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« Le gouvernement a inventé un état d’urgence sans urgence »

Auteur : Thomas Arrighi | Editeur : Walt | Vendredi, 29 Oct. 2021 - 17h12

Le projet de loi de « vigilance sanitaire » est entre les mains du Sénat. Précaution nécessaire contre une éventuelle reprise épidémique ou nouveau coup dur porté aux libertés individuelles? Éléments de réponse avec Mathieu Slama. 

« L’exception est devenue la norme et la démocratie l’exception. » Mathieu Slama résume à « gros traits » la situation politique en France au moment des discussions autour du projet de loi « vigilance sanitaire ».

Un texte aujourd’hui étudié par la chambre haute du Parlement après son adoption en première lecture par l’Assemblée nationale. Il prévoit, entre autre, le prolongement du pass sanitaire jusqu’à cet été. Les opposants à ce dispositif dénoncent la menace qu’il fait peser sur les libertés individuelles.

L’analyste politique déplore que les situations d’urgence suspendent désormais l’exercice démocratique du pouvoir. « Nous considérons aujourd’hui que, en temps de crise, la démocratie n’est pas suffisante, voire, pire, qu’elle est un obstacle. » La docilité et l’obéissance des citoyens inquiètent également notre interlocuteur.

À l’exemple des précédentes mesures sanitaires « attentatoires aux libertés », ce projet de loi illustre une dérive dans la pratique du pouvoir en France, résume donc Mathieu Slama.

Avec une épidémie au plus bas et un taux de vaccination de plus de 75 %, le gouvernement justifie ce texte par la volonté d’anticiper la possible résurgence de l’épidémie de Covid-19. Pour notre interlocuteur, c’est bien là que le bât blesse : en glissant d’une argumentation fondée sur une urgence réelle à une urgence hypothétique, « le gouvernement a inventé l’état d’urgence sans urgence ».

***

Le Sénat a adopté une version profondément modifiée du projet de loi « vigilance sanitaire ». Néanmoins, les amendements visant sa suppression pure et simple ont été rejetés.

La Chambre haute du Parlement a ramené du 31 juillet au 28 février la prolongation des mesures de freinage contre l’épidémie de Covid-19.

Issu d’une alliance entre LR et PS, l’article 1 permettrait à l’ensemble des départements de Métropole de ne plus avoir recours au passe sanitaire à la mi-novembre.

Les sénateurs ont également confirmé leur position en rejetant l’accès au Statut vaccinal des élèves et en supprimant le passe sanitaire pour les moins de 18 ans pour les activités sportives.

1.Les amendements visant à la suppression du passe sanitaire rejetés

Le projet de loi portant « diverses dispositions de vigilance sanitaire », très largement remanié par les sénateurs, a été voté en première lecture par 158 voix pour (la majorité des groupes LR et centriste) et 106 contre.

Les socialistes se sont abstenus. Ont voté contre, outre les groupes RDPI à majorité En Marche, CRCE à majorité communiste et écologiste, 21 sénateurs LR, 11 centristes et la majorité des groupes RDSE à majorité radicale et Indépendants.

Le président du groupe Indépendants, Claude Malhuret a soutenu cette position, affirmant qu’il « n’est pas un outil de contrainte, mais de liberté ». Sur les bancs de la droite, plusieurs voix se sont exprimées comme celle d’André Reichardt ou Alain Houpert pour s’opposer au texte même remanié par le Sénat.

Sans succès, le groupe communiste et le sénateur RN, Stéphane Ravier ont déposé des amendements de suppression du passe sanitaire dès le 15 novembre, date de la fin de sa mise en application sans nouveau texte. Également fervent opposant au passe, le sénateur centriste, Loïc Hervé s’est alarmé de « l’accoutumance des Français d’accepter ce contrôle social sur la base d’éléments sanitaires ».

2.Clause de revoyure au 28 février

Sous la houlette du rapporteur, le sénateur LR Philippe Bas, les sénateurs ont fixé au 28 février la prorogation du passe en refusant catégoriquement de donner « un blanc-seing » au gouvernement jusqu’en juillet 2022. « Trois mois et demi ça va, huit mois et demi c’est trop », a fait valoir le rapporteur.

