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L’argent saoudien envahit Raqqa semant les graines de l’Etat islamique 2.0

Auteur : Moon of Alabama (Etats-Unis) | Editeur : Walt | Jeudi, 19 Oct. 2017 - 22h48

Il nous arrive des nouvelles inquiétantes de Raqqa, en Syrie. Tandis que l’EI est largement défait, il y en a qui sèment des graines pour sa résurrection.

Les forces kurdes sous le label SDF et dirigées par des forces spéciales américaines ont défait l’Etat islamique à Raqqa. Les opérations de nettoyage se poursuivent. La victoire n’a été obtenue qu’après un accord conclu entre les États-Unis et leurs alliés pour laisser le libre passage aux quelques centaines de combattants étrangers et syriens de l’EI et à leurs familles. Depuis que ces autobus chargés de membres de l’EI ont quitté Raqqa samedi soir, on n’a plus entendu parler d’eux.

Lundi, le coordinateur américain pour la lutte contre l’Etat islamique, Brett McGurk, a amené un visiteur indésirable en Syrie.

Brett McGurk est allé à Ayn Issa aujourd’hui avec le ministre saoudien Thamer al-Sabhan (ancien ambassadeur en Irak) et a participé à trois réunions différentes.

La première réunion a été avec le conseil local de Raqqa puis avec le comité de reconstruction. Ils ont au moins rencontré les anciens de Raqqa

 Photo de la visite de Brett McGurk et Thamer al-Sabhan.

La visite a été confirmée par un journaliste (pro-kurde):

"J’étais là. Pas de photos autorisées. La réunion portait en effet sur la reconstruction".

Thamer al-Sabhan est le ministre saoudien des affaires du Golfe. Il est connu pour être extrêmement sectaire et anti-chiite.

En 2015, Thamer al-Sabhan a été le premier ambassadeur saoudien en Irak après la prise du Koweït par l’Irak en 1990. Il ne s’est pas fait des amis  à Bagdad en fulminant contre les unités de mobilisation populaire qui avaient arrêté et combattu l’Etat islamique. Il a dénigré l’érudit religieux le plus vénéré d’Irak:

Sabhan a affirmé que « ceux qui écoutent les sermons du vendredi du Grand Ayatollah Ali al-Sistani et les déclarations de Muqtada al-Sadr peuvent comprendre la menace que posent les autorités religieuses chiites ».

Al-Sistani a la réputation d’aimer tous les Irakiens et de dénoncer toute forme de sectarisme. Le paroles de Sabhan étaient une insulte et une menace envers une très haute autorité religieuse qui a énormément de disciples.

Ces propos injurieux n’ont pas été bien acceptés par la population irakienne et ses cercles politiques. Des voix se sont tout de suite élevées pour exiger son départ d’Irak. Sabhan a alors prétendu qu’un responsable irakien lui avait dit que des groupes chiites actionnés par l’Iran voulaient l’assassiner. Le gouvernement irakien a réfuté ses allégations. Comme Sabhan continuait à allumer des conflits intérieurs en Irak, le gouvernement a finalement demandé à Riyad de le rappeler. Il a été rappelé en octobre 2016 et nommé ministre. Il a récemment appelé à « éliminer le régime voyou iranien ».

L’inviter en Syrie, comme l’a fait Brett McGurk (sur ordre de la Maison Blanche?), est une provocation dangereuse.

L’administration Trump n’a pas envie de dépenser de l’argent pour la reconstruction de Raqqa qui a été en grande partie détruite (vidéo) par des milliers de frappes aériennes et d’artillerie américaines. Le Département d’Etat a promis de « diriger » les efforts pour restaurer l’approvisionnement en eau et en électricité à Raqqa, mais il veut poser le fardeau financier sur d’autres épaules :

« Nous allons apporter de l’aide et prendre essentiellement la direction des opérations pour amener l’eau, l’électricité et tout cela », a déclaré la porte-parole du département d’Etat, Heather Nauert, lors d’un point de presse. « Mais finalement la gouvernance de la Syrie est quelque chose qui, à mon avis, continue d’intéresser tous les pays ».

C’est une très mauvaise approche. Les États-Unis devraient demander au gouvernement syrien de prendre tout de suite la responsabilité de Raqqa, puis ils devraient quitter le pays.

A la place, ils demandent à Thamer al-Sabhan de financer la « reconstruction » et la « gouvernance ». Mais l’humanitaire n’intéresse pas l’Arabie saoudite. Il n’y a qu’à regarder le lent génocide auquel elle se livre au Yémen avec sa guerre. L’Arabie saoudite ne soutiendra que les groupes et les populations qui veulent se rallier à sa version wahhabite extrémiste de l’islam.

L’Etat islamique a en grande partie la même doctrine que les Saoudiens. L’EI a utilisé des manuels scolaires saoudiens dans ses écoles. Beaucoup de ses principaux membres viennent d’Arabie Saoudite. On pense généralement, avec des preuves à l’appui, que les donateurs saoudiens ont financé l’Etat islamique – du moins à ses débuts.

Où sont allés les membres de l’EI qui ont quitté Raqqa en bénéficiant du libre passage? Les forces syriennes qui luttent contre l’Etat islamique le long de l’Euphrate, plus à l’est, signalent que les combattants de l’Etat islamique ont largement disparu de la région. Ils se sont fondus dans la population ou se sont déplacés au nord de l’Euphrate pour se rendre aux forces américaines par procuration. Qu’est-ce qui va leur arriver? Qui paie pour nourrir leurs familles?

L’EI est née de la résistance sunnite contre l’occupation étasunienne de l’Irak. Autour de 2010/11, cette résistance a été considérée comme morte. Mais pour d’autres, elle était toujours un précieux instrument anti-chiite, et l’argent des régimes sunnites du Golfe continuait à couler. Les groupes terroristes sunnites en Irak se sont ??lentement reformés. L’administration Obama a vu l’Etat islamique se développer mais l’a laissé intentionnellement grandir pour servir ses propres objectifs politiques. Les militaires américains l’ont même parfois soutenu dans leurs combats contre l’Etat syrien.

L’Etat islamique n’est pas encore complètement vaincu, et les graines pour sa prochaine réincarnation sont déjà semées. Thamer al-Sabhan utilisera l’argent qu’il mettra en Syrie pour continuer à inciter à la violence anti-chiite. Il financera ceux qui lui promettent de résister à « l’axe chiite » (Iran, Irak, Syrie, Liban). Les « anciens » membres de l’EI seront invités à se joindre à l’œuvre de « réhabilitation ».

Il reste à espérer que l’axe de la « résistance » en Syrie réussira à détruire ces mauvaises herbes avant qu’elles ne soient trop hautes.

Traduction : Dominique Muselet


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