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Sécurité routière : au lieu de tout réglementer, si on essayait l’anarchie ?

Auteur : Frédéric Mas | Editeur : Walt | Samedi, 20 Oct. 2018 - 19h42

Limitations de vitesse, panneaux, ronds points et maintenant des péages urbains. Et si au lieu de punir l’automobiliste, on imaginait un système qui le responsabilise ?

Il y a une dizaine d’années, une ville allemande, Bohme, près de Hanovre, fit une expérience radicale en matière de sécurité routière. Pour combattre les accidents de la route, ses responsables firent disparaître tous les panneaux de signalisation et feux tricolores des rues. Pour les 13 000 conducteurs qui utilisaient chaque jour les routes de Bohm, il ne restait que deux routes nues, sans limitations de vitesse, chicanes ou autres panneaux parasitant leur attention. Les résultats de l’expérience se firent sentir rapidement. Selon l’officier de Police en charge de la circulation, le taux d’accident a chuté de façon spectaculaire. L’exemple allemand n’est pas passé inaperçu, et s’est largement exporté à l’étranger.

Fluidifier le trafic

En Grande-Bretagne, l’effacement des indications sur les routes a également sauvé des vies. S’inspirant des travaux de l’ingénieur néerlandais Hans Monderman sur l’espace partagé, la fluidification du trafic a également largement augmenté la sécurité sur les routes. La démarche est logique : les règles sont simples à suivre et plutôt que s’en remettre à des règles contraignantes et complexes qui, en cassant la vitesse génèrent des accidents, on responsabilise l’automobiliste, on le rend plus attentif à son environnement. Son attention n’est plus prise par mille indications ou signes contradictoires, il suit la route et coordonne sa conduite avec celle des autres véhicules. Il devient aussi plus attentif aux dangers éventuels qui pourraient surgir. La ville de Philadelphie aux États-Unis a aussi tenté l’expérience, et la suppression des feux tricolores a entraîné là aussi une baisse de 25 % des accidents.

Plus encore, le disciple anglais d’Hans Monderman, John Adams, qui enseigne à l’University College de Londres, est l’auteur d’une étude qui a montré que ce sont les pays qui n’obligent pas leurs motocyclistes à porter des casques qui ont le moins d’accidents dans le domaine. Au journaliste qui l’interrogeait sur l’efficacité sécuritaire des routes nues, il a conseillé de prendre l’autoroute sans ceinture de sécurité et de rouler au maximum de la vitesse autorisée. Assez naturellement, le journaliste a ralenti l’allure et s’est concentré sur sa conduite…

Liberté laissée aux conducteurs

Le secret de ces expériences réussies ? Les pouvoirs publics laissent la liberté aux conducteurs de régler leur conduite. Plus attentifs à celle des autres, l’arrangement offre un bel exemple d’ordre spontané de circulation, c’est-à-dire une anarchie qui fonctionne sur la responsabilité partagée de tous les automobilistes et l’intériorisation de quelques règles simples de conduite.

En France, l’idée inverse semble prévaloir et les pouvoirs publics préfèrent le micromanagement des acteurs de la route à la liberté. La limitation de la vitesse à 80 km/h va dans ce sens, et pour l’instant, ses effets sur la sécurité routière ne sont pas vraiment probants, comme l’atteste la hausse récente de la mortalité sur les routes métropolitaines.

Dans le cas de la sécurité routière comme dans d’autres situations, le coût de la réglementation et de l’intervention étatique dans la conduite des individus est bien supérieur aux bénéfices espérés du point de vue de l’automobiliste : le tout réglementaire est cher à entretenir, peu sûr et se paie aussi en vies humaines. Plus encore, quand on réduit l’intervention de l’État, ce n’est pas le désordre qui réapparaît, mais une forme de coopération humaine totalement décentralisée.

L’anarchie fonctionne mieux qu’on ne le pense, au point que certains économistes, comme Peter Leeson, estiment qu’il conviendrait de revenir sérieusement sur la sagesse établie qui considère l’organisation étatique comme nécessairement supérieure à l’anarchie, c’est-à-dire la gouvernance directe de chacun sur sa propre destinée (1). Il ne s’agit pas de fonctionner sans règles, mais avec un minimum, et largement intériorisées par les acteurs.

Multiplier les panneaux, les limitations et les réglementations pour casser la vitesse et punir les automobilistes n’est pas un choix visant à améliorer la sécurité des routes, mais bien à trouver de nouvelles ressources fiscales pour un État-providence qui ne veut pas se réformer. C’est l’esprit de la baisse de la vitesse à 80 km/h, des péages urbains à l’étude, ou encore celui du flicage par vidéosurveillance de la mairie de Paris, qui témoigne de notre trop grande dépendance au Tout-État.

Note:

(1).Peter T. Leeson, Anarchy Unbound. Why Self-governance works better than you think, Cambridge Univ. Press, 2014


- Source : Contrepoints

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