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La responsabilité des récitants de mantras – La liberté de la presse en question

Auteur : Pr Chems Eddine CHITOUR | Editeur : Walt | Mardi, 03 Janv. 2017 - 22h40

«Il n’existe pas, à ce jour, en Amérique, de presse libre et indépendante. Vous le savez aussi bien que moi. Pas un seul parmi vous n’ose écrire ses opinions honnêtes et vous savez très bien que si vous le faites, elles ne seront pas publiées. On me paye un salaire pour que je ne publie pas mes opinions et nous savons tous que si nous nous aventurions à le faire, nous nous retrouverions à la rue illico. Le travail du journaliste est la destruction de la vérité, le mensonge patent, la perversion des faits et la manipulation de l’opinion au service des Puissances de l’Argent. Nous sommes les outils obéissants des Puissants et des Riches qui tirent les ficelles dans les coulisses. Nos talents, nos facultés et nos vies appartiennent à ces hommes. Tout cela, vous le savez aussi bien que moi!» John Swinton, célèbre journaliste, le 25 septembre 1880, lors d’un banquet à New York quand on lui propose de porter un toast à la liberté de la presse (Labor’s Untold Story, de Richard O. Boyer and Herbert M. Morais, 1955/1979.)

Comment perdurent les conflits créés par les hommes? On peut invoquer mille et une raisons! Dans cette réflexion nous allons zoomer sur l’immense responsabilité du quatrième pouvoir qui est celui de l’information. C’est un fait! Il n’y a pas de presse libre; un exemple nous est donné par le journal Le Monde qui fut un journal de référence il y a bien longtemps. Dans un éditorial intitulé: «Syrie: le crime de trop appelle une riposte» appelant au meurtre et à la curée, Natalie Nougayrede du Journal Le Monde, ne laisse aucune place au doute. Ses références à prendre comme du pain béni sont occidentales. Poursuivant la technique du boutefeux, elle incite à la fierté: «La crédibilité des pays occidentaux, qui avaient parlé à des degrés divers de «ligne rouge», est en jeu…Un autre exemple sous la plume de la même boutefeux: «Iran: bombarder ou pas?» Madame Nougayrede s’empare de l’imaginaire des lecteurs, en leur imposant de fait sa certitude; il faut bombarder l’Iran, mais quand? Enfin, on ne peut pas ne pas citer la fascination de la journaliste pour Bernard-Henri Lévy et son épopée dans le lynchage d’El Gueddafi. Mais ce journal n’est pas le seul média français se livrant à la désinformation outrageuse. La radio RTL (1ère radio) rivalise avec le journal Le Monde, car en plus d’abêtir les auditeurs, elle se complaît dans la collaboration avec l’impérialisme occidental, dominé par le système anglo-saxon.

Le mensonge érigé en dogme du magister dixit

Le très puissant New York Times symbolise bien l’année médiatique difficile des médias occidentaux. Ses dirigeants ont même appelé à se remettre en question L’année écoulée s’est montrée difficile pour les médias de masse occidentaux. Entre prévisions erronées, crédibilité entachée et manque de confiance de la part de la population, certains ont même appelé à se remettre en question. «Les médias d’information ont largement manqué ce qui se passait autour d’eux…» Cette analyse de Jim Rutenberg, médiateur du très célèbre New York Times, au lendemain de l’élection de Donald Trump, est à l’image de l’année médiatique de bon nombre de titres de presse occidentaux. Que ce soit à propos du Brexit, de l’élection présidentielle américaine ou des chances de François Hollande de faire un second mandat, 2016 s’est montrée cruelle pour les médias mainstream. La réalité a balayé la plupart de leurs prévisions au sujet de ces grands événements qui ont marqué l’année. Mais plus que ces analyses ratées, c’est au niveau même de la couverture de certains sujets comme la bataille d’Alep qu’ils sont critiqués. Le niveau de défiance de la population occidentale envers ses médias atteint désormais des sommets.» (1)

Alep, tombeau du mainstream?

