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Vendredi, 29 Mars 2024

Crise internationale : Le malaise de la globalisation

Auteur : Ricardo Aronskind | Editeur : Walt | Samedi, 24 Juin 2017 - 17h20

Les problèmes structuraux de la mondialisation sont systématiquement niés et couverts par des diagnostics auto-complaisants de prompte amélioration. Les statistiques portant sur une croissance faible et un taux erratique de demandeurs d’emploi se répètent année après année, depuis la crise de 2008.

Les gouvernements des « pays centraux », imprégnés par le cadre idéologique et institutionnel néolibéral, utilisent a minima des instruments expansifs de politique économique. Les pays latinoaméricains devraient être préparés à une contraction globale, que pourrait générer la tendance à la baisse de la demande de matières premières. La transformation du climat politique dans ces « pays centraux » est l’expression d’un malaise social croissant de l’économie libérale : la concentration de la richesse et la dépossession du plus grand nombre.

La stagnation relative de l’économie occidentale est indéniable. Les statistiques sur une croissance faible et un taux erratique du chômage se répètent année après année, depuis la crise de 2008. Les gouvernements des pays centraux, imprégnés par le cadre idéologique et institutionnel néolibéral, utilisent a minima des instruments d’expansion de politique économique. Ainsi, la politique monétaire exprimée par « l’assouplissement quantitatif » [« quantitative easing  »] mise en application aux États-Unis d’Amérique, en Grande-Bretagne, au Japon et récemment par la banque Centrale Européenne a atteint ses limites, sans que les économies n’aient décollé.

Neuf ans ont déjà passé, durant lesquels systématiquement la Banque Mondiale et d’autres organismes qui institutionnalisent l’ordre mondial, font des pronostics économiques de croissance mondiale qui sont démentis par une réalité beaucoup plus anémique.

Les problèmes structuraux de la mondialisation sont systématiquement niés, et couverts par des diagnostics auto-complaisants de prompte amélioration. Mais l’impact économique et politique d’une crise financière sans résolution ne peut pas être caché, et devient visible à travers de nombreux événements qui surviennent avec une fréquence de plus en plus rapprochée.

La dette globale continue de progresser et plombe la relance économique. Selon la revue Forbes, le monde doit 3,3 fois son PIB, c’est à dire, 217 millions de millions de dollars. La dette mondiale a vigoureusement continué à s’accumuler après l’explosion de la crise financière de 2008, malgré la faible croissance enregistrée durant cette période. Les trois quarts de ces dettes concernent les pays [« dit »] développés.

Les États-Unis d’Amérique présentent l’un des endettements les plus élevés du monde en dépassant de 3,4 fois leur PIB. La dette fédérale, à elle seule, est plus grande que tout le produit annuel du pays (102 % du PIB). L’ensemble des administrations (fédérales, étatiques et locales) ont augmenté fortement leurs passifs dès 2008 à 80 %. La solvabilité du secteur privé US s’est détériorée pendant l’année 2016, notamment dans le secteur non financier.

La dette totale de l’Eurozone atteint des niveaux record de 405 % du PIB. La dette gouvernementale des 19 membres équivaut à 110 % du PIB agrégé. Le Royaume-Uni, où la réalité politique est devenue extrêmement fluide, doit presque cinq fois son PIB (465 %). Les trois-quart de la dette totale britannique correspond au secteur privé, tandis que le reste relève du secteur public (115% du PIB). Le seul secteur financier accumule une dette qui équivaut à 190 % du PIB national.

Au Japon,la seule dette publique équivaut 2,5 fois son PIB, bien qu’en majorité celle-ci ait été contracté auprès des prêteurs locaux.

Cette accumulation très risquée de dette s’explique par les politiques monétaristes fortement expansives mises en application par les principales banques centrales des principaux centres économiques mondiaux, et aussi par la croissance « végétative » de l’énorme dette contractée par le reste du monde, malgré de très bas taux d’intérêt. Cette croissance végétative révèle, à son tour, l’impossibilité de « gérer » ces dettes, qui sont explosives. Une augmentation des taux accélérerait inévitablement l’augmentation des dettes elles mêmes, alors qu’on doute de plus en plus de leur recouvrement.

Les commentaires des agences de « notation des risques », dont les préférences politiques pour les pays centraux et les gouvernements néolibéraux, sont de plus en plus difficiles à déguiser en « évaluations techniques ».

Avertissements

L’OCDE (l’Organisation pour la Coopération et le Développement Économique), dans un document officiel, a signalé : « les maigres expectatives de croissance dépriment le commerce, l’investissement, la productivité et les salaires ». Le communiqué remarque aussi que : « les taux d’intérêt exceptionnellement bas déforment les marchés financiers et créent des risques tout aux long du système financier ».

Encore plus explicite, est le paragraphe suivant : « La déconnexion entre les hausses de titres et d’actions, la chute de bénéfices, d’expectatives de croissance, combinées avec surchauffe des marchés immobiliers dans beaucoup de pays, augmentent la vulnérabilité des investisseurs à de fortes corrections dans les prix des actifs ». « Des fortes corrections » signifie dans le langage mesuré de l’organisme, l’explosion des bulles créées par le capital spéculatif.

Personne ne peut dire que les avertissements n’ont pas été faits avec clarté. Cependant le système mondial répond par l’inertie, le silence négationniste et avec une absence totale de propositions tangibles.

