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Mercredi, 24 Avr. 2024

Emmanuel Macron en mode Charles VI le roi fou ?

Auteur : Mathieu Morel | Editeur : Walt | Jeudi, 17 Janv. 2019 - 19h44

Frédéric  Lordon dans un article fort remarquable publié sur son blog intitulé : « les forcenés » nous démontre que concernant Macron, Griveaux et compagnie : «après avoir épuisé toutes les explications alternatives, il va falloir s’y résoudre : ces gens sont complètement fous. »

Mathieu Morel se contente de livrer son propre diagnostic sur le seul Macron. Il est de même nature que celui de Lordon. Mais lui pense qu’il est dangereux et que cela risque de nous coûter cher.

Régis de Castelnau

*

On rigole, on rigole, mais au fond, c’est un peu jaune (décidément !) et parce qu’il plane bien, quelque part, le sentiment qu’il vaut mieux le faire tant qu’on en a encore le loisir. On fera sûrement – et sûrement mieux – plus tard l’inventaire des fautes, trahisons, manigances et provocations qui nous ont conduits là. Les imputer toutes à l’escroquerie qui nous sert aujourd’hui de président, légitimement élu à l’issue d’une cascade de farces de mauvais goût, serait injuste. Il a beau jeu de seriner, à juste titre, qu’il n’en est que l’infortuné héritier, il en est aussi la quintessence.

La quintessence idéologique de Macron

Idéologiquement, d’abord, pour peu qu’il en ait une autre que « l’aboutissement de soi-même à n’importe quel prix » (ce qui, en soi, constitue aussi, en forme de poupée russe, la quintessence de l’idéologie de ces quatre ou cinq dernières décennies). Y a-t-il, chez cet homme, une conviction, une colonne vertébrale ou quoi que ce soit qui l’écarte un tant soit peu de l’idéologie marchande, « soi-même-fait-homme », rentable qui a gouverné le monde occidental pendant 40 ans ? A-t-il produit une idée, une seule, qui ne nous ait pas été tambourinée sur tous les tons depuis des lustres ? Sa seule grande rupture – si l’on excepte les considérations « people » et, accessoirement, parfois scabreuses qu’il condamne goulûment tout en y ayant eu largement recours pour son ascension « miraculeuse » – est d’avoir été élu plus jeune encore que le tenant du titre jusqu’alors (et avec lequel, au passage, il partage le plus d’affinités – un zeste de vulgarité en plus). Quelle prouesse !
Idéologie que, d’élection en élection, les citoyens rejettent avec constance depuis 40 ans, d’abord en votant pour quiconque promet d’y mettre un terme avant de faire méticuleusement l’inverse puis, de lassitude en désillusion, en ne votant plus (ou mal), jusqu’à se retrouver enjoints d’être complices – et/ou victimes – d’un quinquennal chantage aux bons sentiments dont l’issue tragique se pointe peut-être… « enfin ! » Pourrait-on dire si elle n’était pas, justement, tragique.

La quintessence formelle de Macron

Formellement, ensuite. Puisque, comme on le martèle au nom d’une modernité maintenant quadragénaire, « il n’y a pas d’alternative », encore faut-il qu’il y ait alternance pour garantir – au moins – l’illusion d’une démocratie que le monde entier pourrait nous envier. Par un amusant hasard (comme si la marchandisation de tout, sans limite pouvait faire l’économie de quelques passionnants artifices), les dernières décennies ont aussi vu pulluler les « progrès » dans les arts de la « communication ». Pour simuler l’alternance, à défaut d’alternative, il suffit de « créer le besoin », de fabriquer la problématique, de mettre à profit les études de marché. On ne construit plus un programme « pour le peuple ou pour la Nation » : on saucissonne, on « cible » des clientèles, on calcule des parts de marché, on tord les concepts, on viole un peu les mots et on déforme ceux d’en face en réinventant, au passage, le procès d’intention, le délit d’opinion et les aimables milices vertueuses de la pensée. Et quand ils sont tous trop essorés, on finit par les utiliser pour ne surtout rien dire. Tous, en même temps, dans le désordre, surtout les plus abscons, pourvu qu’il n’y reste plus rien à comprendre, ce qui fera avantageusement la part entre les gueux incultes qu’on a abandonnés et ceux qui craignent d’en être ou de passer pour tels.
Avec l’animal qui nous occupe, on tient un champion : enfilant les perles et les poncifs à la vitesse d’une tricoteuse bretonne illettrée ou d’une auvergnate réfractaire, noyant les mots-clés dans des logorrhées confuses ou les violant dans d’indigestes oxymores, à eux au moins autant qu’à nous, cet élève zélé des hautes écoles d’élites aura fait subir les pires outrages.
Doit-on parler encore, pudiquement, d’« enfumage » lorsque les mots sont à ce point évidés, les esprits à ce point corrompus, les principes à ce point violés par ceux qui devraient pourtant leur donner corps et en être garants ? Avec quoi, alors, pourrons-nous débattre ou combattre ensuite ? Il y a là, manifestement, bien plus grave que de l’enfumage.

