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Secret de Polichinelle: Washington est derrière la brutale expérience indienne de démonétisation

Auteur : Dr. Norbert Haering | Editeur : Walt | Mercredi, 13 Déc. 2017 - 18h51

Tôt en novembre 2016 et sans prévenir, le gouvernement indien a déclaré l’invalidité des deux plus grosses coupures de billets de banque [500 et 1000 roupies, NdT], abolissant d’un seul coup la valeur de 80% des espèces en circulation. Dans toute la commotion et l’outrage que cela a suscité, personne ne semble avoir fait attention au rôle décisif joué par Washington dans cette affaire. C’est assez surprenant, car le rôle de Washington n’avait été que superficiellement déguisé.

Le Président des USA Barack Obama avait déclaré que le partenariat stratégique avec l’Inde était une priorité de sa politique étrangère. Il faut endiguer la Chine. Dans le contexte de ce partenariat, l’agence US de développement USAID a négocié des accords de coopération avec le Ministère des Finances de l’Inde. L’un d’entre eux comporte l’objectif déclaré de réduire l’usage de l’argent liquide en faveur des paiements électroniques, en Inde et dans le monde entier.

Le 8 novembre 2016, le Premier Ministre indien Narendra Modi a donc annoncé que les deux plus grosses coupures de billets de banque ne pouvaient plus être utilisées pour réaliser des paiements, avec effet quasi-immédiat. Leurs détenteurs ne pouvaient récupérer leur valeur qu’en les plaçant sur des comptes en banque avant l’échéance de la courte période de transition, ce que de nombreuses personnes et commerces n’ont pas pu faire, à cause des longues queues devant les banques. La quantité d’espèces que les banques ont été autorisées à distribuer à leurs clients individuels était sévèrement restreinte. Presque la moitié des Indiens n’ont pas de compte bancaire et beaucoup d’entre eux n’ont même pas de banque à proximité. L’économie repose grandement sur les échanges en espèces. Ainsi, une sévère pénurie d’espèces en a découlé. Ceux qui en ont le plus souffert sont les plus pauvres et les plus vulnérables. Ils ont rencontré des difficultés supplémentaires pour gagner leur maigre pitance dans le secteur informel ou pour acheter des biens et des services essentiels tels que la nourriture, les médicaments et les soins hospitaliers. Le chaos et la fraude ont régné jusque tard en décembre.

Quatre semaines plus tôt

Même pas quatre semaines avant cet assaut contre les Indiens, USAID avait annoncé l’établissement du « Catalyst Inclusive Cashless Payment Partnership » [« Partenariat de Paiement sans Argent ‘Catalyst’  » – ‘Catalyseur’, NdT], avec pour objectif d’effectuer un saut quantique en termes d’usage des paiements sans argent en Inde. Le communiqué de presse du 14 octobre 2016 affirme que Catalyst « marque la prochaine phase de partenariat entre USAID et le Ministère des Finances pour faciliter l’inclusion financière universelle ». La déclaration ne figure pas (ou plus?) dans la liste de communiqués de presse présentée sur le site d’USAID. Même le filtrage des éléments contenant le mot « Inde » ne donne rien. Pour le trouver, il semble falloir être au courant de son existence, ou tomber dessus lors d’une recherche sur Internet. En fait, cette déclaration et d’autres qui avaient naguère semblé plutôt ennuyeuses sont devenues beaucoup plus intéressantes depuis le 8 novembre 2016.

À la lecture de ces déclarations avec le recul, il devient flagrant que Catalyst et le partenariat d’USAID et du Ministère des Finances, duquel a émergé Catalyst, ne sont rien de plus que des façades ayant servi à préparer l’assaut contre tous les indiens se servant d’espèces, sans éveiller trop de soupçons. Même le nom Catalystprend une tournure beaucoup plus macabre, dès que vous savez ce qui s’est passé le 9 novembre.

Le Directeur d’Incubation du Projet Catalyst s’appelle Alok Gupta, qui avait été Directeur de l’Exploitation du World Resources Institute à Washington, qui compte USAID parmi ses principaux sponsors. Il a également été l’un des membres originaux de l’équipe qui a développé Aadhaar, le système d’identification biométrique à la « Big Brother ».

Selon un article paru dans Economic Times, journal indien, USAID s’est engagée à financer Catalyst pour trois ans. Les montants sont tenus secrets.

Badal Malick a été Vice-Président du site de commerce en ligne le plus important d’Inde, Snapdeal, avant de devenir PDG de Catalyst. Il a commenté:

La mission de Catalyst est de résoudre des problèmes de coordination multiple qui ont bloqué la pénétration des paiements digitaux parmi les marchands et les consommateurs à bas revenus. Nous sommes enthousiastes à l’idée de créer un modèle soutenable et reproduisible. (…) Alors qu’il y a eu (…) un effort concerté de la part du gouvernement en faveur des paiements digitaux, il reste encore une dernière longueur à franchir en ce qui concerne l’acceptation marchande et le sujet de la coordination. Nous entendons apporter une approche d’écosystème holistique à ces problèmes.