La libération de la seconde ville de Syrie par l’armée de Bachar el-Assad et ses alliés a été l’un des événements les plus marquants de cette fin d’année. Avant que Damas annonce le 22 décembre avoir repris le contrôle de la totalité de la ville, de nombreux médias occidentaux ont accusé l’armée arabe syrienne d’avoir commis des exactions sur les civils d’Alep-Est. La ville aurait été «en flammes», noyée sous les bombardements des avions syriens et russes et la majorité de la presse occidentale plaignait le sort des «rebelles modérés» en passe de perdre la bataille. La machine médiatique en marche a cependant été freinée à plusieurs reprises par des voix discordantes de plus en plus nombreuses. Notamment celle de l’humanitaire français Pierre Le Corf, «Beaucoup de médias ont diffusé des scènes de massacres, […] des gens brûlés vivants», a-t-il déclaré à Sputnik le 14 décembre, ajoutant qu’«en étant ici je n’ai jamais entendu parler de ça. J’ai entendu parler de ça dans les médias. […] Ça me semble difficile à vérifier.» Visiblement agacé par les publications de l’humanitaire montrant des gens heureux de la libération de la ville, plusieurs médias ont attaqué sa crédibilité, l’accusant d’être à la solde du «régime syrien». (1)

De même, la journaliste indépendante canadienne Eva Bartlett a beaucoup fait réagir après son intervention lors d’une conférence de presse organisée par la mission syrienne auprès de l’ONU. Répondant à la question d’un journaliste norvégien, elle avait fait voler en éclat la rhétorique des médias mainstream sur la Syrie. Elle avait notamment évoqué le manque de crédibilité des sources des journalistes occidentaux comme l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH) ou les fameux Casques blancs et avait nié les accusations d’une partie de la presse qui voulait que l’armée de Bachar el-Assad ait commis des crimes sur des civils. (2)

Vanessa Beeley, journaliste indépendante britannique, a également fait parler d’elle en démontant le mythe des Casques blancs. Présentés par une partie de la presse comme une ONG humanitaire, ils ont même été pressentis pour obtenir le prix Nobel de la paix. «Il y a des preuves du soutien aux terroristes en Syrie par ‘les Casques blancs »».

Les mensonges assumés et têtus des médias français

Dans le paysage audiovisuel français aussi, certaines voix bravent la doxa sur la Syrie. Le 21 décembre, Eric Denécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R) était l’invité d’Yves Calvi sur LCI. Dénonçant «une falsification de l’information qui est énorme» concernant Alep, il a tenu à livrer quelques éclaircissements: «Il y a un tiers des quartiers d’Alep, seulement un tiers, qui sont victimes des bombardements, et – j’insiste – c’est un tiers de la ville où des djihadistes dangereux sont présents et ce sont ces djihadistes qui depuis des années tirent sur les quartiers chrétiens et sur le reste de la ville ce dont on ne parle jamais.» «On se fait rouler dans la farine avec Alep?», s’était même interrogé Yves Calvi qui tenta de se distancer de la réalité qu’il a contribué à marteler en boucle. Le dernier coup dur à la version dominante sur Alep est venu d’une actrice et réalisatrice bolivienne de retour d’un séjour de huit mois en Syrie pour tourner un documentaire. (..) Sur CNN le 21 décembre, elle est également revenue sur les tweets de Bana, la petite fille syrienne qui racontait son quotidien d’enfant à Alep-Est c’est juste impossible. J’ai été sur place… franchement… il n’y a pas d’Internet, spécialement dans cette partie d’Alep, il n’y a pas d’électricité depuis plus de 85 jours, je ne pense pas qu’elle était à Alep. Montrez-moi une vraie vidéo du moment où elle est exfiltrée d’Alep-Est.»(4)

L’intellectuel Alain de Benoist n’y va par quatre chemins: Il dénonce une douce complicité. Il écrit: «La grande majorité des journalistes est sincère. Ils sont persuadés d’être toujours dans le vrai parce qu’ils sont victimes de stratégie de persuasion qu’ils relaient. L’immense majorité adhère à la vulgate, libérale libertaire, ce mélange d’idéologie des droits de l’homme de convenance, d’antiracisme, de progressisme, mais de révérence au marché du politiquement correct. Ils en reprennent tous les mantras, unanimismes à condamner le populisme, le protectionnisme, l’identité, la souveraineté, tous persuadés que les hommes sont partout les mêmes et que leur avenir est de convenir au grand marché mondial. Le métier de journaliste n’est pas facile, il demande de l’humilité et non un surcroit de prétention.» (5)

