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Vendredi, 13 Déc. 2024

Julian Assange, l’ultime combat ?

Auteur : Tim Dawson | Editeur : Walt | Mercredi, 14 Févr. 2024 - 15h38

Ce qui pourrait être le dernier recours de Julian Assange contre l'extradition de la Grande-Bretagne vers les États-Unis débutera devant les Royal Courts of Justice le 20 février - son échec serait un jour sombre pour toute l'humanité.

Alors qu’Assange va rejoindre le banc des accusés, il est dur de savoir si l’un des arguments aura convaincu les juges. Assange espère qu’au moins l’un d’entre eux suffira à mettre fin à son calvaire.

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Lorsque Julian Assange entrera dans le box des accusés de la Cour royale de justice à la fin du mois, il aura passé près de cinq ans à la prison de Belmarsh. Il appartiendra à la Cour de décider combien de temps encore il demeurera un prisonnier britannique. Il est tout à fait possible que dans quelques jours, il soit en route pour Washington.

Cette étape, qui pourrait être la dernière de sa campagne juridique pour résister à l’extradition, intervient exactement quatre ans après qu’elle a commencé – à la Woolwich Crown Court, dans l’enceinte de Belmarsh.

Un membre de son équipe juridique m’a dit que les chances d’une issue favorable à ce stade étaient faibles.

“Nous ne sommes pas enchantés par le choix des juges qui entendront notre affaire, et bien que nos arguments soient très solides, ils ont déjà été rejetés une fois”, m’a-t-on dit.

Pour l’observateur lambda, le parcours juridique de M. Assange semble rocambolesque. Lors de la première audience d’extradition, l’équipe juridique australienne a présenté plusieurs arguments pour rejeter la procédure, et notamment ce qui suit :

Le traité d’extradition entre le Royaume-Uni et les États-Unis exclut l’extradition pour des crimes politiques – un procès équitable est impossible pour de nombreuses raisons, notamment l’espionnage des entretiens d’Assange avec ses avocats – les poursuites violeraient le droit d’Assange à la liberté d’expression – et les conditions de détention aux États-Unis auraient un effet catastrophique, cliniquement prévisible, sur la santé d’Assange.

Le juge Baraitser, qui a entendu l’affaire initiale, a rejeté tous ces arguments, à l’exception de la possibilité que l’extradition soit “oppressive” pour la santé d’Assange.

Sa conclusion est intervenue après plusieurs journées éprouvantes au tribunal, au cours desquelles les problèmes médicaux de M. Assange ont été présentés avec des détails médico-légaux, parfois bouleversants. Il a tenté de se suicider à plusieurs reprises par le passé, a subi une longue période d’isolement effectif au cours de sa première année à Belmarsh, nuisant considérablement à sa santé, et une forme ou une autre d’isolement est une quasi-certitude s’il devait intégrer le système pénitentiaire américain.

Hélas, les espoirs suscités par le jugement de Mme Baraitser ont été de courte durée. Les États-Unis ont fait appel de son jugement, principalement sur la base d’un point de procédure litigieux et de garanties non confirmées concernant les conditions pénales probables. Le jugement a été annulé.

L’audience de deux jours qui se tiendra à la fin du mois de février examinera deux appels.

  1. Le premier concerne le rejet par Mme Baraitser de tous les autres arguments contre l’extradition.
  2. Le second concerne la décision de Priti Patel, alors ministre de l’Intérieur, d’émettre un ordre d’extradition d’Assange dès que la procédure judiciaire serait clôturée.

Il semble peu probable que la décision de la ministre soit annulée. L’équipe juridique d’Assange estime que les nouveaux éléments de preuve concernant les autres arguments sont convaincants, mais elle reconnaît que le combat est difficile.

Si cette demande d’appel est acceptée, l’affaire sera entendue dans son intégralité plus tard dans l’année.

Si tous ces arguments sont rejetés, le dernier espoir juridique de s’opposer à l’extradition réside en un recours adressé à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Les juges de Strasbourg ont déjà été saisis de l’affaire Assange.

Toutefois, la Cour européenne des droits de l’homme a le pouvoir discrétionnaire d’entendre des affaires, selon que les autorités juridiques considèrent ou non que les points de droit contestés sont suffisants pour mériter leur attention. Pour replacer le cas d’Assange dans son contexte, l’année dernière, 63 demandes de “mesures provisoires”, du type de celles dont Assange aurait besoin, ont été introduites auprès de la CEDH. Une seule a été retenue.

