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Vendredi, 19 Avr. 2024

Retour vers le futur, les médias vus par le public en 1975

Auteur : Observatoire du journalisme | Editeur : Walt | Samedi, 14 Mars 2020 - 10h13

Ressortons les archives ! Que pensait-on du journaliste il y a 45 ans ? À l’occasion des derniers chiffres en date réalisés par l’institut Kantar pour le 33ème baromètre de confiance des médias de La Croix, un lecteur attentif (qui se reconnaîtra) nous a communiqué un article de 1975, quand le journaliste Pierre Vial du Nouvel Observateur commentait un sondage d’opinion de la Sofres (futur Kantar) sur les médias, commandé par l’hebdomadaire. L’âge d’or de la confiance ?

Six questions

Le sondage porte sur six questions, répondues oui, non ou sans opinion.

La première concerne l’incidence du journalisme sur l’information. À 52% le public estime que les journalistes relaient bien l’information et n’influent pas sur son importance, seuls 41% pensent l’inverse.

Deuxième question : Dans l’ensemble croyez-vous au sérieux des journalistes, c’est-à-dire pensez-vous qu’ils s’efforcent de connaître toute la vérité sur les choses dont ils parlent ?

Oui 64%        Non 29%        Ne sait pas 7%

Les trois questions suivantes portent le sceau de la croyance. Croyez-vous : qu’ils sont-ils 1- courageux pour découvrir la vérité ? 2 – honnêtes et croient vrai ce qu’ils disent ? 3 – indépendants vis à vis de l’argent et de la politique. Si à la première question sur le courage on répond oui à 73%, on les estime honnêtes à 53% et seuls 43% les pensent indépendants.

Dernière question : En définitive, faites-vous plutôt confiance ou plutôt pas confiance aux journalistes pour vous informer ?

Plutôt confiance 58%        Plutôt pas confiance 32%        Ne sait pas 10%

45 ans plus tard, Sic transit gloria journalisti

Depuis 1987, La Croix a pris la relève du Nouvel Obs. Derniers chiffres en date : c’est 40% de confiance pour la télévision, 46% pour la presse, 50% pour la radio. Toutefois ces chiffres traitent les instances et non le journalisme en tant que tel. Selon le 10e baromètre annuel de la confiance du Centre de recherches de la vie politique (CEVIPOF), c’est plus de trois-quart des sondés qui n’ont pas confiance dans les médias et les journalistes en particulier.

  • 1975 Confiance dans les journalistes 58%
  • 2020 Confiance dans les journalistes 23%

Le pourquoi du comment de cet effondrement

À la question : pourquoi cette évolution négative ? L’article du Nouvel Obs permet un grossissement historique. Les médias furent-ils plus déontologues jadis qu’on leur accordât plus de crédibilité ? Les frontières paraissaient plus franches : on savait qui faisait quoi. Libération à gauche, Le Figaro à droite. Ensuite, on trie le bon grain et l’ivraie et on forge son avis. Par ailleurs, il paraît normal qu’un démocrate-chrétien doutât de l’indépendance d’un journaliste de L’Humanité par exemple, et inversement. Au contraire, l’enquête du CEVIPOF et celle de La Croix font apparaître un manque de confiance global qui vient d’une homogénéisation des tendances représentées chez les journalistes tranchant avec la diversité apparente des années 1970. Homogénéité libérale libertaire qui s’accompagne d’une critique justifiée d’un « système médiatique, à la solde de milliardaires, proche des sphères politiques » qui paraît ne plus représenter grand-chose, sinon un « parisianisme », déjà souligné dans les années 1970. Preuve en est, le nombre grandissant de lecteurs/auditeurs/téléspectateurs qui vont s’informer sur internet, pour y chercher des contenus plus variés. Notamment chez les jeunes, à 75%.

L’article de Pierre Vial de 1975 et les questions du sondage, dans leur ton, connotent la volonté de protéger la profession. La sixième question demande, non pas « avez-vous confiance ? », mais « avez-vous plutôt confiance. » Outre un vocabulaire tenant plus de la foi que de la raison, ce plutôt ne signifie pas une franche adhésion, mais le journaliste la lit comme telle. Par ailleurs, pour qualifier la majorité relative rejetant l’indépendance du journaliste, les poncifs de l’époque ressortent, ce sont des « tics poujadistes » – aujourd’hui on dirait « tics populistes ». Au total Pierre Vial voit dans ces résultats « un vrai réconfort », une opinion performative que ses confrères ne peuvent plus guère reprendre.


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