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Pourquoi les activistes s’intéressent beaucoup aux Rohingyas, et guère aux Cachemiris

Auteur : Andrew Korybko | Editeur : Walt | Mardi, 20 Août 2019 - 22h20

Il est tout à fait curieux que la communauté d’activistes internationaux s’intéresse beaucoup plus aux Rohingyas qu’aux Cachemiris, alors que ces deux peuples constituent des minorités musulmanes confrontées à des menaces d’épuration ethnique très ressemblantes ; cela indique que le deux poids, deux mesures pratiqué par ces activistes remonte plus haut qu’il n’y paraît.

La communauté d’activistes internationaux a fait preuve de solidarité envers les Rohingyas à l’issue d’une opération anti-terroriste menée il y a quelques années par les services de sécurité du Myanmar, qui a déplacé des centaines de milliers de personnes issues de cette minorité. Pourtant, les mêmes activistes ne se montrent guère intéressés, et encore moins actifs, pour soutenir les Cachemiris, qui connaissent la menace imminente d’un phénomène semblable, suite aux décisions prises la semaine dernière à l’« israélienne »  par l’Inde à leur encontre. En surface, rien n’explique l’application d’un deux poids, deux mesures aussi flagrant à ces deux minorités musulmanes : cela signifie que d’autres facteurs doivent être en jeu. Il est impossible de savoir avec certitude quels sont ces facteurs, chacun étant responsable de ses propres actions et inactions, mais on peut exclure l’islamophobie de l’équation, car les activistes ayant fait preuve de soutien aux Rohingyas ne sauraient être soupçonnés de soutenir cette idéologie haineuse.

L’explication pourrait donc être plus politique que sociale, c’est à dire que les réputations internationales respectives du Myanmar et de l’Inde pourraient être mêlées à l’application de ce deux poids, deux mesures. Le Myanmar s’est vu condamné internationalement pour avoir été dirigé par une junte militaire, qui dispose encore à ce jour d’une influence décisive sur cet État. Pour ce qui concerne l’Inde, elle est considérée à tort comme « la démocratie la plus grande du monde », résultat de la réussite de sa politique de soft power au fil des dernières décennies. Il pourrait donc être difficile pour certains d’accepter le fait que la « démocratie la plus grande du monde » est dirigée par des extrémistes radicaux, épousant une vision presque hitlérienne de la suprématie hindoue, et prête à pratiquer des nettoyages ethniques, comme l’a dénoncé face au monde le premier ministre pakistanais Khan le week-end dernier. Il est bien plus simple d’imaginer que seule une soi-disant « dictature militaire » pourrait considérer ce type de pratiques. En d’autres termes, la perception que chaque personne a de ces deux pays, et le conditionnement qu’elle a subi au fil des années, ont sans doute beaucoup à voir avec l’application présente de ce deux poids, deux mesures.

Si tel était bien le cas, la solution en serait plutôt évidente : la communauté d’activistes internationaux doit s’instruire quant à la réalité de ce que l’Inde est devenue (ou, pourrait-on avancer, de ce qu’elle a toujours été). C’est avec cela à l’esprit que l’on peut considérer les tweets émis le week-end dernier par le premier ministre Khan : ils visent à choquer le lecteur avec des éclats de vérités, afin d’amener les lecteurs à prendre l’initiative d’en apprendre plus que ce qu’il a écrit. Il est important de noter que ces tweets d’avertissement précèdent l’ouverture par le Pakistan du dossier de la crise cachemiri auprès du Conseil de Sécurité des Nations Unies, ce qui ouvre une période au cours de laquelle le monde aura l’opportunité d’en apprendre plus à ce sujet. Vus ainsi, les tweets et les initiatives diplomatiques du premier ministre pakistanais constituent un effort concerté d’instruire la communauté internationale quant aux dangers causés par les décisions récentes de l’Inde envers les Cachemiris. On voit que l’État pivot du monde commence enfin à prendre ses responsabilités au sérieux en matière de gestion de la perception, en réponse aux menaces imminentes de nettoyages ethniques qui pourraient provoquer un nouveau flot de réfugiés ressemblant à celui que constituèrent les Rohingyas.

Traduit par Vincent, relu par Hervé pour le Saker Francophone

L'auteur, Andrew Korybko, est un analyste politique américain, établi à Moscou, spécialisé dans les relations entre la stratégie étasunienne en Afrique et en Eurasie, les nouvelles Routes de la soie chinoises, et la Guerre hybride.


- Source : Eurasia Future

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