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« Macron et l’internationale du profit contre la démocratie », par Bruno Adrie

Auteur : Bruno Adrie | Editeur : Walt | Jeudi, 11 Janv. 2018 - 18h03

Je me demande si nos contemporains ont pris conscience du fait que nous ne vivons plus en démocratie. Je me demande s’ils ont compris que les nouveaux communicants ne croient pas à la démocratie, pas plus que les maîtres qui les mandatent et les dirigent depuis leurs îles fortunées saupoudrées d’or et secouées de cocotiers. Pour ma part, il me semble que pour le comprendre, il faut définitivement rentrer dans la façon de penser des riches, dans leur approche du politique vu comme science et pratique de la domination. Il me semble indispensable de saisir de leur intime conviction, cette conviction qu’ils n’expriment pas assez mais trahissent par leurs actes qui, mis bout à bout, en dessinent très nettement les contours acérés.

Mais il y a les élections, s’entend-on rétorquer, preuve que la liberté existe, que le peuple peut encore choisir, éloigner les tyrans quinquennaux et les imposteurs intérimaires de l’Assemblée et des ministères. Grâce au suffrage universel, on les chassera, on éduquera l’électeur, on lui montrera quelles menacent pèsent sur ses droits et il choisira alors, c’est inévitable, le bon candidat, l’ennemi des riches que les riches, qui respectent les scrutins, laisseront gouverner et revenir sur les “réformes” néolibérales qu’ils nous ont servies depuis plus de trois décennies. Alors, tout à coup, sous leurs yeux rougis par une rage impuissante, il s’effondrera leur projet, comme un château de cartes: c’en sera fini de Maastricht, de Lisbonne, de l’Europe, de l’OTAN, du CICE, de l’évasion fiscale, de la corruption, des connivences, des pantouflages, des copinages et des franc-maçonneries. On votera l’impôt obligatoire et progressif, on décrétera l’égalité pour de bon, on balaiera les magouilles, on crucifiera les profits indus, on en profitera même pour les lui reprendre ses 62000 euros surnuméraires annuels à la ministre du travail d’un gouvernement à la fois niais et fat qui ronronne en se frottant aux bottes ensanglantées du capital.

Je crois pas que les choses se passeront ainsi. Je ne crois même pas qu’en France, le peuple des retraités, des petits propriétaires, des petits rentiers et des arrivistes qui se prennent pour des winners (les électeurs de Macron) votera un jour pour celui qui, de près ou de loin, aura le mérite de ressembler à une alternative viable. Et même si cela se produisait, même si tous ces ignares supérieurs et satisfaits se mettaient, comme par miracle, à regarder et à penser et à vouloir changer les choses, on ne les laisserait pas faire. Avez-vous vu comment ça s’est passé au Honduras, d’abord avec Manuel Zelaya, ensuite, tout à fait récemment, contre un scrutin qui ne convenait pas à l’élite? Avez-vous vu comment, au Brésil, Dilma Rousseff a été destituée par une assemblée golpiste dominée par les profiteurs et les esclavagistes? Avez-vous compris quelles difficultés ont été celles de Hugo Chavez et de Nicolas Maduro, qui ont rencontré au sein même de l’État vénézuélien – et de la société PDVSA qui gère la production du pétrole national -, les résistances que les esprits simplistes et mal informés s’attendraient plutôt à voir venir de l’extérieur? Allende l’avait pourtant dit au monde entier, que mener à bien une révolution dans le cadre d’une structure politique bourgeoise était quasiment impossible. En tout cas, ils ne l’ont pas laissé faire au Chili et il est tombé dans son palais, suicidé d’après les journaux qui n’ont pas dit par qui…

Voilà pourquoi il me semble urgent de penser comme eux, comme les riches qui conspirent, qui complotent, qui ourdissent des plans depuis leurs châteaux, leurs bureaux et leurs yachts bientôt supersoniques. Voilà pourquoi, il est important de comprendre que pour eux la démocratie est déjà morte, qu’elle n’est plus, aujourd’hui, qu’un squelette blanchi, que la silhouette crayeuse entourant le cadavre des rêves enfantins d’une population qui devra accepter, les riches n’en doutent pas, son asservissement, son écrasement et, lorsque ce sera nécessaire, son extermination. Car les riches qui, en France, ont déjà enregistré tant de succès – on se souvient d’un des plus beaux d’entre eux, de l’adoption à Versailles, le 4 février 2008, du Traité de Lisbonne trois ans à peine après le ‘non’ français au Traité dit Constitutionnel -, ces riches qui appartiennent à l’internationale en smoking qui tire ses ficelles depuis sa constellation de banques, de fonds d’investissement et de clubs très privés, ces riches qui ne doutent pas de leurs futures victoires contre les caisses des États et contre les poches des salariés, ces riches comploteurs qui tissent des complots tout en nous enjoignant de ne pas y croire, ces riches qui ont décidé de soumettre le monde et d’en devenir les rentiers pour l’éternité – n’ont-ils pas prêché la fin de l’histoire par la bouche d’un de leurs représentants? – ces riches ne croient pas à la démocratie, n’y ont jamais cru et n’y croiront jamais. Ils vous en parleront parfois, eux et leurs laquais ronronnant feront semblant de la défendre, mais ce sera juste pour vous endormir, parce qu’ils préparent de nouvelles offensives, parce qu’ils n’abandonneront jamais leur politique de la porte ouverte, leur projet d’invasion globale qui, enveloppé dans les oripeaux du droit et d’une bonne conscience comique à force d’être mimée avec le trop-plein de sérieux qu’on connaît, est devenu la mondialisation, une mondialisation qui fait science, qui fait neutre et qui a élu domicile dans les manuels scolaires.

Les ruines de la démocratie ressemblent à celles de Dresde, d’Hiroshima ou de Mossoul et ceux qui se promènent entre elles sans voir que la ville est morte auraient sans doute gagné à bien comprendre, à bien saisir, à bien envisager le projet destructeur mené tambour battant par l’internationale du profit.

Il est urgent d’entrer dans la tête des riches et de comprendre combien ils ont de longueurs d’avance. Car les riches vivent déjà dans l’avenir qu’ils sont en train de se façonner. Et nos mécontentements exprimés ne sont que des grésillements qui les gênent un peu, beaucoup, passionnément, et qu’ils voudront gommer afin de pouvoir écouter, en high fidelity, la luxuriante et profitable philharmonie qui déjà bat son plein dans leurs écouteurs futuristes.


- Source : WordPress

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