Les sénateurs ont ainsi ramené l’échéance du passe du 31 juillet au 28 février, date de suspension prévue des travaux parlementaires avant les échéances électorales.

A charge au gouvernement de revenir devant le Parlement pour poursuivre au-delà, si la situation sanitaire l’exigeait. La centriste Nathalie Goulet a jugé la date du 28 février « raisonnable », refusant de « jouer à la roulette russe » en donnant « les pleins pouvoirs » à un nouveau président non encore élu.

3.Compromis entre LR et PS pour un passe territorialisé

Les groupes LR et PS ont adopté un amendement porté par Marie-Pierre de La Gontrie (PS), complété par Jérôme Bascher (LR).

En séance publique, le groupe socialiste a présenté un amendement visant à porter le critère nécessaire à l’application du passe sanitaire de 75 % de la vaccination à 80 % de la population éligible à la vaccination.

Les Républicains, eux, souhaitaient conserver le critère du taux d’incidence et le sénateur LR, Jérôme Bascher a, donc, sous-amendé la version des socialistes en ajoutant le critère du taux d’incidence élevé à ce nouveau taux de 80 % de la population éligible à la vaccination.

Le « compromis » ainsi obtenu, mais auquel ne souscrit pas le gouvernement, vise à territorialiser le recours au pass sanitaire à partir du 15 novembre.

Il serait limité aux départements n’ayant pas atteint un taux de vaccination de 80 % de la population éligible et dans lesquels une circulation active du virus est constatée.

Ce taux de 80 % sera atteint le 15 novembre dans l’ensemble des départements de métropole, selon Marie-Pierre de La Gontrie.

L’imposition du passe sanitaire resterait néanmoins possible pour accéder aux établissements accueillant des personnes vulnérables dans l’ensemble des départements.

4.Le Sénat supprime son application pour la pratique sportive des mineurs

C’est la sénatrice LR, Sylviane Noël qui a défendu son amendement dans l’hémicycle. Il vise à permettre aux mineurs de continuer à pratiquer une activité physique et sportive au sein d’une association sportive ou d’un club, sans avoir à présenter de passe sanitaire ».

« Il est incompréhensible que les adolescents puissent pratiquer une activité physique et sportive au collège ou au lycée, en EPS, ou bien lors de leurs activités réalisées avec l’UNSS (association sportive scolaire), et que les mêmes pratiques dans le cadre associatif, souvent dans les mêmes lieux, leur soient interdites s’ils ne présentent pas de passe sanitaire », a-t-elle fait valoir.

« Les retours concernant les inscriptions dans les associations sportives en ce début d’année montrent que les mineurs de 12 à 18 ans se sont éloignés de la pratique, quand le retour en club des moins de 12 ans est extrêmement dynamique », a-t-elle ajouté. 

5.Secret médical des élèves préservé

Invoquant le secret médical, les sénateurs ont encore supprimé la disposition controversée permettant aux directeurs d’établissement scolaire de connaître le statut vaccinal des élèves.

« Vous nous proposez de faire une entorse grave au secret médical », a dénoncé la sénatrice communiste, Céline Brulin.

Cette disposition visait à autoriser les chefs d’établissement d’avoir accès au statut vaccinal et virologique des élèves.

« Indispensable pour assurer le suivi de l’épidémie et limiter les fermetures de classes », a justifié, sans convaincre, Brigitte Bourguignon, Ministre déléguée auprès du ministre des Solidarités et de la Santé, chargée de l’Autonomie.

Les députés et sénateurs vont devoir s’accorder la semaine prochaine sur une version commune en commission mixte paritaire.

En cas d’échec de la commission mixte paritaire, l’Assemblée nationale aura le dernier mot.

De son côté, le gouvernement a rappelé sa détermination à maintenir la possibilité de prolongation du pass sanitaire jusqu’en juillet 2022.

Source: JULIEN G. – Le Courrier des Stratèges


- Source : Sputnik (Russie)

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