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En 2020, la France a dépensé autant en masques chinois qu'elle a investi dans la santé sur cinq ans

Auteur : Jade Grandin de l'Eprevier | Editeur : Walt | Samedi, 06 Févr. 2021 - 14h03

La France a dépensé autant à l’étranger en achats de masques en un an que sur son territoire pour investir dans la santé sur cinq ans. Mais les industriels français s’attaquent au marché.

La France a importé 10,3 milliards d’euros de produits liés à la crise sanitaire en 2020, en hausse de 7,2 milliards d’euros par rapport à 2019. Il s’agit en majorité de masques (pour 127 000 tonnes) et de réactifs pour les tests, tous deux achetés en Chine.

Ils ne coûtent que quelques dizaines de centimes l’unité, mais mis bout à bout, ça fait beaucoup. L’année dernière, la France a dépensé 10,3 milliards d’euros en produits liés à la lutte contre la Covid-19, trois fois plus qu’en temps normal, a indiqué vendredi le ministre du commerce extérieur Franck Riester.

Dans le détail : 5,9 milliards d’euros (soit 57 % du montant total) ont été dévolus à l’achat de masques (chirurgicaux, FFP2 ou FFP3, et textiles), dont 84 % ont été importés de Chine. Cela représente 126 702 tonnes de masques. Ils expliquent les trois quarts de la hausse de nos importations de produits liés à la lutte contre la pandémie. Pour comparaison, le gouvernement va investir autant (6 milliards d’euros) ces cinq prochaines années sur l’Hexagone pour rénover et construire des hôpitaux et moderniser les outils numériques dans la santé.

Le deuxième poste de dépenses d’importations correspond aux réactifs utilisés pour les tests, pour lesquels nous avons dépensé 1,6 milliard d’euros. Là aussi, ils viennent surtout de Chine. D’ailleurs, notre solde commercial avec la Chine s’est dégradé de 6,6 milliards d’euros à -38,3 milliards d’euros en 2020, dont 5,3 milliards d’euros d’importations de biens Covid.

Le reste des importations liées à la Covid-19 est constitué de solutions alcooliques et désinfectants, de respirateurs et appareils d’oxygénation, de blouses chirurgicales et autres équipements de protection à usage unique, de draps…

Faible valeur ajoutée. A première vue, ce n’est pas très intéressant pour la France de produire des masques chirurgicaux, puisque leur valeur ajoutée est extrêmement faible et que les capacités de production de nos usines peuvent être mieux mises à profit sur des biens plus complexes et innovants.

Mais 6 milliards d’euros dépensés à l’étranger pour des masques en papier poussent à douter. Tant pour des raisons économiques – cela fait beaucoup d’argent investi ailleurs que sur le territoire ; qu’écologiques – faire venir un masque en papier depuis l’autre bout de la planète pour le jeter au bout de quelques heures est une aberration environnementale ; qu’en matière de souveraineté et de sécurité des approvisionnements – au printemps dernier, la pénurie mondiale nous a privés de masques en quantité suffisante et nous avons dû en acheter au prix fort. Sur le seul mois de mai, on a importé pour 1,8 milliard d’euros de masques.

C’est ce troisième argument qui parle au gouvernement. « Notre priorité c’est l’indépendance vis-à-vis de nos fournisseurs et la diversification de nos approvisionnements, pour constituer des stocks stratégiques », indique Franck Riester.

En août dernier, le rythme d’importations de masques était tel qu’on craignait d’en importer pour 12 milliards d’euros chaque année.

Il faut signaler à ce titre une évolution très positive au cours des derniers mois. En août dernier, le rythme d’importations de masques était tel qu’on craignait d’en importer pour 12 milliards d’euros chaque année, comme l’avait signalé l’Opinion. Depuis, les importations ont considérablement baissé pour arriver à 102 millions d’euros de masques importés en décembre 2020. Parallèlement, nos capacités de production nationales, ont été multipliées par trente, passant de 3 millions de masques (chirurgicaux et FFP2) par semaine avant la crise, à 100 millions par semaine depuis janvier.

Convertis. Quatre acteurs historiques en produisaient auparavant, ils ont été rejoints par une quinzaine de convertis, comme le sous-traitant automobile Savoy International en Haute-Savoie, le fabricant de couches BB Distribe dans les Vosges, ou encore le groupe PSA. En revanche, seuls cinq d’entre eux fabriquent aussi le « melt blown », la matière filtrante qui se trouve dans les masques et qui est aujourd’hui encore importée majoritairement de Chine. Le gouvernement encourage désormais la production de cette matière première pour ne pas être trop dépendant de son cours mondial.

Tout l’enjeu est de savoir jusqu’où développer nos capacités de production dans cette filière des masques. « Il faut calibrer nos capacités de production pour ne pas avoir d’excédents », souligne Franck Riester. « Certes, la demande est forte mais on espère tous que la crise sanitaire ne s’étendra pas drop longtemps, explique-t-on au cabinet d’Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée à l’Industrie. D’un autre côté, il y a sans doute un marché du masque qui sera plus important qu’avant, avec les bonnes pratiques sanitaires prises et des habitudes de port du masque comme en Asie… ».

Sur les mille entreprises du textile qui s’étaient mises à fabriquer des masques en tissu l’année dernière, « seule une sur dix continue à en faire en quantité significative ».

Masques en tissu. Le marché est en tout cas assez attractif pour que le groupe E. Leclerc s’y lance. Jeudi, son PDG Michel-Edouard Leclerc a annoncé vouloir vendre sous sa marque distributeur (« Marque repère ») « des masques faussement appelés chirurgicaux aux mêmes prix que les masques qui viennent de Chine », c’est-à-dire « moins de 4 euros sur des paquets de 50 masques ». Il les fera fabriquer par l’entreprise Lemoine, à Flers (Orne). Intermarché produit déjà 25 millions de masques chirurgicaux et FFP2 par mois mais importe le « melt blown ».

Las, les masques en textile, qui eux étaient français dès le départ, n’ont pas la cote. Sur les mille entreprises du textile qui s’étaient mises à en fabriquer l’année dernière, « seule une sur dix continue à en faire en quantité significative », faute de marché, estime Yves Dubief, président de l’Union des industries textiles (UIT), qui a mené en 2020 une mission ministérielle sur le stock de masques en tissu. Fin 2020, l’Etat et les régions ont passé des commandes aux entreprises textiles pour leurs propres consommations de masques. Mais les récentes polémiques sur les masques en tissu maison peu efficaces n’aideront pas à redorer leur blason dans le cœur des Français.


- Source : L'Opinion

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