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Vendredi, 29 Mars 2024

Plus que jamais, Netanyahou instrumentalise l’Holocauste pour déshumaniser les Palestiniens

Auteur : Hagai El-Ad | Editeur : Walt | Dimanche, 26 Janv. 2020 - 07h39

Benjamin Netanyahou n’a pas inventé l’idée de tirer parti de l’Holocauste à des fins politiques. Pourtant, comme tant d’autres choses dans la politique israélienne actuelle, il exploite même cette pratique vile plus outrageusement que quiconque avant lui.

Selon Haaretz, le Premier ministre israélien a l’intention d’exploiter le cinquième Forum mondial de l’Holocauste, qui se réunit cette semaine à Jérusalem pour marquer les 75 ans depuis la libération d’Auschwitz, pour appeler les dirigeants mondiaux à soutenir publiquement la position égoïste d’Israël, qui soutient que la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye n’a pas de juridiction dans les territoires palestiniens occupés.

Netanyahou a commencé cet exercice à peine 48 heures après que la procureure de la CPI, Fatou Bensouda, a annoncé le mois dernier, après cinq ans d’examen préliminaire, qu’elle était prête à ouvrir une enquête sur des crimes de guerre potentiels en Cisjordanie et à Gaza, en attendant une décision judiciaire de la CPI sur sa juridiction.

Ne perdant pas de temps, Netanyahou a répondu que « de nouveaux décrets sont publiés contre le peuple juif, des décrets antisémites de la Cour Pénale Internationale ».

Ce recadrage cynique est stupéfiant, à la fois intellectuellement et moralement.

Des Palestiniens & Palestiniennes se rendent à la prière du dernier vendredi de Ramadan à la mosquée al-Aqsa de Jérusalem, au checkpoint de Qalandia, en Cisjordanie occupée par Israël. 31 mai 2019

Les Palestiniens qui vivent sous l’occupation israélienne sont un peuple privé de droits. Pendant des décennies, leur existence a été régie par les caprices arbitraires de leurs occupants. Ils ne peuvent pas voter pour le gouvernement qui contrôle tous les aspects de leur vie. Ils n’ont pas d’armée pour se défendre. Ils ne contrôlent pas les frontières de leur propre territoire, ni leur capacité à voyager à l’étranger, ni même le temps qu’il leur faudra pour se rendre dans la ville palestinienne la plus proche, s’ils ont le privilège d’être autorisés à le faire.

Ils n’ont pas non plus recours à la justice par le biais des mécanismes juridiques d’Israël. Les procureurs et juges israéliens traitent les Palestiniens des territoires occupés par le biais d’un « système judiciaire » qui délivre un taux de condamnation de près de 100%. Dans le même temps, ce système vise à assurer l’impunité aux forces de sécurité israéliennes qui les tuent, les maltraitent ou les torturent.

Pour les Palestiniens, littéralement, la Cour pénale internationale est leur tribunal de dernier recours. Pourtant, Netanyahou, soutenu par l’ensemble des dirigeants politiques d’Israël, essaie d’écraser même ce faible espoir.

Quelle acte de déshumanisation que d’insister pour dénier le dernier recours d’un peuple à un minimum de justice, même incertain et tardif ! Combien dégradant est-ce de faire cela tout en se tenant sur les épaules des survivants de l’Holocauste, insistant sur le fait que cela se fait en quelque sorte en leur nom !

Quel manque de mémoire historique et de boussole morale il faut pour ignorer la leçon clé que le monde a tirée des cendres des années 40 : qu’aucune personne ne devrait jamais, en aucune circonstance, être laissée sans droits, précisément parce que comme le stipule La Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, « le mépris et le dédain des droits de l’homme ont entraîné des actes barbares qui ont outragé la conscience de l’humanité ».

Un manifestant pose avec un drapeau palestinien devant la Cour pénale internationale lors d’un rassemblement exhortant le tribunal à poursuivre l’armée israélienne pour crimes de guerre. La Haye, Pays-Bas, le 29 novembre 2019.

Mais Netanyahou va encore plus loin, arguant que les mêmes cendres donnent lieu à la conclusion inverse : il y aurait un peuple, le peuple palestinien, qui devrait rester démuni de droits en toutes circonstances.

Une vie dénuée de tout, sans terre ni scrutin, sans tribunal ni justice. Où la liberté de mouvement ne s’étend que jusqu’au checkpoint le plus proche. Où les soldats peuvent entrer dans n’importe quelle maison, à tout moment, pour la saccager et/ou en kidnapper n’importe quel habitant, même mineur, même enfant. Où la seule constante est le peu de contrôle que l’on a sur sa vie.

Honte à vous, Premier ministre Netanyahou. Honte également à tout dirigeant mondial qui accepte la parodie d’assimiler la tentative d’un peuple à obtenir justice et l’antisémitisme [Macron en premier lieu, qui assimile odieusement antisionisme et antisémitisme]. Prendre cette position lâche ne trahit pas seulement l’espoir des Palestiniens pour la liberté et la dignité. Cela contribue à la mort lente des leçons qui ont guidé l’humanité pendant les 75 dernières années et se noient maintenant dans la marée autoritaire montante dans le monde.

Ce n’est pas le monde que l’humanité a essayé de construire après la Seconde Guerre mondiale, après l’Holocauste ; mais c’est le monde raciste de Trump, de Modi, de Netanyahou et de Bolsonaro. En effet, nous vivons déjà dans leur nouveau monde lâche. Pourtant, il nous appartient de décider si les leçons douloureuses du passé pourront être renversées afin de favoriser l’oppression, ou rester fidèles à une vision de la liberté et de la dignité, de la justice et des droits, pour tous.

Traduction : lecridespeuples.fr

L'auteur, Hagai El-Ad, est directeur de B’tselem, organisme israélien de défense des droits des Palestiniens


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