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Les passions chimiques des Amis de la Syrie. Point de vue de Thierry Mariani (UMP) et d’Allain Jules, politologue

Auteur : La Voix de la Russie | Editeur : Stanislas | Jeudi, 05 Sept. 2013 - 13h53

Le couperet devait tomber. Il ne tomba pas et sans doute ne tombera jamais, car, sérieusement, si l’ONU disposait ne serait-ce que d’un soupçon de preuve quant à l’utilisation d’armes chimiques par l’armée gouvernementale, Bachar Al-Assad n’aurait pas tenu deux jours.

BHL a beau peaufiner sa rhétorique hargneuse sur les pages de son blog en taxant les Russes de rouges et de fachos, ses soubresauts, ainsi que ceux, plus modestes, de Messieurs Fabius et Attali, ne sont rien d’autre que des dérives impuissantes. On parle d’abord de 100 victimes intoxiquées par ce neuroleptique puissant qu’est le gaz sarin. Le jour suivant, l’estimation s’élève à près de 280 victimes parmi lesquelles un nombre important d’enfants. Interpellé par la Communauté internationale, le Président syrien nie les faits arguant l’absence totale de preuves. Non mais, de qui se moque-t-on ? Déjà en avril, on avait soupçonné l’éventualité d’une attaque chimique de la part du gouvernement dirigée contre les rebelles, alors plus communément désignés par le terme vague d’ASL (Armée syrienne libre). Peut-on supposer, partant de là, que le leader syrien se serait décidé à avoir recours, in extremis, c’est-à-dire le 21 août, alors donc que son armée gagnait du terrain et la victoire n’était pas si loin, au gaz sarin, se rendant ainsi coupable de crime contre l’humanité et justifiant d’un seul coup tous les griefs présentés contre son régime? Si c’est le cas, la schizophrénie d’Etat prend des ampleurs de maladie contagieuse, cela à une échelle internationale. Maintenant, parlant de schizophrénie ambiante, comment la France et les USA osent-ils s’imaginer qu’ils seront libres d’intervenir manu militari en Syrie passant outre à la désapprobation de l’ONU et ne pas être tenus par la suite coupables de crimes contre l’humanité pour violation grossière de la Charte des Nations ? Nous en sommes arrivés à un stade crucial où le droit international n’a plus aucun pouvoir et que les théoriciens du long processus d’ingérences néo-colonialistes résolument démarré en 2001 n’ont plus besoin de déguiser leurs véritables intentions.

Ces considérations énoncées, j’ai l’honneur d’accorder la parole à M. Thierry Mariani, vice-président de l’UMP depuis février 2013 et notamment fondateur, en 2010, de la Droite populaire.

La VdlR. « M. Mariani, pourriez-vous nous faire un bref commentaire de l’attitude de M. François Hollande par rapport à une éventuelle intervention armée en Syrie, cela dans le contexte de la dépendance directe de la France de la résolution étasunienne ? Car, d’après ce que nous savons, la France à elle seule ne se décidera jamais à intervenir sans que le Congrès américain ne lui donne feu vert. Votre vision ?

M. Thierry Mariani. Cela fait plus de vingt ans que je suis député français et c’est la première fois que la France est dans une telle situation. C’est-à-dire que les parlementaires britanniques ont pu voter. Les parlementaires français participeront à une discussion aujourd’hui sans vote. Et, en réalité, on attend l’avis des parlementaires américains. C’est dire que l’armée française va se retrouver engagée sur un territoire extérieur, éventuellement suite à un vote des sénateurs du Colorado ou du Mississipi et non point en vertu d’un vote des députés ou des sénateurs français. Il s’agit d’une situation sans précédent qui montre à quel point la France s’est isolée sur la scène européenne.

La VdlR. Mais alors quel dénouement envisager, car la culmination est là depuis près de deux semaines mais elle semble suspendue dans l’air ?

M. Thierry Mariani. C’est très simple. Il doit y avoir une action militaire essentiellement sous deux conditions. D’abord, qu’il y ait des preuves avérées de l’utilisation des gaz chimiques et, d’autre part, culpabilité de leur auteur. Deuxièmement, qu’il y ait un mandat des Nations Unies. Or, à l’heure actuelle, aucune de ces deux conditions n’a été respectée. Par ailleurs, dans le contexte en vigueur, je pense que le Parlement français doit absolument s’exprimer. On ne peut pas tolérer une situation où l’armée française soit engagée uniquement suite au vote d’un Parlement étranger.

La VdlR. Une révélation à la limite choquante circule à travers le net comme quoi un groupe de hackers aurait mis à nue la correspondance de Mme. Mary Shapiro, ex-présidente de la Securities and Exchange Commission et de la femme du Colonel Anthony Macdonald. Le message est simple : les cadavres d’enfants syriens enveloppés dans des linceuls – photo qui a explosé le net fin août – sont, permettez-moi l’expression, des faux. Soit, ces images ont été prises ailleurs qu’en Syrie, soit il s’agit de jeunes acteurs qui, selon les propres dires de Mme. Macdonald, « sont en vie et […] auront une sorte de cadeau, ou de l’argent liquide ». Cette dernière réplique a été envoyée le 25.08.13 à 14.59 (heure US). Comment se fait-il que la presse occidentale, motivée comme elle prétend l’être de nobles intentions, n’ait pas daigné réagir ?

