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Liban: pas touche à l’Axe de la Résistance

Auteur : Elijah J. Magnier | Editeur : Walt | Lundi, 23 Mars 2020 - 06h53

Antoine Hayek, l’ancien geôlier du centre de détention et camp de concentration de Khiyam, que les Israéliens avaient établi au Liban, a été retrouvé mort dans son magasin à Miyu-Miyeh à l’est de Sidon, au sud du Liban, avec deux balles dans la tête. Rien n’indiquait qui était derrière l’assassinat. Sa mort est survenue peu de temps après la décision, par les autorités libanaises, de faire pression sur le président du tribunal militaire pour qu’il libère le collaborateur d’Israël Amer al-Fakhoury. Al-Fahkoury a été remis à l’ambassade des USA qui l’a sorti clandestinement du pays. Le message implicite était évident : si les autorités libanaises veulent s’occuper des anciens collaborateurs d’Israël de la sorte, d’autres collaborateurs d’Israël en paieront le prix. Les cibles sont nombreuses et vulnérables. Qui donc pourrait être derrière cet assassinat?

Antoine Hayek (58 ans) est né à l’est de Sidon et s’est joint à la police libanaise à l’âge de 20 ans. Il a pris sa retraite en ayant le grade d’adjudant-chef et a ouvert une petite épicerie dans la même région. Pendant l’occupation israélienne du Liban en 1982, il a suivi Amer al-Fakhoury et a travaillé sous son commandement au camp de détention de Khiyam. Hayek a été accusé d’avoir lancé une bombe à l’intérieur d’une cellule pendant le soulèvement des prisonniers du 25 novembre 1989, qui a tué deux membres de la résistance : Bilal al-Samman et Ibrahim Abou al-Iz. Hayek était également surnommé « Voltage 66 » pour son passe-temps qui consistait à torturer des prisonniers en appliquant une tension électrique de haut voltage sur des parties sensibles du corps. L’officier pro-israélien avait déjà interdit à la Croix-Rouge et à des ONG humanitaires de rendre visite aux prisonniers, qui n’ont jamais été jugés et qui étaient incarcérés pour avoir résisté à l’occupation israélienne du Liban. En 2001, soit un an après le retrait israélien du Liban, Hayek s’est rendu aux autorités libanaises. Il a été condamné à 10 ans de prison.

En 2006, le Hezbollah et le Courant patriotique libre ont signé  un protocole d’entente appelant les deux parties à faciliter le retour des Libanais ayant collaboré avec Israël (article 6). Pourquoi alors Hayek, un chrétien qui collaborait avec Israël, a-t-il été assassiné?

La libération d’Amer Fakhoury constituait une entorse majeure au protocole d’entente de 2006. Si ceux qui voulaient protéger les chrétiens ayant collaboré avec Israël avaient respecté l’entente, ils n’auraient pas poussé le commandant des forces armées Joseph Aoun à libérer Fakhoury. Aoun a fait tout en son pouvoir pour forcer le président du tribunal militaire, le général Hussein al-Abdallah, à obtenir la libération de Fakhoury. Abdallah est également à blâmer pour avoir succombé à la pression. Il aurait pu démissionner, mais il a choisi plutôt d’obtempérer aux souhaits du chef des forces armées en ordonnant la libération de Fakhoury. Le général Abdallah veut prendre sa retraite à l’étranger, ce qui le rendait vulnérable à la coercition exercée par l’ambassade des USA, qui menaçait d’ajouter son nom à la liste des terroristes que tiennent les USA.

Le général Abdallah, qui est chiite, s’est plié aux désirs de son commandant, même si le tribunal militaire jouit d’une immunité. Abdallah a été nommé par le président du parlement, Nabih Berri, qui est capable d’assurer sa protection.

L’armée libanaise craint de perdre l’aide militaire américaine. Mais en regardant de plus près le soutien des USA, il y a de quoi se demander pourquoi l’armée libanaise doit utiliser une carabine militaire M4  (un fusil de l’OTAN court et léger) plutôt que l’habituel fusil d’assaut M16, qui se compare à l’Ak-47 (Kalashnikov) dont sont remplis tous les entrepôts libanais. L’armée libanaise assure la garde de points de contrôle dans le pays et n’a pas besoin d’une grande variété d’armes légères. De plus, quand les USA ont offert une dizaine de missiles Hellfire pour aider l’armée libanaise à combattre al-Qaeda, l’attaché militaire des USA a imposé une règle selon laquelle aucun missile ne devrait être lancé sans que son bureau en ait été informé au préalable. L’officier militaire des USA a d’ailleurs refusé une demande de cibler et d’éliminer Abu Malik al-Tal, l’émir d’al-Qaeda à Arsal, parce qu’il combattait le Hezbollah. L’aide des USA semble privilégier davantage la destruction de la souveraineté libanaise que la défaite des djihadistes takfiris.

Ce n’est pas possible de bâtir une société résistante au Liban avec tant de politiciens proaméricains soumis à la volonté et à la domination des USA. Il est inacceptable qu’un responsable libanais ait pu permettre à l’ambassade des USA de violer une ordonnance judiciaire pour faire sortir illégalement Amer al-Fakhoury du pays.

Le soutien militaire des USA à l’armée est offert gratuitement, mais le prix à payer est beaucoup trop élevé. L’entraînement militaire offert par les USA aux officiers libanais est un cours prestigieux destiné à recruter des officiers et à leur offrir des avantages financiers. Il ne s’agit toutefois pas d’un entraînement qui leur servira à défendre leur pays. Le Liban n’est pas autorisé à se tenir debout face à Israël et ses officiers n’ont pas la capacité militaire requise pour s’opposer à l’armée israélienne. De toute façon, le Liban n’est pas autorisé à combattre Israël et son armée n’a pas le droit de recevoir des armes susceptibles de changer les règles du jeu et de représenter un danger pour les violations continuelles du territoire libanais que commet Israël par voie terrestre, aérienne et maritime.

Qu’ont fait les USA pour soutenir le Liban pour amener ses politiciens à se plier à leurs demandes? Les USA ont-ils offert de l’aide financière pendant la crise économique libanaise, ou encore de l’aide pour lutter contre le coronavirus? Tout ce que les USA font, c’est d’imposer encore plus de sanctions aux Libanais et de menacer d’ajouter plus de noms de Libanais à leur liste de terroristes. En ce qui concerne l’Axe de la Résistance, tous ses principaux dirigeants figurent dans cette liste et il est clair que l’administration américaine en place ne quittera pas le pouvoir sans en avoir ajouté d’autres, y compris bon nombre n’ayant aucun lien avec le Hezbollah. Dans ce contexte, pourquoi Joseph Aoun, le commandant des forces armées, satisfait-il aux fantaisies et aux caprices des USA?

Bien des Libanais ne sont pas loyaux envers le pays et nombreux sont les politiciens libanais contrôlés par des forces étrangères. Le Hezbollah pourrait avoir commis une grave erreur en ne capitalisant pas sur ses victoires contre Israël, Daech et al-Qaeda en Syrie et en Irak. Ces victoires auraient pu servir de catalyseur à un changement politique majeur qui aurait marginalisé bien des joueurs pro-USA au Liban.

L’Axe de la Résistance au Liban ne perçoit plus ses adversaires politiques comme des opposants, mais bien comme des ennemis. La constitution devrait être réécrite pour que chaque communauté soit représentée en fonction de son importance réelle. Sinon, il sera impossible de former une société de résistance et les USA continueront d’exercer leur domination sur de nombreux Libanais.

Traduction de l’anglais par Daniel G.


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