Un exemple d’enfumage même des plus grands journaux? «Reprenant sans pincettes un rapport du FBI, le très sérieux Washington Post a assuré que le piratage d’une centrale électrique du Vermont avait été organisé par la Russie. Le problème? La fameuse centrale a indiqué… qu’elle n’avait pas été hackée. Sans prendre la précaution de vérifier l’information, venue de supposition des services de renseignements américains, le journal n’hésite pas à relayer le commentaire incendiaire du gouverneur démocrate de l’Etat du Vermont, Peter Shumlin, qui qualifie Vladimir Poutine de «l’un des plus gros voyous du monde», conclut, un brin hâtivement: «Cet épisode devrait souligner le besoin urgent pour notre gouvernement fédéral [américain] de pourchasser vigoureusement et de mettre un terme à ce genre d’ingérence russe.»(6)

La fabrication de la normalité

C’est par ces mots que C.J. Hopkins définit le sacerdoce de la presse mainstream qui s’invente des fausses nouvelles contre lesquelles elle doit lutter: Il écrit: «Vers la mi-novembre, à la suite de la défaite d’Hillary Clinton les autoproclamés Gardiens de la Réalité, mieux connus sous le nom de médias tenus par le monde des affaires, ont lancé une campagne mondiale de marketing contre le maléfique et perfide fléau des «fausses nouvelles». Cette campagne a maintenant atteint le stade de l’hystérie. Les médias de l’ensemble de l’Empire diffusent quotidiennement des avertissements terrifiants sur la menace imminente et existentielle contre nos libertés, la menace des«fausses nouvelles».(…) Qui est derrière cette menace de «fausses nouvelles»? Eh bien, Poutine naturellement, mais pas seulement Poutine. (…) Heureusement pour nous, les médias d’entreprise sont à fond sur la piste de cette bande de scélérats. Comme vous le savez sans doute, le Washington Post a publié récemment un sensationnel article qui diffame sans vergogne des centaines de publications alternatives (comme celle que vous lisez) en les traitant de «camelots de la propagande russe». (…) Une foule de publications dangereusement extrémistes, comme CounterPunch, The Intercept, Rolling Stone, The Nation, The New Yorker, Fortune Magazine, Bloomberg et US News & World Report, ont fustigé le Washington Post pour ses pratiques journalistiques «bâclées», «douteuses» ou de bas niveau. L’obsession actuelle des médias à l’égard des «fausses nouvelles» cache le fait qu’il n’y a pas de «vraie nouvelle» et produit simultanément «de vraies nouvelles», ou plutôt leur apparence. (7)

Les citoyens s’informent lucidement d’une façon alternative

Ariane Walter a, à sa façon, décrit le combat des sans-dents pour une vraie information. «2016 a été l’année la plus surprenante, la plus folle, la plus prometteuse. Les grands prédateurs qui dirigent et saignent notre monde se sont pris claque sur claque. Les réseaux sociaux qui sont la voix des sans-dents, ont été tellement vifs, actifs, drôles, puissants, que la clique agonisante, dans un dernier gargouillis, balbutie qu’elle veut les interdire! Dans les merveilleux souvenirs de 2016, nous avons d’abord, débordant des poubelles de l’Histoire, les têtes des médias dits les merdias, qui ont pris une saucée mémorable. Ils prévoyaient un «non» au Brexit. Ce fut un «Oui». Ils prévoyaient Clinton, ce fut Trump. Ils prévoyaient Juppé, ce fut Fillon. (…) Quelle belle année, avec au pied de la guillotine les têtes de Clinton, Obama, Cameron, Sarkozy, Juppé, Renzi, Hollande!!! (…)Parce que nous le voulons, parce que nous le disons, parce que les myriades de barques de notre humanité humaine sont prêtes à voler tant 2016 a été si surprenante, si drôle, si prometteuse, si quantique dans son explosion irrépressible et libre!! 2017, pupuce, tu as un sacré héritage!» (8).

Et en Algérie?

