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L’illustration du nombrilisme européen : Allons-nous vers l’explosion ?

Auteur : Mohamed Ghermaoui | Editeur : Walt | Lundi, 30 Mars 2020 - 10h02

Un tsunami sans précédent

Le coronavirus nous a plaqués contre le mur. Il nous a mis face à une réalité sans ombrage. Certes, cette vague qui a déferlé dans le monde entier a laissé des mauvaises empreintes et ça continue jusqu’à cette date à ravager notre globe. Mais en contrepartie, elle a levé les voiles sur de nombreuses réalités.

La fébrilité des choix : situation délirante en Europe

Aujourd’hui, il semblerait que la plupart des pays asiatiques, dont la Chine et la Corée du sud ont pu surmonter cette crise et ils s’en sont sortis humblement. D’autant plus que les stratégies engagées par ces pays semblent être très différenciées. Si on jette un coup d’œil sur les expériences de ces deux pays, on constate qu’ils n’ont pas procédé de la même façon. Mais les deux stratégies ont été emportées par le pragmatisme, l’efficacité et la détermination. L’intelligence des pouvoirs publics y était pour beaucoup pour aplanir les difficultés et pallier les insuffisances. Nous ne sommes pas là pour incriminer qui que ce soit, mais il s’avère que cette crise ait été très mal gérée par nos voisins européens.

De par la volatilité, la fragilité et la maladresse des mesures engagées, et leur déroulement chronologique, la gestion européenne de cette crise a révélé un élément très délirant. En effet, elle a élucidé essentiellement l’ancrage occulté depuis longtemps du nationalisme dans les esprits des responsables européens. Mieux encore, elle a démontré l’insouciance, la négligence et le retrait face à l’autre lorsque ce dernier fonce dans le désarroi. L’exemple de l’Italie est le plus probant.

La coordination entre pays européens était le dernier de leur souci pour faire face à ce fléau. L’Italie a été le premier pays touché sévèrement dans le continent européen. Les débats, les analyses et les déclarations, même des responsables de certains pays européens étaient odieux et quelquefois même insolents. A titre d’exemple, on faisait entendre dans les milieux officiels que la faute majeure des Italiens c’est qu’ils ont fermé les frontières, ce qui permet et favorisent les infiltrations de part et d’autre et donc l’impossibilité de contrôles systématiques et que l’Italie dispose d’un système sanitaire déplorable et archaïque etc. Les réponses des officiels européens aux appels d’aides des Italiens étaient imprégnées de beaucoup de mépris et de dédain.

Le revirement sans cesse des responsables européens, sans doute mis à rudes épreuves, a été la tasse de thé engorgé à chaque moment par les citoyens européens. Au point où ces revirements ont mené tout le monde à relever énormément de contradictions et même des dépassements. Les exemples foisonnent. Le plus patent est sans doute celui qui a choqué le plus grand nombre, c’est la quasi-carence des masques de protection, au point qu’ils ont fait défaut au personnel de la ligne de front : le personnel soignant.

Hormis peut-être l’Allemagne, cette crise a révélé aussi les mauvais choix stratégiques dans les différents pays européens et particulièrement dans le domaine social. Ceci a été constaté à plusieurs paliers.

Primo, l’infrastructure sanitaire a fait défaut pour faire face au rush, sans cesse grandissant, des patients et particulièrement les salles de réanimation et les lits à respiration artificielle. La tendance exponentielle des patients malades surtout dans la troisième étape (période des clusters) a été dramatique  au point où la plupart des hôpitaux étaient  submergés et très rapidement débordés. Ce qui a d’ailleurs incité les responsables sanitaires à prendre des décisions immorales voire même inhumaines sur la priorisation de l’hospitalisation des patients et ainsi, le délaissement d’un nombre assez important de patients selon des critères qui resteront ancrés dans la mémoire collective car il est indigne de condamner des vies sous n’importe quel prétexte. Le problème, c’est que la tendance à la hausse de la courbe d’une façon exponentielle a demeuré longtemps, malgré tous les dispositifs pris pour son lissage. Et là aussi, on a constaté aucune coordination entre les pays européens. Au contraire, c’est le chacun pour soi qui l’a emporté haut la main.

Secundo, le problème de la gestion des stocks des masques de protection. L’insuffisance de ces masques a provoqué beaucoup de polémiques et a même suscité beaucoup de mensonges. Chaque jour, le citoyen européen assistait à une pièce théâtrale tragique qui consistait à conjurer les gens de patienter sous le subterfuge que les commandes sont engagées et que l’arrivée de millions de masques de protection est imminente. Et là aussi, on a constaté qu’aucun pays n’a fait un geste de soutien ou d’entraide pour ses voisins proches.