Dix mois plus tard

Le problème de coordination multiple et celui de l’écosystème de l’argent liquide mentionné par Malick a été analysé dans un rapport demandé par USAID en 2015 et présenté en janvier 2016, dans le cadre du partenariat anti-espèces avec le Ministère des Finances. Le communiqué de presse de cette présentation n’est pas non plus (ou plus?) dans la liste des communiqués de presse d’USAID. Le titre de l’étude était « Beyond Cash » [« Au-delà des Espèces », NdT].

« Les commerçants, comme les consommateurs, sont piégés dans des écosystèmes d’argent liquide, ce qui inhibe leur intérêt » pour les paiements électroniques, annonçait le rapport. Puisque peu de commerçants acceptent les paiements digitaux peu de consommateurs y trouvent un intérêt, et puisque peu de consommateurs utilisent les paiements digitaux peu de commerçants y trouvent un intérêt. Comme les banques et les organismes de paiement facturent des frais pour l’équipement à utiliser et même pour essayer le paiement digital, il y a besoin d’une forte impulsion extérieure afin de réussir un niveau de pénétration pouvant susciter un intérêt mutuel chez les deux parties incluses dans les options fournies par le paiement digital.

Il s’est avéré en novembre que « l’approche d’écosystème holistique » annoncée pour susciter cette impulsion consistait à détruire l’écosystème des espèces pendant un laps de temps limité pour ensuite l’assécher plus tard, en limitant la disponibilité d’espèces à partir des banques en direction des clients individuels. Puisque l’assaut devait arriver comme une surprise afin d’impulser son effet catalytique maximal, le rapport Beyond Cash et les protagonistes de Catalyst ne pouvaient pas décrire ouvertement leur projet. Ils ont employé un stratagème habile pour le camoufler tout en restant à même de poursuivre ouvertement les préparations nécessaires, qui comprenaient même des auditions d’experts. Ils évoquaient constamment une expérience de terrain régionale qu’ils préparaient manifestement.

« L’objectif est de prendre une ville et d’y multiplier les paiements digitaux par dix en six à douze mois, » disait Malick moins de quatre semaines avant que la majeure partie des espèces soit abolie sur l’ensemble du territoire indien. Afin de ne pas être circonscrits à une seule ville dans leurs préparations, le rapport Beyond Cash et Catalyst ne cessaient de parler d’une gamme de régions sous leur examen, apparemment de façon à sélectionner plus tard la ville la plus appropriée à cette expérience de terrain. Ce n’est qu’en novembre qu’il est devenu évident que l’Inde toute entière allait devoir servir de cobaye dans un effort mondial de suppression du recours aux espèces. En lisant une déclaration de l’Ambassadeur Jonathan Addleton, Directeur de Mission d’USAID en Inde, avec le recul, il devient clair qu’il l’avait subrepticement annoncé lorsqu’il avait dit, quatre semaines plus tôt:

L’Inde est à la pointe des efforts mondiaux de digitalisation des économies et de création de nouvelles opportunités économiques s’étendant jusqu’à des populations difficiles d’accès. Catalyst soutiendra ces efforts en se focalisant sur le défi de rendre les paiements quotidiens dépourvus d’espèces.

Des vétérans de la guerre aux espèces en action

Quelles sont les institutions derrière cette attaque décisive contre les espèces? Lors de la présentation du rapport Beyond Cash, USAID avait déclaré: « Plus de 35 organisations indiennes, américaines et internationales de premier plan se sont associées au Mininstère des Finances et à USAID dans cette initiative. » Sur le site sombrement nommé http://cashlesscatalyst.org/ il est possible de voir qu’il s’agit surtout de fournisseurs de technologies de l’information et de services de paiement, qui veulent gagner de l’argent à partir des paiements digitaux ou à partir de la génération de données qui en découle chez les usagers. Beaucoup sont des vétérans de ce qu’un cadre haut placé de la Deutsche Bundesbank avait appelé la « guerre aux espèces d’institutions financières intéressées » (en allemand). Elles comprennent la Better Than Cash Alliance [alliance « mieux que le cash », NdT], la Gates Foundation (Microsoft), Omidyar Network (eBay), la Dell Foundation, MasterCard, Visa et la Metlife Foundation.

