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La déformation occidentale des faits face à la possible crise alimentaire

Auteur : Mikhail Gamandiy-Egorov | Editeur : Walt | Mercredi, 08 Juin 2022 - 17h25

L’establishment politico-médiatique occidental tente par tous les moyens d’annoncer l’éventuelle crise alimentaire internationale comme étant la responsabilité de la Russie, en oubliant par la même occasion de présenter les statistiques et faits réels. Et surtout ses propres responsabilités.

Tout d’abord, il serait correct de rappeler quelques statistiques fondamentales que nombre de politiciens et de médias occidentaux avaient préféré occulter. Dans l’imaginaire occidental, il est même tenté de créer une image d’une Ukraine comme d’un grenier mondial, et dont l’opération militaire spéciale de la Russie serait en train de « détruire ». À ce titre, les faits parlent d’eux-mêmes et s’il y a bien un grenier mondial – c’est bien l’État russe.

En effet, la Russie est le premier exportateur mondial de blé, tandis que l’Ukraine n’est que cinquième. Et ce depuis déjà plusieurs années. Donc les tentatives de coller l’Ukraine à la Russie en qualité de grenier mondial par la partie occidentale est déjà incohérente ne serait-ce que du point de vue qu’on ajoute à cet effet le cinquième exportateur mondial au premier, pour tenter par la même occasion de créer une image d’une Ukraine « irremplaçable » sur le marché alimentaire international.

En se basant sur cette logique et suivant le même schéma, il est parfaitement possible aussi de coller le 8ème, 9ème ou 10ème exportateur mondial au premier, et le volume représenté sera conséquent. Tout cela pour dire que s’il y a bien un pays dont dépend énormément la sécurité alimentaire à l’échelle internationale – il s’agit bien de la Russie, et non pas tellement de l’Ukraine.

Idem pour ce qui est des engrais – autre orientation essentielle pour la production agricole à divers endroits de la planète. Les statistiques pour l’année 2021 parlent d’eux-mêmes : la Russie était et reste le principal exportateur mondial d’engrais. Tandis qu’un pays comme l’Ukraine n’était classé que 25ème.

S’il y a bien en revanche un domaine dans lequel l’Ukraine partage effectivement les deux premières places mondiales avec la Russie en volume de production – il s’agit de l’huile de tournesol. Bien qu’il soit important de rappeler que les pays dits comme particulièrement concernés par la possible crise alimentaire mondiale ont beaucoup plus besoin des céréales russes que de l’huile de tournesol ukrainienne. Sachant que nombreux de ces pays consomment principalement l’huile de palme et non de tournesol.

Aussi, l’establishment occidental qui accuse la Russie d’être responsable de la situation oublie deux points essentiels : le premier étant les sanctions occidentales qui visent la Russie et qui ont eu un impact sur les chaines logistiques d’approvisionnement. En ce qui concerne plus particulièrement les exportations ukrainiennes – les représentants russes ont maintes fois rappelé que le blocage ne se fait pas au niveau de la Russie, mais au fait que le régime kiévien a installé des mines marines au niveau des principaux ports maritimes concernés – empêchant les navires de pouvoir circuler en sécurité avec les marchandises.

Macky Sall, le chef d’État sénégalais et président en exercice de l’Union africaine (UA) lors de sa récente rencontre à Sotchi avec Vladimir Poutine, avait justement de son côté critiqué les sanctions occidentales et rappelé que l’accès aux céréales et engrais russes avait une importance primordiale pour les pays africains. Un échange dont Macky Sall est sorti largement rassuré et satisfait, au moment où la Russie travaille activement pour pouvoir assurer ses livraisons des dits produits à destination des pays amis, dont bien évidemment ceux d’Afrique.

Il est donc évident que ceux qui créent des obstacles aux exportations alimentaires et affiliées en provenance de Russie – ne peuvent certainement pas jouer aux bonnes âmes qui se soucient de la sécurité alimentaire mondiale. Mais peut-être que prétendant s’intéresser à ce problème des « autres », l’Occident cherche avant tout à pouvoir assurer sa propre sécurité alimentaire ? Notamment dans le domaine des engrais. Car au-delà de la dépendance énergétique de l’UE totalement évidente, la Russie fournit par la même occasion 25% de l’approvisionnement européen en azote, potasse et phosphate.

Pour l’anecdote, faudrait-il rappeler qu’il y a encore de cela plusieurs années – les engrais russes étaient revendus pour les clients africains à travers des intermédiaires occidentaux ? Cette page, fort heureusement, semble définitivement être tournée. Les pays non-occidentaux, y compris africains, ont pour grand nombre d’entre eux parfaitement compris la nécessité de maintenir les relations mutuellement bénéfiques avec la Russie. Quant à la sécurité alimentaire des pays occidentaux – il est évidemment peu probable que l’arrogance de leur establishment pourra d’une quelconque manière apporter des solutions dignes de ce nom. Y compris pour les citoyens européens.

***

Qui crée la faim dans le monde ?

Le dernier faux récit occidental, émanant d’un minuscule cerveau secret situé, très probablement, quelque part dans la banlieue de Virginie, est que Poutine est responsable de la faim dans le monde à cause de la guerre en Ukraine. « Poutine bloque les exportations de céréales de l’Ukraine ! La faim dans le monde menace », crie le titre mensonger des journaux concoctés par les experts. Une analyse très simple des chiffres disponibles suffit à prouver que ce récit est un faux.