Des faits politiques d’énorme importance montrent un changement crucial dans l’état d’âme de l’opinion publique mondiale concernant le phénomène connu comme « mondialisation ». L’un est le Brexit c’est-à-dire la décision de la Grande-Bretagne de sortir de l’Union Européenne, issue d’un référendum (juin 2016) gagné de façon surprenante par la position favorable à la sortie. Un autre est, le triomphe de Donald Trump (novembre 2016), contre la favorite de l’establishment économique des États-Unis d’Amérique, la démocrate Hilary Clinton. C’était elle qui a expliqué avec réalisme – avant les élections – la logique des votants de Trump : « trop d’Etatsuniens se sentent comme exclus et abandonnés par notre économie, par notre gouvernement. Je comprends leur frustration et franchement même la peur, que plusieurs personnes voient que ça me marche pas pour eux, et qu’ils sont en attente des réponses ».

Le triomphe du candidat de centre-libéral Macron (mai 2017) en France a été présenté comme une revalidation populaire de la mondialisation libérale. Cependant, la somme des votants qui réfutent le style de rigueur et d’austérité qu’impose l’Union Européenne et la droite néolibérale française, a atteint presque 50 % des votes au premier tour. Le triomphe indiscutable du candidat « modéré » dans le ballotage doit se lire dans le contexte de la frayeur que provoquait l’alternative représentée par la droite xénophobe.

Le très bon score qu’a récemment obtenu le travailliste britannique de gauche Jeremy Corbin (juin 2017) dans sa confrontation avec le Parti Conservateur, s’inscrit aussi dans le malaise avec la rigueur et le transfert de richesse aux secteurs les plus puissants qui se pratique au Royaume-Uni.

Concentration

Cette transformation du climat politique qui est observé dans divers pays centraux, est l’expression d’un malaise social croissant avec les caractéristiques intrinsèques de l’économie libérale : la concentration de la richesse et la dépossession des majorités. La nouveauté est que jusqu’à présent les systèmes « bipartistes » sans alternatives économiques au néolibéralisme, semblaient stables dans ces régions.

Le dit Brexit, ou bien, la séparation de la Grande-Bretagne de l’Union Européenne est un fait économique-politique d’ une importance énorme qui menace à son tour de générer de nouveaux processus politiques et économiques.

L’Union Européenne a décidé de ne pas favoriser une sortie confortable pour l’associé anglais. Elle a besoin de dissuader d’autres membres qui peuvent avoir la tentation de la séparation, en générant des coûts économiques-sociaux pour Londres.

La Première ministre britannique, Theresa May, pariait sur un processus de séparation complète de l’UE entre 2017 et 2019. Sa prétention de négocier avec « plus de force » le divorce – qui cachait un nouveau tour de vis de coupures budgétaires dans la santé et d’autres services publics — a été repoussée avec une force inespérée par l’électorat britannique.

Trump propose une version « nationaliste US » de la mondialisation : la stagnation salariale, le manque d’emplois dans l’ industrie, l’absence d’horizon de progrès des classes moyennes serait la « faute » des chinois et des Mexicains. Que les multinationales US aient décidé de déplacer leurs usines vers d’autres région,s en cherchant à accroitre encore plus leurs bénéfices, n’entre pas en ligne de comptes dans l’explication du multimillionnaire républicain.

L’inconnue à laquelle ont fait face est de savoir si Trump pourra avancer à contre-courant de la logique du capital mondial étasunien, ou si l’establishment réussira à « le contenir » et à l’adapter aux normes déjà « établies » de la mondialisation. En tout cas, le nouveau président ajoute un autre facteur de plus à l’instabilité mondiale, puisque son futur impeachment n’est pas du tout impossible.

Contraction mondiale

Au scénario de la stagnation et de la fragilité qu’a laissé la crise de 2008, doivent s’additionner, les nombreuses possibilités de déstabilisation politique et économique mondiale. La volatilité politico-militaire internationale a aujourd’hui beaucoup de noms : La Syrie, le Yémen, le Venezuela, le Qatar, la Turquie, l’Ukraine, la Corée du Nord, le Golfe Persique, la Mer de la Chine. La présidence de Trump ajoute une imprévisibilité interne et externe à la scène mondiale.

Face à autant d’éventuels détonateurs, les pays sud-américains devraient être préparés à une contraction mondiale, qui pourrait accroitre la tendance à la baisse de la demande de matières premières. Une hausse éventuelle du taux d’intérêt pourrait aussi générer le même effet au niveau régional.

L’apparition significative de partis et de leaders progressistes comme Sanders, Corbyn, Mélenchon, le gouvernement de gauches au Portugal, Podemos en Espagne, montre la distorsion de la réalité développée par la presse conservatrice mondiale puisque : l’on peut seulement choisir entre le néolibéralisme ou la droite xénophobe. Aujourd’hui on peut dire qu’a surgi une réponse démocratique, humaine et sociale à la globalisation néolibérale.

Un agenda mondial apparaît qui fut – jusqu’à il y a peu – un lieu commun en Amérique Latine : garantir les droits de soutenir les marchés internes. D’autre part, les droits sociaux pourront seulement se concrétiser par une forte redistribution des revenus. Chose qu’on ne peut pas espérer avec des marchés non réglementés et qui se désintéressent de l’intérêt général et du destin de la planète.

L'auteur, Ricardo Aronskind est un économiste argentin, chercheur, et enseignant à l’Institut du Développement Humain de la UNGS-UBA.

Traduit de l’espagnol: Estelle et Carlos Debiasi


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