La « Better Than Cash Alliance »

La Better Than Cash Alliance, qui comprend USAID parmi ses membres, figure ici pour une raison. Elle a été fondée en 2012 pour réduire le recours aux espèces à l’échelle mondiale. Le secrétariat est logé à la United Nations Capital Development Fund (UNCDF) à New York, et la raison pour cela réside peut-être dans le fait que cette organisation plutôt pauvre de l’ONU fut heureuse d’avoir la Gates Foundation au cours de l’une des deux années passées puis la MasterCard Foundation au cours de l’autre comme plus généreux donateurs.

Les membres le l’Alliance sont de grandes institutions US qui auraient beaucoup à gagner à la suppression des espèces, c’est-à-dire des entreprises comme MasterCard et Visa, ainsi que quelques institutions US dont les noms reviennent souvent dans les livres traitant de l’histoire des services secrets des États-Unis, nommément la Ford Foundation et USAID. Un autre membre éminent est la Gates Foundation. Omidyar Network, du fondateur d’eBay Pierre Omidyar et Citi sont des contributeurs importants. Il sont presque tous individuellement partenaires de l’Initiative-Inde-USA actuelle pour mettre fin au recours aux espèces en Inde et au-delà. L’Initiative-Inde-USA et le programme Catalyst semblent n’être que des extensions de la Better Than Cash Alliance, augmentées d’organisations indiennes et asiatiques dotées d’intérêts commerciaux prononcés dans l’usage sévèrement réduit des espèces.

Le « Chicago Boy » lié au FMI de la Reserve Bank of India

Le partenariat devant préparer l’abolition temporaire de la plupart des espèces en Inde coïncide à peu près au mandat de Raghuram Rajan au gouvernail de la Reserve Bank of India, de septembre 2013 à septembre 2016. Rajan (53 ans) avait été, et est encore à nouveau, professeur d’économie à l’Université de Chicago. De 2003 à 2006 il avait été Économiste-en-Chef au Fonds Monétaire International à Washington. (C’est un élément de son CV qu’il tient en commun avec un autre grand guerrier contre les espèces, Ken Rogoff.) Il fait partie du Groupe de 30, une organisation plutôt louche, où des représentants haut placés des plus grandes institutions financières internationales partagent leurs préoccupations et leurs projets avec les présidents des plus importantes banques centrales, le tout derrière portes closes et sans aucun procès-verbal. Il devient de plus en plus évident que le groupe de 30 est l’un des principaux centres de coordination de la guerre mondiale contre les espèces. Sa liste de membres comprend d’autres guerriers éminents comme Rogoff, dont Larry Summers.

Raghuram Rajan a d’amples raisons de croire qu’il va encore gravir des échelons de la finance internationale jusque vers son faîte, et il a donc de bonnes raisons de jouer attentivement la carte de Washington. Il a déjà été Président de l’American Finance Association et récipiendaire inaugural de son Prix Fischer-Black en recherche financière. Il a gagné des prix grassement rémunérés d’Infosys en recherche économique et de Deutsche Bank en économie internationale, ainsi que le Prix Financial Times/Goldman Sachs du meilleur livre sur l’économie. Il est envisagé comme possible successeur à Christine Lagarde à la tête du FMI, mais peut en outre certainement s’attendre à être approché pour d’autres postes de haut niveau dans la finance internationale.

En tant que Gouverneur de la Banque Centrale, Rajan était apprécié et respecté par le secteur financier, mais grandement désapprouvé par les gens du secteur de l’économie réelle (de production) en dépit de son penchant pour la dérégulation et les réformes économiques. La cause principale en était la politique monétairement restrictive qu’il avait introduite et ardemment défendue. Après qu’il ait essuyé de vives critiques issues des rangs du parti au pouvoir, il annonça en juin qu’il n’irait pas concourir pour un second terme en septembre. Plus tard, il avoua au New York Times qu’il aurait aimé rester en poste mais pas pour toute une mandature, car le premier Ministre Modi ne voulait pas en entendre parler. Ancien Ministre du Commerce et du Droit, M. Swamy déclaralors du départ de Rajan que celui-ci allait combler les industriels indiens:

C’est sûr que je voulais le voir dehors, et je l’ai expliqué au premier Ministre aussi catégoriquement que j’ai pu. (…) Son auditoire était principalement occidental, et celui de l’Inde était composé d’une société transplantée à l’occidentale. Les gens venaient chez moi par délégations pour me presser d’y faire quelque chose.

