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Affaire Skripal un an après, nouvel épisode : le mystérieux cas du toit

Auteur : George Galloway | Editeur : Walt | Mardi, 05 Mars 2019 - 15h22

En 12 mois de récits médiatiques bâtis sur des sables mouvants, une chose reste stable sur ses fondations originales : la version officielle britannique sur Salisbury tient aussi fermement qu’un château dans les nuages.

Un an après le coup sordide du destin contre Sergueï et Ioulia Skripal, personne ne sait ce qui leur est arrivé, comment, pourquoi ni, bien sûr, où ils sont.

Il y a un an, un agent neurotoxique a censément été pulvérisé sur leur poignée de porte d’entrée. En conséquence, un an plus tard,  leur maison a besoin d’un nouveau toit. Pourquoi le toit ? Et pourquoi seulement le toit ?

Je ne sais pas ce qu’il est advenu de ces deux personnes, mais vous non plus, même si vous avez suivi l’événement de près dans les médias britanniques. En fait, plus vous avez lu sur l’affaire, moins vous êtes susceptible d’y avoir compris quelque chose.

Il y a cependant certaines choses que je sais.

La première est que l’État russe n’avait rien à gagner à attaquer ces deux personnes en plein jour dans une rue de Salisbury, avec une arme développée par les Soviétiques, le ‘novitchok’, comme je l’avais dit à l’époque.

C’était exactement 100 jours avant la Coupe du Monde, et quelques jours seulement avant la réélection du président Poutine. Si — et c’est un grand si — l’État russe avait voulu tuer les Skripal, beaucoup de choses auraient été différentes.

Tout d’abord, ils seraient morts. Ioulia serait morte en Russie, où elle vivait. Et Sergueï aurait été expédié à un moment moins sensible, par des moyens plus fiables, moins identifiables, et par des tueurs moins comiques.

Les tueurs n’auraient pas pris un aller-retour direct Moscou-Londres en avion. Ils n’auraient pas confié leur sort au service dominical des transports publics du Wiltshire. Ils n’auraient pas souri à toutes les caméras de vidéosurveillance qu’ils auraient trouvées sur leur chemin.

Ils n’auraient pas séjourné dans un petit hôtel de l’est de Londres, ils n’y auraient pas fumé de la drogue et ils n’auraient pas fait une nouba bruyante avec une prostituée dans leur chambre. Ils n’auraient pas laissé de traces de leur agent neurotoxique dans leur chambre d’hôtel. Ils n’auraient pas passé une seule petite heure à explorer Salisbury la veille de l’empoisonnement présumé des Skripal. Ils ne seraient pas non plus rentrés à Londres par les transports publics pour leur nuit festive, pour ensuite revenir par les transports publics le lendemain.

S’ils allaient tuer un homme et sa fille, ils n’auraient pas fait confiance à un agent neurotoxique sur une poignée de porte alors qu’il n’y avait aucun moyen possible de savoir qui la toucherait. Ioulia ? Sergueï ? Le laitier ? Un Tom, un Dick ou un Harry lambda dans la rue (ou l’un de leurs enfants) ?

S’ils avaient dû étaler un agent neurotoxique sur une poignée de porte, ils l’auraient fait dans le noir — pas à midi le lendemain, alors que n’importe qui ou n’importe quelle caméra pouvait les voir faire, mais personne ne les a vus. Mis à part le fait central qu’à midi, les victimes avaient déjà quitté la maison pour ne plus y revenir.

Si les Skripal n’étaient que des victimes dans cette affaire, pourquoi leurs deux téléphones étaient-ils éteints entre leur départ matinal de chez eux et leur repas de l’après-midi ? Comment ont-ils réussi à tranquillement donner du pain à des canards dans le parc, entre leur arrêt dans un pub et leur déjeuner, et à partager ce pain avec un enfant local — mais ni l’enfant, ni les canards n’ont souffert d’un quelconque effet ?

S’ils ont quitté la maison tôt ce matin-là, pourquoi n’a-t-on observé aucun signe de malaise chez eux avant leur départ du restaurant, au moins cinq heures plus tard ? Si le toit de la maison des Skripal doit être remplacé, pourquoi pas le toit du restaurant ? Si le sergent-détective Nick Bailey a été affecté, pourquoi le premier intervenant ne l’a-t-il pas été ? Comment se fait-il que ce premier intervenant ait été une infirmière haut gradée de l’armée britannique ?

Pourquoi la police a-t-elle attendu des mois avant de publier les portraits des deux principaux suspects ?

Si les Skripal n’étaient que des victimes, pourquoi ont-ils été cachés, pourquoi ne nous ont-ils pas raconté eux-mêmes ce qui s’est passé ?

Pourquoi y avait-il un deuxième flacon de parfum ? Comment est-il arrivé entre les mains de Dawn Sturgess ? Pourquoi les assassins auraient-ils eu besoin de deux flacons de parfum ? Pourquoi et où ont-ils jeté la deuxième bouteille, qui n’avait pas été ouverte ?

Croyez-moi, je pourrais poser 500 questions de plus de ce type, mais si je le faisais, vous aussi tomberiez foudroyé à votre porte – mais d’ennui !

Inutile de dire, donc, qu’il y a bien plus de questions que de réponses dans l’affaire Skripal. Mais pas pour le gouvernement britannique.

Ses réponses ont été immédiates et ont eu de graves conséquences pour la Russie, pour la Grande-Bretagne et pour le monde. Le fait qu’il n’ait fait aucun effort de persuasion envers un public britannique très sceptique, s’appuyant plutôt sur des méthodes grossières de guerre de l’information, est une autre raison pour laquelle moi et beaucoup d’autres, nous ne les croyons tout simplement pas.

L’histoire ne retiendra pas sa version non plus, d’après mon expérience.

Le journalisme — ce premier jet de l’histoire — est facile à soustraire à la vérité lorsque la plupart des journalistes n’ont ni le temps, ni l’envie, ni les ressources pour défier l’État – et surtout pas l’envie. Les livres d’histoire, en revanche, passent tout au peigne très, très fin et n’oublient jamais rien.

L'auteur, George Galloway, a été membre du Parlement britannique pendant presque trente ans. Il présente des émissions de radio et de télévision (y compris sur RT). C’est un célèbre réalisateur, écrivain et tribun.

Traduction Entelekheia


- Source : RT (Russie)

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