Tertio, aucun des pays européens, voire même les États-Unis, la grande puissance du monde, n’a pu prévenir ce qui les attendait. On a assisté ainsi à une sous-estimation criante de cette vague qui s’apprêtait à déferler dans le monde entier. L’anticipation du phénomène a été dérisoire et négligente. L’abstinence de cette anticipation a aggravé la situation à plusieurs égards. 1. La négligence de la spécificité de la société occidentale, dans le sens où c’est une population vieillissante et quasi obèse, a alourdi le bilan des souffrants de ce fléau. 2. La création d’un environnement tendu et acerbe entre les sociétés et les classes politiques. 3. Les prises de décision volatiles et souvent contradictoires.  4. L’insuffisance d’outillage nécessaire pour faire face à cette avalanche (masques de protection, lits à respiration artificielle, salles de réanimation, personnel sanitaire), etc.

La Chine a été le berceau de l’épidémie. La Chine a montré une maturité de gestion d’excellence pour transcender cette crise. La Chine a même envoyé ses experts en la matière (épidémiologues, vaccinologues, infectiologues, réanimateurs, bactériologues) à l’Italie. La Russie et Cuba ont fait de même. L’Europe balbutie, tremble et a démontré un égoïsme nationaliste sans précèdent. Ce qui a emmené les responsables italiens à retirer le drapeau européen et à le remplacer par celui de la Chine. L’Europe s’abime, la Chine s’impose. Patrick Martin Grenier titrait déjà son dernier livre : « l’Europe a-t-elle un avenir ? »

Le cas de la France

Jusqu’à un passé récent, l’histoire demeure émaillée par des réalités de cloisonnement et de fermeture plutôt que d’ouverture et de solidarité. Le coronavirus est là pour nous rappeler sans aucune ambiguïté cette lapalissade. En dépit des déclarations et des affirmations officielles, sans cesse tenues par les responsables politiques européens sur l’unité et la robustesse de l’Europe, la gestion de la crise du coronavirus a démenti viscéralement ces assertions et a plutôt corroboré le contraire : l’égocentrisme et l’égoïsme des états membres de l’Europe. Le spectre du nationalisme a prévalu le long de cette période.

Essayons maintenant de revivre en différé quelques séquences déroulées en France à titre d’illustration. La France n’a vu venir la vague que douze jours après l’Italie. Nous n’avons nullement l’intention d’enfoncer le clou plus qu’il le faut, mais les débats et les prises de décisions qui ont prévalues n’honore pas du tout l’adhésion à l’Union Européenne. Pire encore, ils n’honorent même pas la responsabilité et la sérénité des responsables politiques vis-à-vis des leurs citoyens. La légèreté et l’incohésion étaient les maitres mots de la situation. Quelques séquences pour illustration. Le confinement et la fermeture des frontières, après avoir défendu le contraire, ont été installé tardivement. Le maintien du premier tour des élections municipales juste après avoir instauré le confinement. L’exhortation in cessante des entreprises à continuer à « tourner » malgré l’ascendant des pertes de vie. En fait, il est sans doute difficile de réparer notre toit quand on est en pleine tempête ravageuse et impitoyable.

Il n’est pas sans intérêt de rappeler à cet égard, la position incompréhensible de certains pays européens tels que les Pays Bas et la Grande-Bretagne. Ce choix, appelé la « stratégie de l’immunité collective », qui consistait à « laisser faire » et « laisser passer » en attendant que la pandémie passe. La question c’est à quel prix. Nous sentons ici un certain souffle de Darwinisme.

Vers quelle perspective

En fait, ce coronavirus est une arme à double tranchant. Il est en même temps dictateur et révolutionnaire. Dictateur parce qu’il nous a imposé énormément de directives à prendre (confinement, respect des règles de distanciation sociale, port des masques de protection, etc.). Révolutionnaire parce qu’il a déclenché un processus de débat progressiste qui a sévi dans toutes les sociétés et qui va sans doute changer nos mentalités et nos habitudes. Notre système cognitif et conatif sera sûrement secoué et ne sera certainement plus le même. Edgar Morin disait :  » Le confinement peut nous aider à commencer une détoxication de notre mode de vie ». Dans le même contexte, d’autres évoquent l’économie positive, la renationalisation des secteurs stratégiques, le regain de la proximité des chaines de production, l’urgence à lancer la transition écologique, l’altruisme intéressé, etc.

Face à ce positivisme espéré, nous relevons malheureusement quelques faits décourageants. Focalisons notre attention seulement sur deux constatations. La première est que la pandémie que traverse le monde n’est pas isolée dans l’histoire humaine. Au contraire, nous sommes passés par plusieurs épisodes de ce type. Et pourtant, il semble que la mémoire humaine est très courte et oublie vite. La deuxième constatation émane des déclarations affreuses et diaboliques du président des États-Unis juste après le départ de la propagation du virus dans la population américaine. Sa préférence et son choix porté sur l’intérêt économique au dépend des vies humaines est lamentable et ignoble.

Certes, ce que traverse le monde actuellement est un écheveau très difficile à démêler, mais nous demeurons toujours et à jamais des rêveurs d’un avenir meilleur, un avenir où la valeur de l’être humain sera la clé de voûte de la prospérité et du développement. Nous prenons rendez-vous dans quelques mois pour voir ce qu’il en est.


- Source : RI

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