Un désastre qui devait arriver

Si Rajan était impliqué dans cet assaut devant déclarer la majeure partie des liquidités des Indiens illégales – et il y a peu de doute à ce sujet, du fait de ses liens personnels et institutionnels et de l’importance de la Reserve Bank of India dans la provision d’espèces – il avait du coup d’excellents prétextes pour rester en coulisses. Après tout, cela n’a pas pu être une surprise pour tous ceux qui étaient impliqués de près dans l’affaire qu’elle allait aboutir dans le chaos et l’extrême difficulté, surtout pour la majorité d’Indiens pauvres et ruraux qui étaient fallacieusement étiquetés comme les supposés bénéficiaires de l’effort mal nommé « d’inclusion fiscale ». USAID et consorts avaient analysé la situation en long et en large et escompté dans le rapport Beyond Cash que 97% des transactions étaient effectuées avec des espèces et que seulement 55% des Indiens possédaient un compte en banque. Ils ont en outre découvert que sur ces comptes en banque, « seulement 29% d’entre eux avaient été utilisés au cours des trois derniers mois. »

Tout ceci était largement connu et rendait certain que la suppression soudaine de la plupart des espèces allait provoquer des problèmes sévères et même existentiels pour beaucoup de petits commerçants et producteurs, ainsi que pour de nombreuses personnes vivant dans des régions reculées ne possédant pas d’agence bancaire. Quand c’est arrivé, c’est devenu évident combien la promesse d’inclusion financière par le biais de la digitalisation des paiements était fausse, tout comme il en a toujours été le cas concernant la suppression des espèces. Il n’existe tout simplement pas de moyen de paiement qui surpasse les espèces, pour permettre à tous ceux qui participent aussi modestement à l’économie de marché de le faire.

Cependant pour Visa, MasterCard et les autres fournisseurs de services de paiement, qui n’étaient pas concernés par les problèmes existentiels des masses grouillantes, l’assaut sur les espèces s’avérera sans doute être une grande réussite, en « accroissant l’échelle » des paiements digitaux dans la « région expérimentale ». Après un tel chaos et à cause des pertes qu’ils auront tous dû subir, tous les commerçants qui en ont les moyens s’assureront de pouvoir à l’avenir accepter les paiements digitaux. Et les consommateurs qui sont désormais restreints dans la quantité d’espèces qu’ils peuvent obtenir des banques utiliseront des opportunités de paiement par carte, au grand bénéfice de Visa, MasterCard et des autres membres de la Better Than Cash Alliance.

Pourquoi Washington mène une guerre contre les espèces

Les intérêts financiers des entreprises US qui dominent le secteur mondial des technologies de l’information et des systèmes de paiement vont loin pour expliquer le zèle du gouvernement US dans ses efforts pour réduire le recours aux espèces au niveau mondial, mais ce n’est pas la seule raison et peut-être pas la plus importante. Une autre motivation provient du pouvoir de surveillance qui accompagne l’augmentation de l’usage des paiement digitaux. Les organisations US de renseignements et les entreprises de technologies de l’information peuvent surveiller tous les paiements internationaux qui passent par les banques et peuvent suivre la majeure partie du flux général de données. Les données financières semblent être les plus importantes, ayant le plus de valeur [à leurs yeux].

D’une importance encore plus grande, le statut du dollar comme monnaie de référence mondiale et la prédominance des entreprises US dans la finance internationale accordent un pouvoir gigantesque au gouvernement US sur tous ceux qui participent au système financier formel, sans espèces. Il peut faire que tous se conforment aux lois étasuniennes plutôt qu’aux règlements locaux ou internationaux. Le journal allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung a récemment publié un article glaçant sur la façon dont cela fonctionne. Les employés d’une entreprise allemande d’affacturage faisant des affaires parfaitement légales avec l’Iran furent placés sur une liste de veille terroriste par les USA, impliquant qu’ils se sont retrouvés isolés de la plus grande partie du système financier, certains entreprises de logistique ne voulant même plus transporter leurs fournitures. Une banque allemande de premier plan a été contrainte de licencier plusieurs salariés à la requête des USA, alors qu’ils n’avaient rien fait d’illégal ou de répréhensible.

De tels exemples font florès. Chaque banque active au niveau international peut subir le chantage du gouvernement US afin de se conformer à ses ordres, car la révocation de leur licence commerciale aux USA ou en dollar équivaut, en gros, à leur fermeture. Considérez Deutsche Bank, qui a dû négocier avec le Trésor US pendant des mois pour décider s’ils allaient devoir payer une amende de 14 milliards de dollars et sûrement faire  faillite, ou s’en sortir avec 7 milliards. Si vous avez le pouvoir de ruiner les plus grandes banques des plus grands pays, vous avez aussi un pouvoir sur leurs gouvernements. Ce pouvoir par la domination sur le système financier et sur les données qui y sont associées existe déjà. Moins d’espèces il y a en circulation, plus étendu et sécurisé ce pouvoir se retrouve, car l’usage des espèces est une large avenue pour lui échapper.

Traduit par Lawrence Desforges

Photo d'illustration: « Donnez-moi 50 jours et je vous rendrai une Inde propre »


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