www.zejournal.mobi
Vendredi, 19 Avr. 2024

Comment The-Donald liquide « l’Empire »

Auteur : Dedefensa | Editeur : Walt | Samedi, 22 Févr. 2020 - 12h07

Aujourd’hui, la principale arme antiSystème, – c’est-à-dire une « arme » capable, de l’intérieur du Système, de pousser le Système vers son autodestruction, – c’est l’humeur du président des États-Unis : narcissique, capricieuse, inconséquente, arbitraire, extrême et extrêmement réactive. Ce n’est ni une tactique ni une stratégie, ce n’est pas non plus un chemin tortueux ou un complot obscur ; c’est l’homme tel qu’il est, avec ses certitudes et son goût décisif pour l’action, si possible l’action décisive, tandis que son hybris bien réel s’est transmuté pour se confondre avec l’hybris de l’exceptionnalisme américaniste. Il nomme cela « The Art of the Deal », et sa signification est également invertie puisque le « Deal » obtenu est en fait un simulacre inverti de la chose et consiste à obtenir tout du partenaire sans lui céder rien… Trump est un Américain si complètement américaniste qu’il se confond avec les USA, leur histoire, leurs prétentions, leurs certitudes.

Dans certains domaines, les dégâts pourraient être considérables, dans la mesure où sa position, après quatre années de lutte épuisante contre la cabale démocrate et le « coup d’État permanent » d’un DeepState d’une prodigieuse sottise, se stabilise dans le sens d’une forte autorité (usurpée et sans légitimité certes, mais qu’importe puisque plus personne n’a plus la moindre légitimité à « D.C.-la-folle ») ; et encore, comme on le devine, tout cela devant devenir une capacité très forte s’il est réélu. Il ressort de ces constats de la situation washingtonienne et du pouvoir de l’américanisme que Trump prend de plus en plus souvent des dossiers en main par ses méthodes peu orthodoxes, – les tweets qui font figure de décrets impériaux, – et qu’il contraint littéralement les bureaucraties à se ranger sur sa ligne. Il n’y a à peu près que lui, parmi les dirigeants du bloc-BAO, qui soit capable d’appliquer sa méthode, à cause de sa plus profonde vertu opérationnelle correspondante à son défaut complet d’intelligence analytique et intuitive : son absence totale de conviction et de vision fait qu’il est capable d’aller dans n’importe quelle direction au gré de ses tripes et de ses humeurs, et que, par conséquent, personne, nulle bureaucratie ne peut se préparer à parer le coup qui pourrait le ou la frapper et tout le monde vit dans la hantise d’un coup qui le prendrait par surprise.

Les relations avec le Royaume Uni sont un exemple proche de la perfection de la dérive trumpiste sous la pression de l’humeur d’un homme, alors que ces relations devaient être étincelantes après que UK ait quitté l’UE et que Boris Johnson, qui semblait tant ressembler à Trump pour si bien s’entendre avec lui, est au pouvoir et a remporté des élections dans des conditions historiques. C’est le contraire qui se produit : une dégradation accélérée de ces « special relationships », comme jamais vu dans les décennies qui précèdent. Philip Giraldi, homme d’expérience venu de la CIA pour le commentaire et l’analyse dissidente, décrit cette dégradation, au travers de deux affaires dont la question du choix du réseau 5G Huawei par les Britanniques, – dont on sait qu’il fut l’objet d’une engueulade homérique entre Trump et Johnson, et surtout d’une engueulade de Johnson par Trump, au point où le PM britannique a annulé une visite à Washington qui était à son programme, – geste si inhabituel de la part d’un PM britannique invité à voir le POTUS, que c’en est presque révolutionnaire…

Mais Giraldi, lui, se concentre sur une autre affaire, plus discrète mais également très préoccupante. Il s’agit du sort d’une citoyenne américaine, responsable (elle roulait à droite, ce qui n’est guère britannique) d’un grave accident de la route en Angleterre : « La femme, Anne Sacoolas, roulait sur le mauvais côté[à droite], sur une route voisine de la base de la RAF de Croughton, dans le Northamptonshire, qui est spécialisée dans les installations d’écoute et de communication, lorsqu’elle a eu une collision frontale avec un motocycliste, Harry Dunn, qui fut tué sur le coup ».

