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Samedi, 18 Mai 2024

Est-il vraiment utile de se défendre contre ceux qui n’ont que les mots « complotisme », « fake news » à la bouche ?

Auteur : Avic | Editeur : Walt | Mardi, 09 Mai 2017 - 16h47

Nous avons reçu récemment un message d’un de nos lecteurs qui, comme beaucoup de lecteurs de sites alternatifs, se retrouve souvent « agressé » par des gens dits « normaux ». Plutôt que de répondre à ce lecteur, j’ai préféré faire un article sur le sujet. Voici le message en question :

« Mon intérêt pour les médias « alternatifs » est assez récent. Plus je m’informe et plus la méfiance vis-à-vis des médias mainstream grandit. Je vous remercie au passage pour la qualité de votre travail. Le problème réside dans le fait qu’au cours de discussions géopolitiques avec des amis, j’en suis arrivé au point où j’ai des difficultés à étayer mes propos dans la mesure où mes sources ne sont pas « officielles » et s’inscrivent contre la doxa.

Prenons pour exemple l’attaque chimique du 4 avril. Les doutes concernant l’auteur de l’attaque sont toujours présents me concernant mais une connaissance persiste en me disant que le régime syrien est coupable. Elle s’appuie depuis la semaine dernière sur le rapport gouvernemental divulgué par Ayrault.

Mêmes si la conclusion de ce rapport ne confirme pas à 100% la culpabilité de Bachar, il oriente fortement notre avis vers cette option. J’aimerais de ce fait lui montrer les articles qui se trouvent sur votre page et celles d’autres medias mais vous êtes référencé comme étant « complotistes » « alternatifs », « fake news » etc.

Ce qui est très difficile à faire comprendre à quelqu’un qui ne jure que par l’OTAN, l’ONU etc. ces organismes internationaux dignes de foi et totalement impartiaux… Le site Airways me permettrait d’ouvrir les yeux des mes interlocuteurs concernant la réalité des actions occidentales au Moyen-Orient par exemple mais il serait discrédité en un rien de temps parce que « non officiel ». Ma question est la suivante: comment donner une légitimité aux positions que vous défendez si à chaque fois que j’expose mon opinion, on m’oppose un article de Libération, Le Monde & Cie ?! Merci d’avance. »

***

Il semble que ce problème est partagé par tous ceux qui veulent en savoir plus sur les évènements et cherchent à en comprendre les tenants et les aboutissants.

Généralement, à Réseau International, nous évitons soigneusement les discussions stériles où chacun assène sa « vérité » en se plaçant délibérément dans un camp ou dans un autre, se transformant et réagissant sans le savoir comme un supporter de match de foot. La question pour nous n’est pas de savoir qui a tort ou qui a raison, mais de tenter de comprendre la réalité des évènements, qui sont toujours complexes. Votre démarche, comme la nôtre, souffre d’une énorme faiblesse qui est celle-ci : le doute et le questionnement permanent ne font jamais le poids face à quelqu’un qui n’a que des certitudes. Et c’est toute la différence entre les médias réellement alternatifs et les médias traditionnels.

En somme, par une extraordinaire inversion dont les grands médias ont le secret (rappelons que l’expression « fake news » a été lancée par Donald Trump contre les grands journaux américains tels que CNN),  les grands médias qui prétendent ne dire que la « vérité » accusent les médias alternatifs de fake, alors que ceux-ci ne prétendent à aucune vérité, se contentant de rechercher des réponses à leurs questions. En fait les représentants du courant officiel ne supportent pas la remise en cause de leur doxa. Je ne sais plus qui disait : le contraire de la vérité ce n’est pas le mensonge, mais la certitude.

Il existe pourtant énormément de raisons qui poussent à se poser des questions sur ce qu’écrivent les grands médias ou sur les déclarations officielles, et vos interlocuteurs le savent parfaitement. Ils sont les premiers à ne pas croire un mot de ce que dit Hollande et Ayrault quand ceux-ci tiennent un discours officiel sur le chômage ou sur n’importe quel sujet même étayé de chiffres d’un organisme officiel, mais ils considèrent comme sacrée une déclaration émanant de ces deux messieurs quand il s’agit de la Syrie ou de la Russie. Ça ne tient pas debout, sauf si l’on considère que leur opinion négative vis à vis de la Syrie (leur certitude donc) était déjà faite grâce à la propagande médiatique. N’importe quelle confirmation, d’où qu’elle vienne, d’Al Qaida, de Daech, du pire des dictateurs ou du gouvernement français, est la bienvenue pour renforcer une conviction déjà existante. Le pire c’est qu’ils n’en ont même pas conscience.

Une autre différence essentielle existe entre les médias traditionnels et les médias alternatifs. La soi-disant objectivité des médias traditionnels vient du fait qu’elle reposerait sur des sources fiables. Or ces sources sont principalement les déclarations officielles, et de divers témoignages sur les évènements relatés. En d’autres termes, la « vérité » journalistique d’aujourd’hui sur les évènements mondiaux consiste essentiellement à citer ce que disent ou pensent les autres, indépendamment du contenu.