M. Thierry Mariani. Personnellement, j’attends le rapport des inspecteurs des Nations Unies pour savoir si l’arme chimique a été employée et qui était l’auteur de cette utilisation. Après, voyez-vous, internet donne cours à toutes les manipulations possibles. Si on remonte plus loin, je me souviens de la révolution roumaine et du pseudo-massacre de Timisoara où des corps étaient alignés. Or, ultérieurement, on s’est aperçu qu’il s’agissait d’un montage. Je me souviens de même des fausses preuves fabriquées par les Américain pour justifier l’intervention en Irak. Sur ce qui s’est passé en Syrie, si l’usage des gaz est une réalité, celle-ci est inadmissible. Après, sommes-nous une énième fois en présence d’un montage ou non, sincèrement, j’attends le rapport de l’ONU, internet restant un champ de manipulations incontrôlable.

La VdlR. Poutine se dit non seulement prêt à réviser son point de vue par rapport au traitement de la question syrienne si jamais l’emploi de gaz chimiques par l’armée d’Al-Assad est un fait prouvé, mais en plus, à approuver, en ce cas, une intervention armée de l’OTAN contre le pouvoir syrien actuel. Comment est-ce que vous pourriez qualifier sa position ?

M. Thierry Mariani. Je crois que dans cette crise, la Russie occupe une position très claire. Elle combat l’islamisme aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de ses frontières. J’ai beaucoup de mal à comprendre comment la France peut aller combattre les islamistes au Mali et, indirectement, les aider en Syrie. En outre, je crois que nous avons des instances internationales, la Russie, comme la France, comme la Grande-Bretagne, comme les USA est un membre permanent. Il en découle que la position de la Russie mérite d’être prise en compte. Enfin, je crois aussi que la Russie est un acteur incontournable au cœur de cette crise. Nous avons le G-20 qui commence à Saint-Pétersbourg. J’espère que tous les acteurs se retrouvant autour de la table des négociations arriveront à évoquer convenablement ce dossier syrien parce que, au-delà des rivalités entre les uns et les autres, il y aujourd’hui un peuple qui se fait massacrer. Ce que je regrette, c’est qu’à l’heure actuelle, la politique de mon pays reste pour moi assez incompréhensible. Un jour on explique qu’on veut punir un chef d’Etat mais pas le renverser, le lendemain on dit que si, il faudrait le renverser etc. Je constate cependant qu’il existe des pays où la politique est plus claire et que, de ce côté-là, la politique russe me semble au moins être beaucoup plus lisible ».

 

L’irréprochable bon sens de M. Mariani correspond bien à celui qu’on attendrait normalement d’un homme politique confronté à un dilemme aussi grave que celui qui encadre le dénouement de la crise syrienne. Hélas, les dérapages délirants du gouvernement Ayrault restent toujours inclassables sur le plan du droit international.

Quoi qu’il en soit, nous en sommes encore et toujours à l’étape des provocs et des intox. L’histoire assez obscure des deux missiles balistiques tirés par Israël ( ?) en Mer Méditerranée fait partie intégrante de cette longue série de menaces anti-syriennes qui pour l’instant reste aussi stérile que compromettante pour les Etats alliés des USA.

Je diffuse ici, en guise de supplément suite à l’intervention de M. Mariani, le point de vue de M. Allain Jules Meunier, politologue de renom, spécialiste du Moyen-Orient, sur l’attitude des puissances occidentales vis-à-vis de la Syrie. Vous trouverez ci-dessous retranscrite son analyse de la provenance des engins balistiques en Méditerranée.

La VdlR. « Deux engins balistiques ont été tout récemment tirés en mer Méditerranée. Ceux-ci seraient d’origine israélo-américaine. Est-ce que selon la thèse qui avait été officiellement formulé, ce type de tir pourrait annoncer le début d’une campagne d’entraînement précédant des frappes en Syrie ?

M. Allain Jules Meunier. Oui, ces tirs ont été détectés par les troupes aérospatiales russes . Il s’agit, en réalité, d’un test. Ce n’est pas vers des cibles qu’ils ont tirées puisqu’il s’agit de deux missiles de test pour jauger les radars syriens. Il s’avère que, selon certaines sources qu’on a pu recouper, même la DCA syrienne qui est sur le qui-vive a pu déceler les tirs en question. Il n’y a donc pas que la Russie. C’est ainsi que l’inquiétude monte. On se demande comment Israël a pu frapper la Syrie alors qu’en fait elle a très bien pu le faire simplement parce qu’à ce moment-là, les troupes syriennes étaient beaucoup plus focalisées sur le terrain par rapport à tous les groupes terroristes et ne surveillaient pas forcément le ciel parce qu’ils ne s’attendaient pas à ce qu’il y ait une attaque. Car il était bien question d’une attaque-surprise. Donc, aujourd’hui, une attaque rigoureusement préparée, programmée risque d’être beaucoup plus difficile pour les alliés des Américains » (…).

Le dossier syrien brûle déjà entre les mains de ceux qui en ont noirci les pages. Ce feu, ne finira-t-il pas par les dévorer eux-mêmes s’il s’avère que les moyens chimiques auxquels Al-Assad auraient soi-disant eu recours ne sont en fait issus que de leur propre alchimie mensongère et criminelle.


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