Puis, la suite des événements :

  • Sacoolas fut entendue par la police britannique, puis relaxée sous la condition de se tenir à disposition des autorités pour des interrogatoires supplémentaires et d’éventuelles décisions ;
  • quand la police a voulu la recontacter, hop, plus de Anne Sacoolas (qui est officier de gouvernement) : l’ambassade US l’avait renvoyée (exfiltrée ?) aux USA, ainsi que son mari Jonathan et leurs trois enfants, sous le couvert de l’immunité diplomatique ;
  • les autorités UK ont demandé le retour de Anne Sacoolas pour interrogatoire, ce qui fut refusé directement par Pompeo sous un motif audacieux sinon extravagant (« Dans un langage plus simple, Pompeo déclarait qu’il ne reconnaîtrait en aucun cas que le meurtre d’un étranger[dans son pays] pourrait justifierait de juger[dans ce pays] un fonctionnaire du gouvernement US, même dans un pays d’Europe occidentale où l’accusé aurait des droits et serait traité équitablement. ») ;
  • d’autre part, il apparaît très probable que le couple Sacoolas fait partie du renseignement US (Anne étant d’un grade plus élevé que Jonathan), peut-être pour la NSA, et qu’ils étaient sans doute affectés secrètement à la base de Croughton.

Cette affaire aurait dû être réglée rapidement et discrètement par les deux grands amis-complices que sont USS et UK, mais il n’en fut rien. Sur consigne explicite de Trump, Pompeo reste inébranlable et refuse tout arrangement avec les Britanniques dans une affaire qui dure depuis août 2019 ; donc, une affaire qui précède l’affrontement concernant Huawei et qui montre l’entêtement furieux de Trump dès qu’une résistance aux pressions US apparaît, y compris venue de si braves, si compréhensifs et si serviables amis que sont les Britanniques.

Giraldi écrit  en conclusion :

« Avec l’affaire Sacoolsa qui continue de faire rage dans les relations [entre les deux pays], on pourrait penser que l’administration Trump songerait à parler aimablement à l’allié le plus proche de l’Amérique pour tenter de réparer une partie des dégâts. Il n’est est rien. Donald Trump n’est pas aimable et il est furieux contre Boris Johnson parce que le gouvernement britannique a passé un contrat avec le géant technologique chinois Huawei pour construire une partie du réseau de téléphonie cellulaire 5G de la prochaine génération en Grande-Bretagne. Selon le Financial Times, Trump a montré une fureur « apoplectique » à l’encontre de Boris Johnson lors d’un appel téléphonique tendu avant de raccrocher brutalement et abruptement. En conséquence, le Premier ministre britannique a annulé son prochain voyage à Washington.

Le président, affirmant que l’utilisation de la technologie chinoise est « très dangereuse » et constitue une « question de sécurité nationale », a menacé de conséquences graves la décision britannique, notamment des limitations du partage des renseignements dans le cadre du réseau Five Eyes ainsi qu’une moindre volonté de la part de Washington d’entamer des négociations commerciales bilatérales. Johnson, déconcerté par cette attaque verbale, a fait valoir qu’il n’y avait pas d’alternative commerciale à la technologie chinoise, en vain. Trump a également été irrité par l’adhésion continue de la Grande-Bretagne au Plan d’action global conjoint (JCPOA) destiné à surveiller le programme nucléaire iranien. Les responsables qui sont chargés de la gestion de la « relation spéciale » entre les États-Unis et la Grande-Bretagne estiment que le fossé entre les deux pays, alimenté uniquement par la hargne personnelle de Trump qui considère comme un affront personnel le fait que quelqu’un ne soit pas d’accord avec lui, est profond et ne cesse de se creuser. Si Trump est réélu, il est fort probable qu’en 2024, les États-Unis n’auront plus d’amis en Europe ».

