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Vendredi, 26 Avr. 2024

La stratégie du chaos, vue par Emmanuel Macron

Auteur : Jean Goychman | Editeur : Walt | Samedi, 28 Mars 2020 - 07h28

Le discours de Emmanuel Macron a surpris beaucoup de gens, tant ses propos apparaissaient décalés par rapport à ceux qu’il tenait habituellement. Fini, le monde merveilleux de la globalisation heureuse. Finie la grande entente universelle à la surface de la planète. Non sans un certain cynisme, il nous expliquait qu’avoir confié à d’autres pays le soin de fabriquer nos propres médicaments s’apparentait à une sorte de « folie ».

 

Vers la réindustrialisation?

Maintenant, il fallait rejouer la carte du « patriotisme économique » et revenir à notre indépendance industrielle. On pouvait penser qu’une sorte de révélation était apparue dans l’esprit de notre président, reconnaissant ainsi implicitement qu’il avait, du moins jusqu’à présent, fait fausse route.

Alors que depuis le début de son quinquennat, il s’était toujours trouvé à la pointe de l’euro-mondialisme, prônant les bienfaits du « multilatéralisme » et fustigeant l’archaïsme des partisans des accord « bilatéraux », il se faisait aujourd’hui le chantre de la défense des intérêts nationaux.

Avouez qu’il y a de quoi être surpris !

Entendre Emmanuel Macron nous parler du redéploiement industriel de notre pays, c’est un peu comme si de Gaulle, en son temps, avait milité pour une Europe supranationale…

Et qui va payer ?

Dans un article récent, je m’étais étonné que le Président, dans son discours du 12 mars, ne présente pas le financement des actions qu’il allait faire mener par le gouvernement pour lutter contre l’épidémie du coronavirus. L’arrêt d’une part importante de notre économie risquait pourtant de nous coûter cher, très cher même. Même si la ligne de la rigueur budgétaire, présentée comme une sorte « d ‘alpha et d’oméga » de la  politique qu’il entendait suivre avait déjà quelque peu été mise à mal par les concessions faites aux « gilets jaunes », le discours prononcé a surpris beaucoup de ses auditeurs. Cela dit, on pouvait comprendre qu’en période de crise, l’heure n’est plus à la tergiversation. La maison risque de brûler, ne regardons ni aux moyens , ni à la facture. C’est un peu comme la guerre. On fait tout pour la gagner, peu importe la dépense.

Comme par hasard, Emmanuel Macron nous dit alors « nous sommes en guerre » et un peu plus loin, il nous annonce vouloir relancer l’économie « quel que soit le prix » Timidement, Bruno Lemaire, ministre de l’Économie, avait, dès le lendemain, bien avancé quelques chiffres, probablement très en dessous de la réalité, mais s’était prudemment bien gardé de parler du financement.

Les choses commencent à s’éclairer

Lors de la réunion du 25 mars, alors qu’elle était restée à l’écart des récents propos du président, l’Union Européenne y refait son apparition. L’affaire commence par les phrases alarmistes de Bruno Lemaire, lequel déclare sans ambage à la sortie du Conseil des Ministres que « Le chacun pour soi entrainera la disparition de la zone euro » indiquant ainsi que le sujet avait été abordé.

Il faut dire que la mine peu réjouie des participants lors de leur sortie s’expliquait par l’échec constaté des « corona bonds ».

Que sont donc ces fameux corona bonds ?

Vus de loin, il s’agit de simples « bons du trésor » comme il en est émis chaque jour en contrepartie des emprunts effectués auprès des « marchés financiers » pour financer les dépenses publiques. Une petite particularité néanmoins, ces titres de dette devraient être garantis au niveau européen et non plus uniquement au niveau du pays emprunteur. Ils s’appellent coronabonds pour faire passer la pilule aux pays qui ne tiennent pas du tout, Allemagne en tête, à devoir garantir les dettes des autres pays, sachant qu’eux seul, en cas de problème, seraient solvables. Même si la situation est exceptionnelle, il en faudra plus que ça pour leur forcer la main. Ils trouvent probablement la ficelle un peu grosse et, ayant poliment mais fermement refusé les « eurobonds », ils ne veulent pas qu’on leur impose aujourd’hui, fut-ce au motif d’une grave crise de santé, ce dont ils ne voulaient pas hier.

Emmanuel Macron n’a pas dit son dernier mot

Ne pouvant passer en force, notre président a plutôt choisi une stratégie de contournement. Il compte bien sur le Conseil Européen du 26 mars pour faire adopter la proposition sous une autre forme. Il veut demander officiellement à ce Conseil de définir une stratégie de sortie de la crise sanitaire provoquée par l’épidémie du coronavirus.

Bien que non officiellement inscrit à l’ordre du jour, ce sujet a néanmoins, compte tenu de « l’air du temps », toutes les chances d’être évoqué. Il ne s’agirait plus de « mutualiser les emprunts » mais simplement d’apporter une garantie au niveau de certains emprunts de façon à diminuer leur taux d’intérêt, comte-tenu de cette garantie. Cette garantie pourrait être apportée par le MES (Mécanisme Européen de Stabilité) notamment à l’Italie et porterait sur une somme modique (2% de son PIB)

Même si cette garantie n’est pas au niveau de la zone euro, il y a cependant comme « un vague cousinage » qui n’échappe à personne.

La stratégie de Emmanuel Macron apparaît clairement

Même si on pouvait avoir quelques doutes, les choses se clarifient. Emmanuel Macron entend faire beaucoup de communication autour de cette crise pour forcer la main à ses partenaires européens de façon à les entraîner vers davantage d’intégration à tous les niveaux. Il sait très bien que l’endettement, déjà très important, de notre pays, risque de faire un bond gigantesque. Cela risque d’entraîner au niveau des marchés financiers une perte de confiance envers notre solvabilité. Les taux d’intérêts risquent alors de grimper rapidement, et se traduire par  une nouvelle crise de l’euro, avec cette fois-ci, non plus la Grèce, mais l’Italie et la France. Cette stratégie du chaos va-t -elle payer ?

Nous le saurons bientôt.


- Source : Minurne

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