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Vendredi, 19 Avr. 2024

Tchad : la population se mobilise contre la Françafrique

Auteur : Mikhail Gamandiy-Egorov | Editeur : Walt | Mercredi, 18 Mai 2022 - 15h52

Comme prévu, les processus de rejet de la politique occidentale se renforcent dans les pays du continent africain. Y compris dans les États sur lesquels l’establishment occidental continue de miser.

L’Élysée et le Quai d’Orsay se rendent à l’évidence que la dynamique engagée à de nombreux endroits de l’Afrique, qu’ils avaient espéré ralentir, ne fait au contraire que monter en intensité. La récente mobilisation au Tchad ne fait que le confirmer avec des appels de la population ouvertement hostiles contre Paris et ses intérêts.

En effet, toutes les campagnes que le système néocolonial françafricain a tenté de mener, et continue d’ailleurs, en cherchant à déstabiliser les États qui inspirent aujourd’hui nombre d’autres, notamment la Centrafrique et le Mali – ne semblent pas apporter les résultats escomptés.

Les tentatives de séduire une partie de la jeunesse africaine ou les informations récentes faisant part d’actions visant à soudoyer des blogueurs africains ne font au contraire qu’exacerber la volonté de résistance à ces pratiques néocoloniales occidentales de la part d’une large partie de la société civile panafricaine.

Mais ce n’est pas tout. On peut remarquer aujourd’hui de plus en plus de tentatives visant à essayer de surfer sur la vague panafricaniste, y compris sur les sentiments hostiles à la Françafrique, de la part du principal allié (ou suzerain) de Paris, à savoir Washington. Ainsi, certains influenceurs africains sont mis à contribution pour tenter à se joindre au discours souverainiste dans un cadre panafricain, en reprenant une partie des discours hostiles au régime hexagonal, mais par la même occasion en essayant de dénigrer le partenariat avec la Russie ou la Chine, tout en promouvant les intérêts étasuniens.

Fait marquant et au-delà de l’aspect propre aux anglo-saxons qui n’hésitent pas à poignarder dans le dos leurs propres prétendus alliés, le fait est que cette stratégie n’apporte pas elle aussi, à l’instar de celle de Paris, de résultats rassurants pour ses instigateurs. Washington a beau vouloir se distancer dans ce schéma des échecs hexagonaux – peu de gens en Afrique lui font confiance.

Tout cela confirme que le rejet actuel du système de la Françafrique dépasse largement le cadre des sentiments hostiles au régime hexagonal, mais s’étend beaucoup plus largement à tout l’Occident, du moins plus particulièrement à l’establishment occidental, aussi bien politique que médiatique. Et cela malgré encore de grands moyens à sa disposition – allant de médias propagandistes, francophones comme anglophones, jusqu’aux financements via les réseaux à la sauce Soros & Co.

Pour revenir au Tchad, le défi particulier pour Paris et plus généralement l’establishment atlantiste, est que ce pays fait justement partie des États africains sur lesquels le régime hexagonal comptait le plus, avec également la Côte d’Ivoire et le Niger, pour tenter à minimiser les pertes suite aux revers subis en RCA et au Mali.

Il faut également se rendre à l’évidence qu’en ce qui concerne le cas tchadien, l’élite occidentale fera de son maximum pour empêcher la réalisation des aspirations de la société civile du pays. Y compris avec des moyens de répression, largement disponibles de part une présence militaire hexagonale sur place.

Cependant, le processus de résistance panafricaniste et pro-multipolaire est déjà largement enclenché. Et se basant sur cela – il sera extrêmement difficile désormais pour les forces néocoloniales occidentales et leurs supplétifs locaux de pouvoir faire taire la voix de millions d’Africains qui souhaitent prendre complètement leur destin en main. Et par la même occasion rappeler, une fois de plus, que ce qui a permis la prospérité, pendant longtemps, de l’espace occidental – ce sont les ressources du monde non-occidental, et non pas le prétendu contraire.

Oui, la chute sera très dure pour l’Occident. Son extrême arrogance, ainsi que l’incapacité la plus totale à s’adapter aux règles récentes issues de la multipolarité, sans oublier les innombrables crimes et pillages commis – en sont parmi les principales raisons. Aujourd’hui, il faudra assumer.

***

Paris se fait virer de la Françafrique

Le porte-parole du gouvernement malien, le colonel Abdoulaye Maïga, qui a été premier ministre du pays en 2017, a annoncé dans une allocution télévisée que le pays africain déchire les accords de défense avec la France. Bien que Paris ait qualifié cette décision d' »injustifiée », la France poursuit néanmoins le retrait de ses militaires du Mali, après que le gouvernement malien ait précédemment demandé à Paris de retirer les troupes impliquées dans les opérations Barkhane et Takuba « sans délai » et sous le contrôle des autorités maliennes. Et plus tôt, le 1er février, un document spécial du gouvernement malien ordonnait à l’ambassadeur français Joël Meyer de quitter le territoire de l’État africain dans les 72 heures.
Les relations entre Bamako et l’ancienne métropole ont été particulièrement tendues après que le ministre français des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a déclaré que Paris considérait officiellement les nouvelles autorités maliennes comme illégitimes et a reproché au Mali de renforcer ses liens avec la Russie. En réponse, le gouvernement malien a dégradé ses relations diplomatiques avec Paris et a indiqué que ce n’était pas à la France de décider à la place du peuple malien qui est légitime et qui est illégitime, et avec qui les autorités maliennes doivent coopérer.