… Il faut dire que Trump, ce n’est pas seulement America First ou America Great Again, c’est America and Nothing Else ou America Alone. Il défend ces conceptions de pur mercantilisme qui lui sont naturelles avec une fureur et un entêtement d’agioteur, comme lorsqu’il décrète le repli US en Syrie autour des puits de pétrole pour se payer d’on ne sait quoi sur les richesses naturelles du pays. Cet unilatéralisme mercantiliste, le plus inflexible de tous les unilatéralismes, utilise tous les autres domaines, – y compris la politique, la stratégie, la géostratégie, etc., – selon cette conception, sans aucune référence historique, sans la moindre influence laissée au passé sinon pour argumenter contre un adversaire. Pour Trump, les Britanniques sont des partenaires comme les autres, sinon que la fable-simulacre des special relationships peut lui permettre d’exiger sans ambages certains avantages unilatéraux. Les Britanniques, et Boris Johnson en tête, sont en train de s’apercevoir que la réciproque n’est pas vraie et qu’ils pourraient effectivement se trouver « officiellement » privés de certains des avantages d’appartenir au réseau d’espionnage et de communication de l’anglosphère, dit des Five Eyes (ou Echelon, dans une autre époque où certains des « alliés » s’offusquaient d’être l’objet d’un espionnage groupé des pays du suprémacisme de l’anglosaxonisme, – et non pas « suprémacisme de l’homme blanc » comme certains esprits enfiévrés et bornés par les salons parisiens le supposent).

(Sur ce dernier point bien intéressant, là aussi Trump apparaîtrait objectivement comme vertueux car il prendrait « officiellement » des mesures qui existent depuis toujours dans cette association. Dans le festival de simulacres des Anglo-Saxons entre eux que constituent leurs diverses associations, les USA ont toujours dissimulé, sans le dire et en assurant les autres du contraire en offrant un chewing-gum en prime, nombre de données électroniques et de communication dont ils disposaient. La vertu de Trump est bien de dire et de faire tout haut, le plus haut possible, ce que les USA ont toujours marmonné et arrangé tout bas.)

D’autre part, il apparaît de plus en plus possible que les principales analyses concernant l’évolution de UK après le Brexit devraient être révisées. L’idée principale était que les Britanniques allaient changer de « partenaire », de « tuteur » : de l’UE aux USA, et les relations avec les USA étant encore plus marquées par la soumission UK. Il semble que ce ne soit pas du tout l’orientation qui se dessine, et cela en bonne partie à cause de l’humeur de Trump. Les Britanniques vont être amenés à envisager d’autres options, – il n’en manque pas et eux-mêmes sont habitués à ce genre de « sport ».

Au bout du compte et d’une manière plus générale, le cas UK-USA nous montre à quel degré de fragilité sont parvenue la rationalité et l’intelligence des liens subsistant entre pays du bloc-BAO. Ces liens subsistent en raison de la glaciation totale des bureaucraties, des idéologies droitdel’hommistes et PC (politiquement-Correct), du refus de toute pensée innovante dans quelque domaine que ce soit, de l’extraordinaire immobilisme dans une ère où la communication instantanée semble empêcher tout mouvement sortant des sentiers archi-battus et piétinés. Mais il suffit qu’un iconoclaste-par-inadvertance, qui ne peut s’empêcher, par vanité et narcissisme, de dire les choses bien hautement, pour que des crispations s’opèrent et interfèrent soudain dans la situation de ces liens, montrant effectivement à ciel découvert cette fragilité.

On ignore encore ce qu’il peut ressortir en fait de vérité-de-situation de cette sorte de découverte, tant les résistances passives des mécanismes du Système sont fortes. Mais ces résistances sont également sans imagination et sans aucune souplesse. La seule certitude est qu’ainsi se met en route, ou bien se poursuit en accélérant une dynamique de plus dans le sens de la déstructuration-dissolution de l’ensemble des architectures  du Système.


- Source : Dedefensa

Cela peut vous intéresser

Commentaires

Envoyer votre commentaire avec :



Fermé

Recherche
Vous aimez notre site ?
(230 K)
Derniers Articles
Articles les plus lus
Loading...
Loading...
Loading...