Avons-nous une presse libre? Avons-nous une presse professionnelle, Mon sentiment après avoir contribué modestement à l’émergence de la presse «libre» est qu’il n’y a pas de presse au sens professionnel du terme. Il n’y a pas de presse libre. A des degrés divers et pour des raisons diverses notre presse ne peut pas dire ce qui est dans un sens ni dans l’autre. Certaines fois l’action du gouvernement – même si elle est constructive, ne trouve pas grâce à ses yeux. D’autre fois c’est le contraire c’est «la pommade» sans retenue. S’agissant de l’appréciation de la situation internationale, en règle générale, il n’y a pas de mon point de vue d’analyse objective il y a un suivisme sans un minima de critiques, l’exemple de la situation en Syrie est symptomatique, pratiquement tous les journaux dits «libres» et de réputation répercutent la doxa occidentale participant ce faisant au formatage des imaginaires algériens dans le sens des médias mainstream allant jusqu’à répercuter des expressions toutes faites comme le mot «boucher» pour qualifier Assad, selon la lexicologie des BHL, des Fabius et les mantras concernant les élucubrations de l’Osdh qui fait une comptabilité macabre au jour le jour (150 morts par jour pendant 2000 jours) bien embusqué à Londres.

De l’autre côté, les journaux arabophones, ont en règle générale une opinion différente certaines fois justes, mais souvent pour des raisons idéologiques ou religieuses!

Enfin il y a les journaux du pouvoir condamnés à être des laudateurs sans état d’âme et ne pas sortir des clous. Le journaliste Pulitzer, fondateur du prix du même nom, fondé en 1917 recommande d’être sans pitié pour les escrocs:

«Il n’est pas un crime, pas un truc, pas un sale coup, pas une escroquerie, pas un vice qui ne perdure sans le secret qui l’entoure. Exposez ces faits au grand jour, décrivez-les, attaquez-les, ridiculisez-les dans la presse et tôt ou tard l’opinion publique les chassera. La publicité n’est peut-être pas la seule chose nécessaire, mais c’est une chose sans laquelle toutes les autres démarches resteront vaines.»

Le sociologue Pierre Bourdieu professeur au Collège de France recommandait pour sa part de donner la parole aux citoyens: «Il serait temps que les journalistes apprennent à reconnaître qu’un propos peut être très important intellectuellement ou politiquement, lors même qu’il émane d’un simple citoyen inconnu ou isolé, ou, au contraire, tout à fait insignifiant, lors même qu’il émane d’un homme politique «important» ou d’un porte-parole autorisé d’un «collectif», ministère, Église ou Parti.» Pour sa part et dans un hommage à Wilfred Burchett T.D. Allman écrit: «Le journalisme véritablement objectif non seulement rapporte correctement les faits, mais en tire leur véritable signification. Il résiste à l’épreuve du temps. Il est validé non seulement par des «sources sûres», mais aussi par le déroulement de l’Histoire.

C’est un journalisme qui, dix, vingt ou cinquante ans après les faits, tient encore la route et donne un compte-rendu honnête et intelligent des évènements.»

Tout est dit.

Notes:

1. https://francais.rt.com/international/31575-2016-annee-noire-pour-medias-mainstream 

2. https://francais.rt.com/france/30697-quand-inrocks-pensent-denoncer-video-complotiste-se-font-recadrer-lecteurs… 

3. https://francais.rt.com/opinions/27507-soutien-terroristes-casques-blancs… 

4. https://francais.rt.com/international/31459-actrice-bolivienne-retour-syrie-met-a-mal-version-medias-occidentaux-alep… 

5. http://www.bvoltaire.fr/alaindebenoist/ici-les-journalistes-ne-sont-pas-les-victimes-de-la-censure-mais-les-vecteurs,264005

6. http://reseauinternational.net/le-washington-post-publie-la-fausse-histoire-dune-centrale-americaine-soi-disant-hackee-par-moscou/#ZZF2aGg4PwKzjg2O.99 

7. C.J. Hopkins http://lesakerfrancophone.fr/la-fabrication-de-la-normalite 

8. Ariane Walter https://www.legrandsoir.info/2016-l-annee-quantique.html 


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