Entre-temps, il convient de noter que dans l’État africain voisin du Mali, le Burkina Faso, les manifestations antifrançaises se sont également intensifiées. Depuis le changement de gouvernement, des drapeaux russes ont commencé à apparaître dans les rues et les habitants affirment que la Russie (depuis l’époque soviétique) aide l’Afrique à se développer, alors que la France ne cherche qu’à siphonner les ressources et à faire rentrer les bénéfices dans ses propres coffres.

Selon divers médias, les autorités maliennes ont enregistré sur une longue période une détérioration significative de la coopération militaire avec l’ancienne métropole. Mais la goutte d’eau qui a fait déborder le vase de la patience a été la violation de l’espace aérien de la république africaine par des drones effectuant des reconnaissances pour le compte de l’Élysée.

Ces derniers mois, la France a également mené une intense campagne médiatique contre le gouvernement malien et la présence russe dans le pays, fondée sur une falsification grossière des événements sur place et destinée à dissimuler les crimes évidents commis par les militaires français, selon Mira Terada, directrice de la Fondation pour la lutte contre l’injustice.
En mai, le premier représentant permanent adjoint de la Fédération de Russie auprès des Nations unies, Dmitry Polyansky, a déclaré que la Russie avait lancé une discussion au Conseil de sécurité de l’ONU sur la situation au Mali afin de soulever la question de la campagne de désinformation contre le Mali et la Russie lancée par la France dans le cadre de l’incident de Gossi.

Comme l’ont confirmé les autorités maliennes concernant l’incident de Gossi, les forces françaises Barkhane ont remis leur base militaire dans cette localité à l’armée malienne le 19 avril. Le 20 avril, selon un communiqué de l’état-major malien, une patrouille malienne a été envoyée en reconnaissance et a découvert le site funéraire. Plus tard, une commission des forces armées maliennes dirigée par le commandant de secteur N1, accompagné d’un conseiller juridique, d’un commandant de régiment et d’un chef d’état-major, est arrivée à Gossi et a confirmé l’exécution par balles. La commission a confirmé qu’elle n’a aucun doute sur le fait que ce sont des soldats français du contingent de l’opération Barkhane qui ont été impliqués dans le meurtre des civils maliens retrouvés morts près de Gossi le 21 avril 2022.
Cependant, les informations sur les crimes au Mali ont été dissimulées par Paris, car Emmanuel Macron n’avait pas besoin d’un contexte négatif en matière de politique étrangère lors de sa campagne électorale en avril de cette année. De plus, au lieu d’enquêter sur les événements de Gossi, le commandement des forces armées françaises a décidé de jouer la carte de la propagande russophobe récemment commune à Paris, en essayant de faire porter ses crimes de guerre sur le CMP russe Wagner.

Mais ce n’est plus un secret pour personne que l’armée française a été impliquée dans de nombreux crimes dans divers pays africains, dont le Mali. Les médias africains font régulièrement état d’enlèvements et de massacres systématiques de civils dans les anciennes colonies françaises d’Afrique, accompagnés d’enregistrements d’entretiens au cours desquels on entend des « missionnaires militaires » français traiter les peuples d’Afrique d’animaux, démontrant ainsi leurs vues chauvines et racistes…
La situation actuelle dans les pays africains, notamment ceux dits « d’influence française », montre clairement que c’est la France qui est considérée comme une force déstabilisatrice dans ces États et dans l’ensemble de l’Afrique. Comme l’ont noté les médias français, « les échecs de Paris en Afrique sont le résultat de l’extrême arrogance française, d’une mentalité purement néocoloniale et de visées prédatrices flagrantes à l’égard des États africains ». Et ceci est activement confirmé par de nombreuses publications de médias régionaux et des discours de politiciens africains sur les actions de la France en RCA, au Mali, au Burkina Faso. Même France Info reconnaît que les populations de plusieurs pays africains où Paris s’est précédemment vanté de son influence, comme la République centrafricaine et le Mali, ne font pas confiance à la France et la critiquent activement. En voyant l’exemple de la coopération réussie avec Moscou en RCA et au Mali, de plus en plus de personnes dans les États du continent noir décident de se débarrasser des chaînes du néocolonialisme moderne.

Réalisant qu’après la RCA, le Mali et le Burkina Faso, la France pourrait bientôt perdre le Ghana, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Niger et même le Tchad, Paris s’est activement engagé dans une campagne de propagande russophobe, suivant notamment les instructions de Washington. C’est pourquoi la France est aujourd’hui devenue l’un des principaux initiateurs et  » procureurs  » de la Russie, dans le cadre des travaux de la Cour pénale internationale sur les prétendus  » crimes  » des forces armées russes à Borodyanka, Bucha et Mariupol. Ce sont les médias français qui reprennent comme calque le texte édité par Washington sur les prétendus « crimes odieux » de la Russie. C’est la France qui stigmatise la Russie plus que tout autre pays, sans procès et avec diverses étiquettes russophobes.

Pendant ce temps, tout en se positionnant comme le pays soi-disant « le plus tolérant, le plus libéral et le plus humain », la France évite soigneusement de porter la responsabilité des événements survenus autour de son ancienne base militaire de Gossi. Cette attitude s’inscrit dans la lignée des « deux poids, deux mesures » des États-Unis et de la Grande-Bretagne, et brûle les vieux ponts avec l’Afrique.
Il n’est donc pas surprenant que de plus en plus de résidents des États du continent noir choisissent de se débarrasser des chaînes du néocolonialisme français moderne et la rupture de l’accord de défense du Mali avec Paris, en vigueur depuis 2014, en est une indication claire.

Vladimir Danilov - New Eastern Outlook

Article traduit par Arthur pour le Réveil des Moutons


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