Les développements diplomatiques à l’autre bout du monde pourraient toutefois avoir un impact plus important sur les perspectives de liberté de M. Assange. L’élection d’un gouvernement travailliste en Australie, sous la direction d’Anthony Albanese, a ajouté une nouvelle voix significative à la coalition réclamant la libération d’Assange.

En août dernier, l’ambassadrice des États-Unis en Australie, Caroline Kennedy, a déclaré au Sydney Morning Herald qu’elle pensait qu’un accord de plaidoyer pourrait être conclu pour M. Assange. Un tel arrangement impliquerait probablement qu’Assange plaide coupable d’une accusation moins grave pour laquelle la période d’emprisonnement n’excéderait pas le temps déjà passé en prison.

Cette solution pourrait présenter des avantages considérables pour M. Assange, notamment celui de pouvoir voyager dans le monde entier sans avoir à craindre en permanence une nouvelle initiative américaine visant à requérir sa détention et son extradition.

L’équipe juridique de M. Assange n’a pas expliqué pourquoi la procédure est au point mort depuis six mois, mais il semble que des négociations soient en cours.

Reste à savoir si un tel accord satisfera les défenseurs de la liberté d’expression. Pour eux, l’importance de l’affaire reste l’utilisation de l’Espionage Act pour poursuivre un éditeur. Si un Australien vivant en Europe peut être poursuivi par les États-Unis pour avoir encouragé une source à partager des preuves d’actes criminels, alors les journalistes d’investigation du monde entier sont en danger.

Il ne fait aucun doute que lorsque M. Assange se retrouvera sur le banc des accusés, des manifestations de protestation se tiendront à l’extérieur des tribunaux royaux. C’est tout à l’honneur de bon nombre de ces militants d’être restés fidèles à la cause depuis plus d’une décennie. En effet, la révélation emblématique au cœur de cette affaire est la vidéo “Collateral murder”.

Filmée depuis un hélicoptère de l’armée américaine survolant Bagdad, elle date de 2007 et montre des civils non armés fauchés par une mitrailleuse de gros calibre. Douze d’entre eux ont perdu la vie dans ce que beaucoup considèrent comme un crime de guerre.

Depuis les premiers jours, alors qu’une poignée de fidèles protestaient au nom d’Assange, la campagne s’est progressivement élargie. Elle compte désormais des syndicats du monde entier, des médias qui avaient autrefois dénoncé M. Assange, et même des commentateurs de droite tels que Peter Oborne et Andrew Neil.

Alors que le fondateur de Wikileaks va rejoindre le banc des accusés et que les débats vont commencer, il est impossible de savoir si l’un ou l’autre de ces arguments aura réussi à convaincre les juges. Assange espère qu’au moins l’un d’entre eux suffira à mettre fin à son calvaire.

Image d'illustration : Manifestation devant le Parlement à Londres pour réclamer la libération du fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, le 24 juin 2023.

Traduction : Spirit of Free Speech

L'auteur, Tim Dawson, est secrétaire général adjoint de la Fédération internationale des journalistes – www.ifj.org.

***

La liberté de la presse dans le monde menacée par le retour de Julian Assange devant les tribunaux britanniques

“Il n'y a pas que Julian Assange sur le banc des accusés. Faites taire Assange, et d'autres seront bâillonnés.” — Julia Hall, Amnesty International

À la veille de la prochaine audience de Julian Assange devant les tribunaux britanniques en vue de son éventuelle extradition vers les États-Unis, Amnesty International réitère ses inquiétudes quant au risque de graves violations des droits humains en cas d’extradition et met en garde contre un profond “effet paralysant” sur la liberté des médias à l’échelle mondiale.

“Le risque pour les éditeurs et les journalistes d’investigation du monde entier est en suspens. Si Julian Assange est extradé vers les États-Unis et y est poursuivi, la liberté des médias dans le monde sera également mise à l’épreuve”, a déclaré Julia Hall, spécialiste de la lutte contre le terrorisme et de la justice pénale en Europe à d’Amnesty International.

“Les États-Unis doivent abandonner les charges retenues contre Assange au titre de la loi sur l’espionnage, et mettre fin à sa détention arbitraire au Royaume-Uni”.

— Julia Hall, spécialiste de la lutte contre le terrorisme et de la justice pénale en Europe à Amnesty International.