Vanité, vacuité

Faillie, pour se perpétuer, l’idéologie a besoin de têtes correctement pleines et bankable, de celles que l’entre-soi et les grandes écoles élitistes fabriquent à la pelle. Il suffit d’y en piocher une, la faire coopter à force de pantouflages et d’allers-retours public-privé par quelques hauts-fonctionnaires et quelques mécènes-mercenaires, subséquemment patrons de presse et/ou annonceurs tout-puissants. Les conseillers en communication (on dit « spin doctors) produiront une histoire (on dit « storytelling »), les medias évidemment indépendants la raconteront sous toutes les coutures, sur tous les supports, avec moult « Unes, exclus, confidentiels voire – soyons fous – breaking news ». Jusqu’à organiser, par contraste, un triomphe du Bien (eux) contre un croquemitaine (les autres) que, depuis 30 ans, ils s’emploient soigneusement à nourrir, autant par paresse intellectuelle que par peur de perdre la main qui les nourrit.

A ce stade, on a déjà un peu le vertige. Comment en sortir ?
Heureusement, le cuistre-grenadine est apparu. A la faillite avérée de la gauche et de la droite dits de gouvernement, il fallait toute affaire cessante, pour perpétuer encore l’escroquerie tant qu’il restait un peu à croquer, apporter du neuf. Qu’à cela ne tienne : le neuf, ça se fabrique, fût-ce avec le pire du vieux, avec le pire de la gauche et le pire de la droite dits de gouvernement.
On a fabriqué du neuf avec un blanc-bec ambitieux qui avait l’avantage de ne penser rien de subversif – et probablement de ne rien penser du tout, d’ailleurs, sinon une haute idée de soi-même, faute d’avoir reçu quelques salutaires fessées (d’ailleurs interdites depuis Lui, mais à moitié seulement) en temps voulu – mais d’être suffisamment roué aux contorsions mondaines pour entretenir une illusion.

On sait ce que durent en général les illusions. Ce sont souvent ceux qui les entretiennent – et ceux qui s’y complaisent – qui s’en mordent les premiers les doigts. La faute, peut-être, est d’avoir sous-estimé l’air du temps (d’aucuns diraient « le vent mauvais », mais ça rappelle les heures sombres d’on ne saura bientôt plus très bien qui) et le pouvoir dévastateur que pouvait avoir un pitre arrogant, mégalomane, narcissique et infantile dans un climat pareil.

Comment en sortir ?

Nous en sortirons probablement tous salement éclopés. Il fallait être parfaitement dingue – et passablement stupide – pour accepter d’être celui qui s’obstinera à perpétuer en le poussant à ses extrémités un système qui s’écroule, et suffisamment intoxiqué pour l’élire. Ils ont justement trouvé le parfait dingue : assez forcené pour s’obstiner quoi qu’il en coûte, assez idiot pour ne jamais comprendre que lorsque sa tête n’aura plus de prix que pour tous les ennemis qu’il se sera faits, ses mécènes auront sauvé la leur depuis belle lurette en misant sur un autre canasson.

Ce type est fou, fou et dangereux, non pas à cause de quelque « machiavélisme diabolique » plus ou moins ésotérique mais parce qu’il est vain, absolument vain, et que c’est de cette vacuité, cette vanité, qu’il tire la certitude absolutiste et schizophrène de sa propre « destinée manifeste ».

On aura peut-être bientôt fermement fini de rigoler. En attendant, ricanons encore un peu.


- Source : Vu du Droit

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