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L’option nucléaire financière réglera la guerre du pétrole de Trump

Auteur : Pepe Escobar | Editeur : Walt | Mercredi, 08 Janv. 2020 - 14h54

Les faits ont été exposés par le Premier Ministre irakien intérimaire Adil Abdul-Mahdi, au cours d’une session parlementaire extraordinaire et historique à Bagdad, dimanche.

Le Major-Général Qasem Soleimani était arrivé à Bagdad sur un vol normal, muni d’un passeport diplomatique. Il avait été envoyé par Téhéran pour délivrer, en personne, une réponse à un message de Riyad sur la désescalade au Moyen-Orient. Ces négociations avaient été demandées par l’administration Trump.

Bagdad servait donc officiellement de médiateur entre Téhéran et Riyad, à la demande de Trump. Et Soleimani était un messager. Adil Abdul-Mahdi devait rencontrer Soleimani à 8 h 30, heure de Bagdad, vendredi dernier. Mais quelques heures avant l’heure prévue, Soleimani est mort victime d’un assassinat ciblé à l’aéroport de Bagdad.

Creusons un peu – pour les annales de la diplomatie du XXIe siècle. Une fois de plus : peu importe que l’ordre d’assassinat ait été donné par le Président Trump, par l’État Profond US ou par les suspects habituels – ou quand. Après tout, le Pentagone a longtemps eu Soleimani dans sa ligne de mire, mais a toujours refusé de lancer le coup final, craignant des conséquences dévastatrices.

Maintenant, le fait est que le gouvernement des États-Unis – sur un sol étranger, en tant que nation invitée – a assassiné un envoyé diplomatique qui était en mission officielle demandée par le gouvernement des États-Unis lui-même.

Bagdad va dénoncer formellement ce comportement aux Nations Unies. Cependant, il serait vain de s’attendre à ce que l’ONU s’indigne de l’assassinat par les États-Unis d’un envoyé diplomatique. Le droit international était déjà mort avant l’intervention Choc et Effroi de 2003.

Les dirigeants iraniens ont assisté aux funérailles de Qasem Soleimani, commandant des forces du Quds des Gardiens de la révolution à Téhéran le 6 janvier. Le Guide suprême Ayatollah Ali Khamenei (3ème à gauche), le Président iranien Hassan Rouhani (2ème à gauche) et le Président du Parlement iranien Ali Larijani (à gauche) présentent leurs respects au cercueil de Soleimani. Photo : AFP

L’Armée du Mahdi est de retour

Dans ces circonstances, il n’est pas étonnant que le Parlement irakien ait approuvé une résolution demandant au gouvernement irakien d’expulser les troupes étrangères en annulant une demande d’assistance militaire des États-Unis.

Traduction : Yankees rentrez chez vous.

Comme on peut s’y attendre, les Yankees refuseront la demande. Trump : « S’ils nous demandent de partir, si nous ne le faisons pas de façon amicale, nous leur imposerons des sanctions comme jamais auparavant. Les sanctions iraniennes auront l’air insipides ».

Les troupes US sont déjà prêtes à rester illégalement en Syrie – pour « s’occuper du pétrole ». L’Irak, avec ses extraordinaires réserves énergétiques, est un cas encore plus sérieux. Quitter l’Irak signifie que les néoconservateurs US et l’État Profond perdent pour de bon le contrôle direct et indirect du pétrole. Et, surtout, perdent la possibilité d’une ingérence sans fin contre l’Axe de la Résistance – Iran-Irak-Syrie-Hezbollah.

À part les Kurdes – achetés – les Irakiens de tout le spectre politique sont à l’écoute de l’opinion publique : cette occupation est terminée. Notamment Muqtada al-Sadr, qui a réactivé l’Armée du Mahdi et veut que l’ambassade US soit fermée pour de bon.

Comme je l’ai vu en direct à l’époque, l’Armée du Mahdi était la Némésis du Pentagone, surtout vers 2003-2004. La seule raison pour laquelle l’Armée du Mahdi a été apaisée est que Washington a proposé à Sadr la tête de Saddam Hussein, l’homme qui a tué son père, une exécution sommaire sans procès. Malgré toutes ses incohérences politiques, Sadr est immensément populaire en Irak.

La psyop de Soleimani

Le Secrétaire Général du Hezbollah, Sayyed Nasrallah, dans un discours très détaillé, est précis sur la signification de l’assassinat de Soleimani.

Nasrallah raconte comment les États-Unis ont identifié le rôle stratégique de Soleimani sur tous les champs de bataille – Gaza, Liban, Syrie, Irak, Yémen, Afghanistan, Iran. Il raconte comment Israël a vu Soleimani comme une « menace existentielle » mais « n’a pas osé le tuer. Ils auraient pu le tuer en Syrie, où ses mouvements étaient publics ».