“Assange va souffrir personnellement de ces accusations motivées par des considérations politiques et la communauté mondiale des médias saura qu’elle n’est pas à l’abri non plus. Le droit du public à l’information sur ce que leurs gouvernements font en leur nom sera profondément compromis. Les États-Unis doivent abandonner les charges retenues contre Julian Assange au titre de la loi sur l’espionnage et mettre fin à sa détention arbitraire au Royaume-Uni”.

Si Julian Assange perd le droit de faire appel, il risque d’être extradé vers les États-Unis et poursuivi en vertu de l’Espionage Act de 1917, une loi datant de la guerre qui n’a jamais eu pour but de cibler le travail légitime des éditeurs et des journalistes. Il risque jusqu’à 175 ans de prison. En ce qui concerne l’accusation moins grave de fraude informatique, il pourrait se voir infliger une peine maximale de cinq ans.

M. Assange serait également exposé à un risque élevé d’isolement prolongé dans une prison de haute sécurité. Bien que les États-Unis aient offert des “garanties diplomatiques” au Royaume-Uni, censées garantir sa sécurité en cas d’incarcération, les assurances des autorités comportent tellement de mises en garde qu’elles ne peuvent être considérées comme fiables.

“On ne peut pas se fier aux garanties données par les États-Unis. Les promesses douteuses selon lesquelles il sera bien traité dans une prison américaine sonnent creux si l’on considère que M. Assange risque des dizaines d’années d’incarcération dans un système bien connu pour ses abus, notamment l’isolement cellulaire prolongé et la médiocrité des services de santé proposés aux détenus. Les États-Unis ne peuvent tout simplement pas garantir sa sécurité et son bien-être, comme ils ne l’ont pas fait pour les centaines de milliers de personnes actuellement emprisonnées aux États-Unis”, a déclaré Julia Hall.

Une menace mondiale pour la liberté des médias

Si Julian Assange est extradé, cela créera un dangereux précédent : le gouvernement américain pourrait demander l’extradition d’éditeurs et de journalistes du monde entier. D’autres pays pourraient suivre l’exemple des États-Unis.

“La publication par Julian Assange de documents qui lui ont été divulgués par des sources dans le cadre de son travail avec Wikileaks reflète le travail des journalistes d’investigation. Ceux-ci exercent régulièrement les activités décrites dans l’acte d’accusation : parler avec des sources confidentielles, demander des éclaircissements ou des documents supplémentaires, recevoir et diffuser des informations officielles et parfois classifiées”, a déclaré Julia Hall.

Les organes d’information et de publication publient souvent, et à juste titre, des informations classifiées pour informer sur des questions de la plus haute importance pour le public. La publication d’informations d’intérêt public est une pierre angulaire de la liberté des médias. Elle est également protégée par le droit international relatif aux droits de l’homme et ne devrait pas être criminalisée.

“Les efforts déployés par les États-Unis pour intimider et réduire au silence les journalistes d’investigation qui révèlent des fautes gouvernementales, telles que des crimes de guerre ou d’autres violations du droit international, doivent être stoppés net.

“Les sources telles que les lanceurs d’alerte légitimes qui révèlent aux journalistes et aux éditeurs des actes répréhensibles commis par le gouvernement doivent également être libres de partager des informations dans l’intérêt public. Ils seront beaucoup plus réticents à le faire si Julian Assange est poursuivi pour s’être livré à un travail d’édition légitime”.

“Il n’y a pas que Julian Assange sur le banc des accusés. Faites taire Assange, et d’autres seront bâillonnés.” — Julia Hall

“Il s’agit d’un test pour les autorités américaines et britanniques quant à leur engagement envers les principes fondamentaux de la liberté des médias qui sous-tendent les droits à la liberté d’expression et le droit du public à l’information. Il n’y a pas que Julian Assange sur le banc des accusés. Faites taire Assange, et d’autres seront bâillonnés”, a déclaré Julia Hall.

Contexte :

La High Court du Royaume-Uni a confirmé la tenue d’une audience de deux jours les 20 et 21 février 2024. L’issue de cette audience déterminera si Julian Assange aura d’autres occasions de plaider sa cause devant les tribunaux britanniques ou s’il aura épuisé tous les recours au Royaume-Uni, ce qui mènera à la procédure d’extradition, ou à une requête auprès de la Cour européenne des droits de l’homme.

Traduction : Spirit of Free Speech

Source:  Amnesty International


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