Ayant conscience de toutes les failles que peut renfermer un témoignage, même le plus honnête, considérant qu’une opinion, fût-elle autorisée, sur un évènement ne reflète que le point de vue de son auteur, les médias alternatifs veulent aller plus loin pour tenter d’avoir une vision élargie de chaque évènement en tentant de le remettre dans leur contexte ainsi que toutes les déclarations officielles qui l’entourent. Les médias alternatifs ne sont généralement pas animés par des journalistes, mais par des personnes qui ne veulent plus se contenter  de déclarations  qui elles, ne rapportent jamais la réalité mais visent toujours un but politique, surtout dans un contexte de guerre (et nous sommes en guerre…). Le simple bon sens veut que, dans de telles circonstances, aucune déclaration officielle, d’où qu’elle vienne, de Hollande, de Assad, de Trump ou de Poutine, précisément parce qu’elle cache toujours un but, ne doit être prise pour argent comptant.

Alors, il reste la logique, qui doit être construite, non pas à partir de quelques bribes d’informations souvent issues des mêmes sources déclaratives officielles, mais sur des documents et sur les faits observables vidés de leur contenu émotionnel. Les journalistes d’investigation n’existant presque plus, les médias alternatifs se sont tournés tout naturellement vers Internet pour aller chercher leurs informations à la source. Leur manque de méthodologie est ben réel, et les informations rapportées sont noyées dans un océan de « fakes ». Aussi, la plupart des blogs alternatifs exhortent leurs lecteurs à se faire leur propre opinion et de ne pas tout prendre pour argent comptant. Contrairement à ce que les médias traditionnels veulent faire croire, bon nombre de blogs alternatifs ne se prétendent pas être des journaux d’informations, mais se présentent plutôt comme des médias d’opinion discutant ces informations.

Le cas de la dernière attaque chimique en Syrie est une parfaite illustration de ce qui est écrit plus haut. En effet, que savons-nous de qui s’est passé ? Pas grand-chose, rien en fait. Voici ce que nous savons :

-  Après l’annonce de cette attaque les Etats-Unis ont effectué des frappes (attendues depuis 2013) sur une base de l’armée syrienne.

- Cette frappe a été déclenchée par la conclusion que l’attaque chimique avait été effectuée par l’armée syrienne.

- Pour les Etats-Unis, le Royaume Uni, Israël et la France, l’utilisation de l’arme chimique leur donne, aux yeux de leur opinion publique, le feu vert pour une intervention directe en Syrie. Sans arme chimique, les seules interventions qu’ils peuvent se permettre sont les actions clandestines via leurs services de renseignement.

- A plusieurs reprises, les mercenaires étrangers, et ceux que nos médias traditionnels appellent les rebelles modérés ont clairement œuvré pour provoquer une intervention directe des Etats-Unis et de ses alliés. Israël l’a déjà fait à plusieurs reprises sans attendre les Etats-Unis qui, eux, ont besoin d’un motif solide pour s’engager dans une voie qui pourrait être dévastatrice.

- Des armes chimiques avaient déjà été utilisées en Syrie, et les conclusions des enquêtes internationales avaient blanchi l’armée syrienne, ce qui signifie que ce sont les « rebelles modérés » qui les avaient utilisées.

- La Syrie a fait démanteler son arsenal chimique par l’ONU. A moins de refaire le coup des armes de destruction massive de Saddam Hussein, l’armée syrienne ne dispose plus d’armes chimiques qui étaient la hantise d’Israël.

Voilà ce que tout le monde sait, y compris les grands médias et ceux qui boivent les déclarations officielles. Un enfant de cinq ans pourrait tirer de ces simples données des conclusions dont sont incapables les consommateurs de déclarations officielles qui, rappelons-le, sont déjà des endoctrinés qui ne cherchent dans ces déclarations que le renforcement de ce qu’ils ont déjà dans la tête. N’’ayant qu’une connaissance limitée des faits, ils préfèrent voir comme un « fake » tout nouvel élément qui risque de démolir leurs certitudes. Il s’agit avant tout d’ignorance et du refus d’accepter cette ignorance.

D’autre part, que savons-nous de la fameuse dernière attaque chimique à Khan Sheikhoun en Syrie ?

- Bien que l’armée syrienne ne dispose plus d’armes chimique selon l’ONU, les « rebelles modérés » disent avoir subi une attaque au gaz sarin. Pour étayer leur allégation, ils diffusent sur internet des images sensées montrer cette attaque.

- Rappelons que les dits « rebelles modérés » ont déjà fait usage des armes chimiques, et il a été prouvé qu’ils disposaient encore de ces armes chimiques. Rappelons d’autre part qu’ils savent ce qu’implique l’utilisation des armes chimiques par l’armée syrienne. Le gouvernement syrien aussi connait ces implications.

- La France, les Etats-Unis, le Royaume Uni et Israël soutiennent officiellement ces mêmes « rebelles modérés » qui accusent leur ennemi d’avoir commis un acte qui, de toute évidence, ne procure aucun bénéfice au gouvernement syrien, mais le conduirait plutôt à sa perte.

Là encore, même un enfant de cinq ans pourrait voir la nature de l’annonce de l’attaque chimique à Khan Sheikhoun. En cas de doute au milieu des déclarations des uns et des autres, seule une enquête internationale pourrait avoir une quelconque valeur. Mais notre buveur de déclarations officielles ne peut se permettre de rester dans l’incertitude le temps d’une enquête officielle. Il lui faut sa certitude tout de suite, ne laissant aucune place pour les « je ne sais pas » ou les « peut-être ». C’est d’ailleurs ce qui explique leur arrogance face à ceux qui se posent des questions et qui doutent, et leur suffisance solidement adossée sur leur certitude (réelle celle-là) d’appartenir au plus grand nombre. Face à eux, il n’y a rien d’autre à faire que de tenter de leur faire relever eux-mêmes les incohérences de leurs discours afin d’ébranler leurs certitudes.


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