de devoir lui accorder une nouvelle remise de dette sans pouvoir s’assurer que l’État poursuivra les réformes nécessaires pour vivre avec la monnaie unique.


- Source : Marc Vignaud

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