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Mercredi, 01 Mai 2024

« Ce qui arrive maintenant, ben c’est ça »

Auteur : Bruno Adrie | Editeur : Walt | Vendredi, 17 Févr. 2017 - 11h28

« Là-bas si j’y suis », émission du 13 dévrier 2017, au meeting de Macron à Lyon. Dillah Teibi interroge ceux qui sont venus voir le télévangéliste en costard bien mérité.

Ils sont quatre, quatre jeunes, garçons et filles, étudiants en école de commerce ou de management. Ils ont 20 ans et ont déjà des idées bien arrêtées sur ce qu’est la politique et sur ce qu’elle n’est pas. Ils sont pour Emmanuel Macron, qui incarne selon eux, « un renouveau face aux politiques vieux, vieux jeu » et rejettent Benoît Hamon qui à leur yeux est un utopiste. Utopiste ? Eh bien parce que notamment il veut légaliser la consommation de cannabis et même si « beaucoup fument du cannabis dans les soirées étudiantes », c’est pas une raison pour en légaliser le commerce. Il est utopiste aussi (ils ne voient pas qu’il est menteur) en voulant maintenir les 35 heures. Mais voyons, avec les 35 heures, pas de relance de la croissance! (Savent-ils qui en profite presque exclusivement de la croissance?) On ne peut pas gagner de l’argent en travaillant moins! A ceux qui croiraient ça, ils demandent de se poser les bonnes questions. Pour eux, ce qui est bien, c’est de favoriser les start-up et la création d’entreprises. Ça c’est bien, « surtout par rapport à nous, en tant qu’étudiants en école de commerce ou de management, ajoute un garçon. Ça rentre parfaitement dans ce qu’on veut faire. » Mais tu veux faire quoi au fait?

Pour ces quatre-là, pas de doute, « l’ubérisation, c’est le futur du marché », ça concernera la majorité des emplois de demain, et c’est forcément vrai, parce qu’on le leur dit tous les jours en cours, en management, en économie, dans toutes les matières enseignées dans leur école – Dillah Teibi semble médusé. Et c’est d’autant plus intéressant qu’ils se voient riches, forcément, tenant le manche de la poêle à frire Uber dans laquelle ils feront griller les travailleurs, les feront sauter comme du pop-corn sur le feu des cadences insoutenables et des salaires assaisonnés au mépris. « Quand on regarde les gens qui font fortune maintenant – bien sûr, c’est ça, il s’agit de faire fortune –, poursuit le garçon, c’est les applications, c’est l’ubérisation ». Et de conclure : « ce qui arrive maintenant ben c’est ça. » Ben oui, c’est ça, c’est naturel : la nuit, on allume les phares, l’hiver on met le chauffage, les pommes s’achètent en hypermarché et pour le travail, il y a Uber. Alors il faut voter Macron. « On vote pour une personne, pour un programme, pas pour un parti. Ceux qui votent à droite ou à gauche, n’ont encore rien compris à la politique.»

Ils s’expriment à coups de pensées courtes, nos étudiants, à coups de formules faciles, prêtes à recracher, en mots pilules. Ignorants, ils vivent en apesanteur, dans un éternel présent, sans culture, sans passé, presque sans identité, avec, dans la bouche, des mots aveugles et sourds qu’ils voudraient pragmatiques. Ils planent dans un ciel de rêverie managériale entourés d’évidences virevoltantes qu’ils aspirent et recrachent dans un va-et-vient qui ressemble à une respiration. Ils l’ont leur cannabis !

Alors, les voilà chez Macron, ils débarquent pour le spectacle, épilés, savonnés et décérébrés avec soin. Ils sont heureux, insouciants, prêts à mordre dans la viande des autres, à les bouffer vivants, pas d’état d’âme, car leur but c’est de devenir riches, de gagner du fric, de rouler en 4×4 et de se brouiller la vue au champagne et les ouïes au cannabis. Leur but c’est de vivre en vase clos, en attendant de se reproduire, entre merdeux gâtés, entre merdeux proprets et bien installés dans un monde pragmatique où des esclaves sans visage crèvent à bout de souffle pour entretenir leurs illusions. Et comme l’a dit le garçon, « ce qui arrive maintenant ben c’est ça ».

Oui c’est ça, jusqu’à ce que ton Uber, il déboule au coin de ta rue, chevauché par ton Macron, tonnant comme un rouleau compresseur emballé et rageur, et t’écrase, comme il écrase déjà tant de travailleurs, sous sa grosse roue épaisse et aveugle, la roue du pillage mondialisé et de l’esclavage pour tous, jusqu’à ce qu’il aplatisse ta fine carcasse bien peignée, sans que tu comprennes pourquoi. Là tu verras que t’es comme les autres et peut-être que dans un dernier sursaut, tu te diras : « ce qui arrive maintenant, ben c’est ça », et il sera trop tard.

Photo d'illustration: Emmanuel Macron en septembre 2014 (cc) Wikimedia Commons / Gouvernement français


- Source : Bruno Adrie Blog

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