En 2021, la Russie et l’Ukraine ont fourni au marché mondial 75% de l’huile de tournesol, 29% de l’orge, 28% du blé et 15% du maïs. Près de 50 pays dépendent de la Russie et de l’Ukraine pour au moins 30% de leur blé, dont 26 pour plus de la moitié. La récolte de céréales de l’année dernière en Ukraine a été d’une ampleur sans précédent : 107 millions de tonnes, dont, en chiffres ronds, 33 millions de blé, 40 millions de maïs et 10 millions d’orge, dépassant la récolte de 2020 de 22% en tonnage et de 23% en rendement. La consommation annuelle de blé en Ukraine n’est que d’environ 4 millions de tonnes. Sans surprise, les Ukrainiens ont décidé d’exporter 70 millions de tonnes. Il s’agit d’une décision forcée : il n’y a nulle part où stocker une telle quantité de céréales. Les 15 principaux silos à grains, tous détenus par des étrangers, représentent au total moins de 21 millions de tonnes. Tous ces silos se trouvent dans le centre et l’ouest du pays et ne sont pas touchés par l’opération spéciale de la Russie qui se déroule dans l’est.

D’ici le 1er juillet de cette année, l’Ukraine espère exporter au maximum 47 millions de tonnes de céréales. Pourrait-elle en exporter davantage ? Non, elle ne le pourrait pas. Et cela n’a rien à voir avec les méchants Russes. Selon l’opinion respectée de l’Association ukrainienne des céréales et de son directeur Nikolai Gorbachëv, la capacité d’exportation de céréales des ports ukrainiens n’est que de 1,2 à 1,5 million de tonnes par mois. Ils pourraient convoquer toutes les marines du monde pour assurer la sécurité, ils ne seraient toujours pas en mesure d’expédier plus de 1,5 million de tonnes par mois. Le rail n’offre pas non plus d’alternative. La route qui traverse la Pologne est compliquée par une différence d’écartement des rails, tandis que le transport des céréales vers le port lituanien de Klaipeda, aujourd’hui largement désaffecté, passe par le Belarus. Bien sûr, Alexandre Loukachenko serait heureux d’autoriser un tel transit ; dès que l’Occident lèvera toutes les sanctions contre le Belarus et le dédommagera pour les pertes qu’il a causées. Il ne reste plus que le transport routier vers l’ouest, qui est maintenant utilisé de manière très intensive, pour atteindre… un peu plus d’un million de tonnes au cours des derniers mois.

Pour résumer, l’Ukraine n’était absolument pas préparée à la récolte exceptionnelle de l’année dernière. Les ressources dont elle disposait pour s’y préparer ont été gaspillées pour préparer une opération militaire épouvantablement infructueuse contre ses provinces russes de l’est et du sud. Et puis, le pays s’est tiré une balle dans les deux pieds en minant les approches du port d’Odessa. Non seulement cela, mais il les a minées de manière incompétente : certaines des mines ont perdu leurs ancres dans une tempête et dérivent maintenant dans la mer Noire, l’une d’entre elles étant parvenue jusqu’à une voie maritime près du Bosphore en Turquie.

Cela signifie-t-il qu’en raison des difficultés liées aux exportations de céréales ukrainiennes, le monde est condamné à la faim ? Oh, je vous en prie ! Même si l’Ukraine réussit à exporter les 11 millions de tonnes de blé restants comme elle l’avait prévu, cela ne sauvera personne, car cela ne représenterait que 4% de la demande mondiale. Il en va de même pour le maïs : la demande mondiale est de 200 millions de tonnes alors que les exportations ukrainiennes se situent généralement autour de 30-35 millions de tonnes. Admettons donc que l’Ukraine et la situation qui l’entoure n’ont pas grand-chose à voir avec la menace imminente de la faim dans le monde. Mais alors, quel est le rapport avec la faim ?

Passons un instant à ces propagandistes pro-russes de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture. Selon leurs experts, en février 2022, avant le début de l’opération russe en Ukraine orientale, les prix des produits agricoles ont atteint un nouveau sommet, 2,2% de plus que le sommet de février 2011 et 21% de plus qu’en 2021. Cela ne s’est pas du tout produit à cause de la Russie, mais à cause de l’impression monétaire liée à la pandémie et des prix élevés de l’énergie, des engrais et d’autres ressources agricoles. En outre, depuis le début de l’action militaire en Ukraine, 23 pays ont imposé des limites strictes aux exportations agricoles. Le plus important d’entre eux est l’Inde, qui a interdit les exportations de céréales en raison d’une terrible sécheresse.

La seule chose dont on peut dire que la Russie est responsable est d’avoir restreint ses exportations de certains engrais, ce qu’elle a fait pour protéger l’approvisionnement de ses agriculteurs. En 2020, la Russie était le premier exportateur d’engrais azotés, le deuxième de potassium et le troisième de phosphore. Le marché mondial manque aujourd’hui d’environ un quart de ses besoins en engrais, et si ce problème n’est pas réglé, la famine est en effet inévitable pour de nombreux pays. Mais même dans ce cas, la Russie n’est que partiellement responsable : ce sont les sanctions anti-russes qui ont provoqué des prix très élevés pour le gaz naturel, qui est la principale matière première pour la production d’engrais azotés.

En conclusion, certains idiots ont décidé que le fait d’utiliser le Covid-19 comme excuse pour arroser la planète avec de la monnaie lancée d’hélicoptère, de détruire le marché européen du gaz naturel, d’imposer des « sanctions infernales » à la Russie et de rejeter la faute sur la Russie est, d’une certaine manière, une stratégie gagnante. Eh bien, ça serait une bonne définition de la bêtise, non ? Pour couronner le tout, il y a maintenant une grave pénurie de farine de blé dans les parties de l’ancienne Ukraine qui doivent encore être libérées : ce qu’il y a à vendre a été importé de Turquie ! Cette bêtise est-elle contagieuse ?

Dmitry Orlov

source : Club Orlov

traduction Hervé, relu par Wayan, pour Le Saker Francophone


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