La décision d’assassiner Soleimani en public, comme le dit Nasrallah, était donc une opération psychologique. Et la « juste rétribution » est de « mettre fin à la présence militaire US dans notre région ». Tout le personnel militaire US sera tenu sur ses gardes, surveillant ses arrières, à plein temps. Cela n’a rien à voir avec les citoyens étasuniens : « Je ne parle pas de s’en prendre à eux, s’en prendre à eux nous est interdit ».

D’un seul coup, l’assassinat de Soleimani a réussi à unir non seulement les Irakiens mais aussi les Iraniens, et en fait tout l’Axe de la Résistance. À de multiples niveaux, Soleimani pourrait être décrit comme le Che Guevara persan du XXIe siècle : les Étasuniens l’ont métastasé en le Che de la Résistance Musulmane.

La guerre du pétrole

Aucun grand média US ne pourra dissimuler une énorme bavure stratégique – sans parler d’un autre assassinat ciblé manifestement illégal.

Pourtant, il pourrait tout aussi bien s’agir d’une bavure délibérée. Le meurtre de Soleimani prouve que Trump, l’État Profond et les suspects habituels s’entendent sur l’essentiel : il ne peut y avoir d’entente cordiale entre l’Arabie Saoudite et l’Iran. Diviser pour régner reste la norme.

Michael Hudson fait la lumière sur ce qui est en fait une guerre pétrolière « démocratique » prolongée : « L’assassinat avait pour but d’intensifier la présence US en Irak pour garder le contrôle des réserves de pétrole de la région, et de soutenir les troupes wahhabites d’Arabie Saoudite (Isis, Al Qaeda en Irak, Al Nusra et d’autres divisions de ce qui est en fait la légion étrangère des États-Unis) pour appuyer le contrôle US du pétrole du Proche-Orient comme soutien du dollar US. Cela reste la clé pour comprendre cette politique, et pourquoi elle est en train de s’intensifier, et non de faiblir ».

Ni Trump ni l’État Profond ne pouvaient manquer de remarquer que Soleimani était l’atout stratégique clé pour que l’Irak puisse finalement affirmer le contrôle de ses richesses pétrolières, tout en défaisant progressivement la galaxie wahhabite/salafiste/jihadiste. Il devait partir.

« L’option nucléaire »

Malgré toutes les rumeurs concernant l’engagement irakien d’expulser les troupes US et la promesse iranienne de réagir à l’assassinat de Soleimani au moment de son choix, il n’y a aucun moyen de faire écouter les maîtres impériaux sans un choc financier.

Entre le marché mondial des produits dérivés, dont tous les grands acteurs savent qu’il s’agit d’une Arme de Destruction Massive financière.

Les produits dérivés sont utilisés pour drainer hors du marché un trillion de dollars par an en profits manipulés. Ces profits, bien sûr, sont protégés par la doctrine du « trop gros pour être poursuivi ».

Tout cela est évidemment parasitaire et illégal. La beauté de la chose est que cela peut être transformé en une option nucléaire contre les maîtres impériaux.

J’ai beaucoup écrit à ce sujet. Des contacts à New York m’ont dit que les articles ont tous atterri sur le bureau de Trump. Évidemment, il ne lit rien – mais le message était là, et aussi livré en personne.

Vendredi dernier, deux fonds traditionnels US de milieu de gamme ont mordu la poussière parce qu’ils faisaient appel à des produits dérivés liés au prix du pétrole.

Si Téhéran décidait un jour de fermer le détroit d’Ormuz – appelez cela l’option nucléaire – cela déclencherait une dépression mondiale avec l’implosion de trillions de dollars de produits dérivés.

La Banque des Règlements Internationaux (BRI) compte environ 600 milliards de dollars de produits dérivés au total. En fait, non. Des sources suisses disent qu’il y en a au moins pour 1,2 quadrillion, certains les situant à 2,5 quadrillions. Cela impliquerait un marché des produits dérivés de 28 fois le PIB mondial.

À Ormuz, la pénurie de 22 % de l’approvisionnement mondial en pétrole ne pourrait tout simplement pas être supportée. Cela déclencherait un effondrement et causerait un crash du marché infiniment pire que celui de l’Allemagne de Weimar en 1933.

Le Pentagone a joué tous les scénarios possibles d’une guerre contre l’Iran – et les résultats sont sombres. Les généraux sains d’esprit – oui, il y en a – savent que la marine US ne serait pas en mesure de garder le détroit d’Ormuz ouvert : elle devrait partir immédiatement ou faire face à l’annihilation totale.

Ainsi, la menace de Trump de détruire 52 sites iraniens – dont certains représentant un patrimoine culturel inestimable – est un bluff. Pire : c’est la marque de la vantardise d’un barbare digne de Daech. Les Talibans ont détruit les Bouddhas de Bamiyan. Daech a presque détruit Palmyre. Trump Bakr al-Mar-a-Lago veut participer à la destruction de la culture persane.

Texte traduit par Réseau International


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